jeudi 10 juin 2010

Des poids et des mesures

Monsieur Éric Besson, ministre des Expulsions et de la Pureté Nationale, pataugerait-il, lui aussi, dans l'émotionnel comme n'importe quel(le) "extrémiste" du Réseau Éducation Sans Frontières ?

La question se pose quand on découvre, en page d'accueil de 20minutes.fr, ceci:

C'est bien lui, là, sur la photo ? Je ne rêve pas ?
(Copie d'écran, mise en page au hasard du défilement.)

On apprend, à la lecture de l'article ainsi annoncé, que monsieur Besson, en déplacement officiel au Canada, aurait insisté auprès de son homologue, monsieur Jason Kenney, afin que celui-ci revienne, de manière discrète et discrétionnaire, sur le cas d'une famille française dont les demandes de "résidence permanente" ont été plusieurs fois repoussées par les services canadiens de l'immigration, alors que leur permis de travail temporaire arrive à son terme à la fin de cette année.

David et Sophie Barlagne sont installés depuis cinq ans au Canada, avec Rachel, leur fille qui a maintenant sept ans, et, selon un article du Figaro du 19 mai, "les Barlagne présentent (...) le profil des immigrés modèles". Le père est un ingénieur informaticien qui "a monté avec succès son entreprise spécialisée dans les sites internet et les logiciels culturels". L'article ne précise pas ce que fait la mère, mais insiste sur le fait que la petite fille est "scolarisée et pratique l'équitation et le piano".

Rachel est atteinte de "paralysie cérébrale" et on nous assure qu'elle n'est pas lourdement handicapée, mais, à l'issue d'une visite médicale, "l'administration a estimé que Rachel représentait un «fardeau excessif» pour les services sociaux canadiens". Au cas où monsieur Combien-ça-coûte et madame, née Qui-c'est-qui-paye, me liraient, ce dont je doute, voici l'estimation du "fardeau":

«Un Canadien moyen coûte 4.806 dollars canadiens par an aux services sociaux, c'est l'estimation officielle. Rachel coûterait 5.259 dollars de plus», résume de son côté l'avocat de la famille, Me Stéphane Minson.

David et Sophie Barlagne sont prêts à prendre en charge le montant des soins de rééducation (orthophonie, physiothérapie, ergothérapie) et les frais de scolarité de leur fille.

Mais «au Québec, contrairement à ce qui se passe dans d'autres provinces comme l'Ontario, les services d'éducation spécialisée sont offerts sans frais, peu importe les conditions financières des parents ou leur désir de payer, jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 21 ans», a rappelé la juge Johanne Gauthier de la Cour fédérale (...). La magistrate a toutefois reconnu qu'il s'agissait d'un dossier difficile : «Des cas comme celui-ci sont toujours difficiles à traiter, particulièrement lorsqu'ils impliquent une jeune fille qui est intelligente et attachante».

(Madame la juge a, bien sûr, le droit de porter ses états d'âme en sautoir, mais j'aimerais bien savoir ce que cela changerait si la "jeune fille" était moche comme un pou, méchante comme une teigne et bête comme les pieds de madame la juge...)

En bref, au Québec comme partout, et notamment en France, "la Loi, c'est la Loi"...

Il est piquant, dans ces conditions, de voir notre grand expulseur en chef faire "du lobbying" auprès de monsieur Jason Kenney en faveur d'une famille qui, selon la loi canadienne, a "vocation à" ne pas s'installer au Québec; et de lire ce communiqué où il "espère un dénouement favorable conforme aux vertus d'accueil et d'humanité du Canada, dans le respect de l'indépendance de sa justice".

Les parents de la petite Rachel pourraient probablement trouver en France les soins et l'accompagnement adaptés à son cas... Mais je souhaite, évidemment, que la démarche de monsieur Besson aboutisse.

Néanmoins, j'aimerais que, le jour où il se félicitera de sa réussite, il nous explique le pourquoi de ce "deux poids, deux mesures" dans son action...

Monsieur Besson aurait-il mis sa belle cohérence dans sa poche ?

Car enfin, que je sache, monsieur Besson n'a pas commencé à remuer le moindre cil de la moindre paupière au sujet de l'expulsion, en urgence, par les autorités françaises, de la famille Vrenezi, vers le Kosovo, malgré l'état de santé préoccupant d'Ardy, garçon de 15 ans polyhandicapé.

Les nouveaux lecteurs pourront lire quelques informations sur cette affaire ignoble dans un, deux, trois, quatre billets de ce blogue.

Mais il faut surtout recommander la lecture du "Blog de Ardy", tenu régulièrement par des membre du comité de soutien.

La dernière mise à jour reproduit la lettre-réponse du Préfet de la Moselle au Collectif des Démocrates Handicapés: elle mérite qu'on s'y arrête - ce que je ferai peut-être un jour...

En attendant, je relaye cet appel:

Les associations en appellent à l’Europe des droits de l’homme, de la solidarité et des libertés !

Appel à manifester le lundi 14 juin devant le Parlement européen à Strasbourg pour le retour d’Ardi, jeune Kosovar polyhandicapé !

Alors que l’état de santé d’Ardi Vrenezi, jeune Kosovar polyhandicapé expulsé de France le 4 mai, s’est dramatiquement aggravé, l’Association des Paralysés de France (APF), Handas, le Réseau Education sans Frontières (RESF), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), Handicap International France, la Cimade et l’Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers (ODSE) appellent à manifester le lundi 14 juin à 14h devant le Parlement européen de Strasbourg.

Une manifestation à l’initiative du comité de soutien local qui comprend les structures locales des associations nationales, mais aussi des proches, des voisins, des professionnels de santé qui ont suivi Ardi, des syndicats, des partis politiques… Un objectif : le retour en France d’Ardi et de sa famille pour lui garantir une continuité de soins dont le besoin est vital !

Et puisque les pouvoirs politiques français ne répondent pas – malgré les dernières démarches de la Préfecture de Moselle – aux nombreuses sollicitations, les associations en appellent à l’Europe des droits de l’homme, de la solidarité et des libertés !

L’état de santé d’Ardi s’est aggravé de façon dramatique

Les dernières nouvelles sur l’état de santé d’Ardi sont mauvaises : son épilepsie s’aggrave avec des crises qui se généralisent, conduisant à des pertes de connaissances. Il a des difficultés pour avaler qu’il n’avait pas avant ; et a reperdu une partie des capacités motrices qu’il avait retrouvées grâce à sa prise en charge en France. En absence d’un contrôle de son épilepsie, Ardi va se retrouver dans l’état dramatique dans lequel il était à son arrivée en France en 2008, nécessitant une alimentation par sonde, et risquant les complications graves d’une épilepsie sévère pouvant aller jusqu’à la mort. Même avec des médicaments adaptés, l’absence de prise en charge globale spécialisée laisse prévoir une dégradation rapide de toutes ses acquisitions. Un enfant polyhandicapé avec une pathologie aussi grave a des besoins spécifiques nécessitant une prise en charge complexe.

L’envoi de trois experts par la Préfecture au Kosovo la semaine dernière et le compte-rendu qui en a été fait confirme les inquiétudes des associations. Même si l’état de santé d’Ardi semble se stabiliser suite à son hospitalisation, sa situation générale s’est particulièrement dégradée depuis son départ de la France.

Pourtant, depuis 1998, la loi protège les malades atteints de pathologies graves contre les expulsions et leur permet d’avoir un titre de séjour.

Alertes et interpellations laissées sans réponse !

Depuis des semaines, tous les acteurs mobilisés pour le retour d’Ardi n’ont eu de cesse de solliciter et d’alerter les pouvoirs politiques français nationaux. En vain !

* Depuis le début de la mobilisation, les membres du comité de soutien local – le médecin français d’Ardi en tête – sont restés en contact avec la famille et, alarmés par l’état de santé du jeune, ont envoyé de nombreux courriers notamment au Préfet de Moselle et à Bernard Kouchner. La Préfecture de Moselle et l’Ambassade de France au Kosovo commencent seulement à apporter des réponses partielles à court terme, sans prendre en compte la situation globale de ce jeune adolescent.

* Une pétition demandant le retour de la famille a été signée par plus de 2200 personnes.

* En parallèle, le 6 mai, l’APF a envoyé un courrier au président de la République pour l’alerter sur cette situation. Et le 27 mai, l’APF a demandé la création d’une enquête parlementaire aux Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

* Malgré cette forte mobilisation, les politiques français restent sourds et n’ont répondu à aucun courrier, ni à aucune sollicitation !

Rendez-vous devant le Parlement européen à Strasbourg lundi 14 juin à 14h
pour demander le retour d’Ardi et de sa famille !


Et la pétition, elle est toujours sur le site du RESF.

2 commentaires:

Marianne a dit…

Des bons sentiments chez le sieur Besson ou simplement le calcul du coût de cet enfant pour la France si cette famille est expulsée .Cette prise en compte du handicap pour résider ou simplement voyager en Amérique du nord est intolérable.

Guy M. a dit…

Nous ne saurons peut-être jamais ce qui a fait agir notre ministre. Il est pourtant habitué aux législations intolérables.