Il est probable que la rédaction de la Voix du Nord se trouvait trop dégarnie, en cette période estivalo-vacancière, pour envoyer quelqu'un(e) "couvrir" l'audience de mardi dernier au tribunal de grande instance de Boulogne (sur Mer).
Je ne sais si j'arriverai à m'en consoler...
C'est donc dans les Inrocks que l'on pourra lire, sous la signature de Camille Polloni, le compte-rendu du procès du 12 juillet, où étaient cités à comparaître trois militant(e)s no border accusé(e)s d'un joli assortiment de faits délictueux, comprenant violence en réunion, occupation illégale et refus de soumission à la prise d’empreintes.
Et que l'on apprendra que Jans, Lauren P. et Lauren L. ont été "relaxés au bénéfice du doute pour les faits de rébellion et condamnés pour le refus d’empreinte, mais avec une dispense de peine".
Camille Polloni ajoute :
Jugement accueilli par une salve d'applaudissements.
(Photo empruntée à fragmentdetag.)
Les faits reprochés aux trois militant(e)s remontent au 21 avril, à 9 heures du matin, lors d'une visite, tout à fait discourtoise, de fonctionnaires de la police aux frontières (PAF) et de quelques CRS à l'African House. Il s'agissait - le lieu a depuis été évacué - de locaux industriels désaffectés reconvertis en squat où les migrants pouvaient alors dormir .
Le président du tribunal rappelle les faits : Jans et les deux Lauren, "membres de la mouvance No Border", auraient résisté à leur interpellation sur ce terrain squatté. Lauren P. est accusée de s'être jetée sur une gardienne de la paix pour tenter de lui arracher la caméra fixée à son épaule. La justice reproche à Jans d'avoir attaqué à son tour pour défendre son amie, et porté un coup au policier qui la maîtrisait. La jeune fille aurait alors pu charger un autre fonctionnaire. Lauren L., enfin, se serait précipitée sur un de ses collègues.
Un corps-à-corps qui se termine au commissariat, et dont ne subsiste, selon le médecin légiste qui a examiné les policiers, aucune "stigmate lésionnelle visible".
L'article des Inrocks donne le verbatim de la version de la redoutable Lauren P. qui selon la version officiellement assermentée aurait, avec l'aide occasionnelle de Jans, mis hors de combat deux fonctionnaires de police....
"J'ai suivi une femme policier qui entrait dans l'entrepôt, en la filmant. Les migrants montaient sur le toit pour s'enfuir, elle a retiré l'échelle. Elle est allée contrôler l'identité d'un premier migrant, puis d'un deuxième. Je la suivais toujours, elle était de plus en plus hostile envers moi, mettait sa main devant, se retournait, m'empêchait de filmer. Je la contournais, à un moment j'ai décidé de m'asseoir. Elle a saisi la caméra, l'a retiré de ma main et a marché dessus. Quatre policiers m'ont alors traînée par terre puis menottée. A l'extérieur, j'ai donné mon passeport, puis attendu quelques minutes avant d'être emmenée au commissariat."
Selon elle, sa caméra serait maintenant "détruite" et lui aurait été rendue "sans carte mémoire"...
Il faut dire que ce n'est guère plaisant d'être filmé pendant ses heures de travail.
Et il faut peut-être aussi rappeler que ces faits intervenaient une dizaine de jours après la mise en ligne, sur le site des Inrocks et celui de Rue 89, des "vidéos qui font honte" justement tournées par des militant(e)s no border. Maître Marie-Hélène Calonne, avocate de la défense, fera allusion à ces vidéos : "Effectivement ce sont des vidéos qui font honte à la police et à la façon dont elle travaille."
Il semble que le président ait laissé dire, mais un peu avant, alors que Jans venait de déclarer
"Nous sommes là à cause des brutalités policières, c'est pour ça que nous avons des caméras."
il avait cru bon d'ironiser
"Oui oui, vous êtes la bonne conscience du monde."
J'ignore si le libre exercice de ce type d'ironie méprisante fait partie des prérogatives d'un président de tribunal...
(Mais je ne m'aventurerai pas à supposer qu'à force de juger en son âme et conscience on puisse finir par l'avoir mauvaise.)
PS :
Le travail mené sur le terrain par les militant(e)s no border a abouti, le 22 juin dernier, à la publication de Calais : cette frontière qui tue, un "rapport d'observation des violences policières à Calais depuis 2009".
Soutenu par une vingtaine d'associations et d'organisations telles que le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), la Ligue des droits de l’homme, Emmaüs International, le syndicat de la magistrature ou encore le syndicat des avocats de France (SM), "No Border" a d'ores et déjà envoyé une lettre de saisine au Défenseur des droits s'appuyant sur ce dossier. Les associations demandent ainsi à Dominique Baudis de "mettre en œuvre les moyens d'investigation propres à vérifier et corroborer l'existence des violences constatées" par elles-mêmes.
Pour lire ce rapport, il faut le télécharger.
A condition que la fréquentation de "la bonne conscience du monde" ne vous rebute pas trop...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire