lundi 7 juin 2010

Le rasoir d'Henning Mankell

"Sur le bateau à bord duquel je me trouvais, ils ont découvert une seule arme: mon rasoir. Et ils l'ont effectivement arboré, mon rasoir."

Cette remarque d'un des premiers expulsés-rapatriés de la flottille de la liberté pour Gaza, citée dans une dépêche de l'AFP reproduite par Libération, montre bien "à quel niveau on était" lors de cette attaque menée par les troupes israélienne contre un convoi de matériel humanitaire.

Et considérant que, pour être assimilé à une "arme" par les brutes montées à bord, un "rasoir" ne saurait être qu'un authentique coupe-chou, j'ai ressenti comme un sentiment de fraternité pour cet homme qui envisageait peut-être, en bon idéaliste, de se raser avec un tel instrument sur un bateau.

Coupe-chou en tenue de combat.


Cet adepte du rasage à l'ancienne se nomme Henning Mankell.

Sa notoriété d'écrivain lui a permis de publier son témoignage en forme de "journal de bord" dans "divers journaux, dont The Guardian, El País, Dagbladet, La Repubblica ou The Toronto Star", selon Libération qui en a donné, samedi 5 juin, la traduction française (par Anna Gibson), sous le titre inepte de Henning Mankell : récit de l’écrivain embarqué.

On ne se demandera plus tellement dans quoi Libération est "embarqué", en remarquant que les titres des "tribunes" de monsieur "Bernard-Henri Lévy, philosophe", aka "notre ami Bernard-Henri Lévy", ne bénéficient pas de l'habillage distancié (et dans le cas d'Henning Mankell, dépréciatif) des intitulés, marque de style du quotidien joffrinesque...

Pas question de confondre un "philosophe", fut-il un témoin bel et bien "embarqué", avec un "romancier", fut-il un écrivain véritable, "lucide et révolté".

Henning Mankell, mal rasé, à son retour en Suède.

Pour l'essentiel, le texte d'Henning Mankell est constitué de notations de choses vues, observées, subies ou ressenties, et c'est ce qui fait sa force, un implacable témoignage subjectif, bien loin des guignolades "philosophiques":

"Tard le soir, nous arrivons en Suède. Je parle à des journalistes. Puis je reste un moment assis dans le noir devant la maison où j’habite. E. ne dit pas grand-chose.

Le lendemain, 2 juin, j’écoute le merle. Un chant pour ceux qui sont morts.

Maintenant, il y a tout ce qui reste à faire. Pour ne pas perdre de vue l’objectif, qui est de lever le blocus de Gaza. Ça va se faire. Derrière ce but, d’autres attendent. En finir avec un régime d’apartheid, cela prend du temps. Mais pas une éternité."



... un chant pour ceux qui sont morts.

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