vendredi 8 janvier 2010

Séguin vs Jospin

La vie étant pleine de choses redoutables, comme aimait à le répéter Jean Paulhan, j'ai dû, hier matin, me lever bien avant l'aube afin de pouvoir dégager, au fond du jardin, ma quatrelle ensevelie sous le petit mètre de neige tombé ces jours derniers en Normandie.

C'est ainsi que je me suis aperçu que monsieur Philippe Val, qui préside aux destinées de France-Inter, avait pris de grandes et efficaces décisions modifiant la grille matinale. Le pétulant et tonitruant Nicolas Demorand, l'indépendance faite ancien élève de l'ENS, débarque donc sur les ondes à 6h 30, nous débarrassant de Patricia Martin, qui nous donnait de plus en plus l'envie de ne pas y aller...

Inutile de vous dire qu'en entendant la voix de Demorand, je suis remonté vite fait pour vérifier le fonctionnement de mon réveil.

Tout en prenant le temps que j'avais prévu de perdre, je me livrai aux diverses ablutions et soins cosmétiques du matin, repérai sous quelle congère gisait ma ouature et la dégageai, tout en pestant in petto, comme font les vieux, contre ces changements de programmes inopinés...

Un article du Monde.fr m'a appris que les animateurs-journalistes de France Inter avaient été également "surpris par la brutalité" de cette modification, et que des "membres de la société des producteurs de France Inter" avaient demandé à rencontrer monsieur Philippe Val pour s'en expliquer avec lui. Ce qui fut fait le 18 décembre 2009.

Il avait profité de la rencontre pour leur faire part de grands changements dans la prochaine grille de septembre. Et sûrement des économies. "France Inter est une radio qui coûte cher à l'actionnaire, qui n'est pourtant pas très bien traité par la station", avait-il alors indiqué.

Cette phrase, "France Inter est une radio qui coûte cher à l'actionnaire, qui n'est pourtant pas très bien traité par la station", manifestement reprise du célèbre Manuel du grand manageur à l'usage des nuls, avec cette occurrence incongrue de "l'actionnaire", a offusqué la société des producteurs:

Le lendemain, un tract de la société des producteurs rappelait à M. Val que le seul actionnaire de France Inter était le peuple français, à travers le paiement de la redevance audiovisuelle. Et non pas le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui, désormais, nomme lui-même le PDG de Radio France.

La réponse de monsieur Philippe Val s'est voulue apaisante:

"Nous sommes encore dans une forme de nervosité. Il est évident pour moi que l'actionnaire d'Inter n'est pas le président de la République, mais les auditeurs. Tout changement est compliqué à faire, mais je ne veux pas que France Inter soit un musée."

Espérons que nous ne sommes pas d'ores et déjà "dans une forme de" servilité...

La quatrelle amphibie dont j'ai toujours rêvé,
résistant vaillamment à une attaque de scaphandrier.
(Photo découverte par JR, grand amoureux des zotos.)

Après avoir retrouvé mon véhicule, j'estimai avoir le droit de partir un peu en retard, et je repris un café très chaud en écoutant distraitement la radio nationale.

Rien bien de folichon: on annonçait que l'invité du jour était monsieur Lionel Jospin.

Monsieur Jospin, homme politique à la retraite depuis bientôt huit ans, est le type même de retraité qui, vous ayant fait le coup de la larme à l'œil auprès de la machine à café en expliquant que ça lui serait trop dur de revenir vous voir, est devenu impossible à déscotcher. Tous les six mois, vous le voyez rappliquer, sous un quelconque prétexte, pour pérorer à côté de la même machine à café, évoquant avec force détails les événements marquants de sa carrière.

Le prétexte de monsieur Lionel Jospin est, si j'ai bien compris, la diffusion sur une chaîne de télévision d'un documentaire sur sa vie et son œuvre, et la sortie, aux éditions du Seuil, d'un livre au titre fort alléchant: Lionel raconte Jospin.

Il ne faut pas dire trop de mal de ce titre, car Le Seuil, honorable maison d'édition, qui doit certes coûter cher à "l'actionnaire", aurait pu imposer un titre comme Si Jospin vous était conté par Lionel, ou Lionel Jospin par Jospin Lionel, ou Le petit Jospin illustré par Lionel, ou Jospin nous parle d'un temps que les moins de huit ans ne peuvent pas connaître...

Après des nouvelles désatreuses de la météo, Nicolas Demorand lance le journal, qui redémarre sur la météo.

On sent ensuite un léger flottement dans la direction, puis on annonce que monsieur Philippe Séguin aurait fait une crise cardiaque, et qu'il est "probablement décédé".

Monsieur Lionel Jospin, qui "venait d'arriver dans le studio", a dû penser qu'il était abonné à la scoumoune: venu pour replacer son "bilan", qu'il aurait mieux fait de placer de manière convaincante il y a huit ans, voilà qu'encore une fois, quelqu'un d'autre lui volait la vedette.

Je suppose que, désabusé, il a dû se réfugier dans l'arrière-salle d'un troquet de son cher dix-huitième arrondissement, pour taper le carton avec ses copains.

Il n'est pas certain qu'il gagne, mais c'est ça la retraite !

Lionel racontant Jospin, le 5 janvier 2010.

Depuis hier, on trouve toutes les qualités à monsieur Philippe Séguin, devenu le dernier prototype historique du gaulliste "social"...

Au milieu de ce flot d'hommages et d'éloges, on ose à peine rappeler, qu'un membre du RPR, ami de monsieur Charles Pasqua, reste un membre du RPR, ami de monsieur Charles Pasqua.

C'était un "homme de convictions", ces convictions ne sont pas les miennes.

A part peut-être son attachement irraisonné à la dernière clope...

Paix à vos cendres, monsieur.

12 commentaires:

JR a dit…

Merci pour m'avoir cité comme source. Il y a belle lurette que j'ai dû changer ma propre quatrelle pour une automobile à peine plus grande pour y loger ma nombreuse descendance qui depuis qu'elle vole de ces propres ailes (4, soir 2 enfants X 2 ailes) n'a plus guère besoin de mes services de chauffeur, même que j'ai pu m'acheter une moto (pas trop grosse vu que j'ai pas le permis qu'il faut) mais comme il neige tout ce que ça peut, je vais à pieds en écoutant France Culture dans mon machin qui n'est pas un ipaude, sauf le vendredi matin où Caroline Fourrest me donne des boutons pire encore que Philippe Val…
Bref.
Je ne sais toujours pas à quoi ressemble une moche lurette.
A la machine à café de mon boulot, ils ont remplacé les gobelets par des "mugs" pour faire plus écolo à défaut de faire plus francophone et ils appellent ça développement durable. Les invités retraités n'osent plus venir car avec leur grand âge ils oublient d'apporter leur tasse.
Bref.
Jospin devrait se mettre à la clope et mourir un bon coup. On parlerait de lui pendant 5 minutes et il toucherait des droits d'auteur pendant 70 ans.
Moins bien sûr que Jean Paulhan. Mais tout le monde ne peut finir académicien comme Giscard.
Amitiés.

gballand a dit…

Effectivement, cela faisait un peu "désordre" de voir M. Pasqua - ce corrompu de première - sur le journal de la 2, faire l'éloge de son ami M. Seguin ! Du coup, cela retirait un peu de ce brillant dont on recouvrait son corps.

Guy M. a dit…

@ JR,

Je devrais peut-être corriger en "amoureux des motos"... mais je vais laisser comme ça: je suis très paresseux.

Bonne (et durable) idée d'imposer des mugs pour le café. Je vais la soumettre au bureau...

Pour les droits d'auteurs, Yonel n'en a pas besoin. Une retraite de premier ministre suffit amplement pour survivre, et même pour devenir grand fumeur de havanes.

@ GBalland,

Sans télé, je n'ai pas vu la prestation du vieux crocodile survivant du marigot gaulliste... J'imagine cela grandiose.

Vanessa a dit…

La photo de Jospin est à mourir de rire ! A choisir, je crois que je préfère encore Séguin. Son côté colérique me le rendait sympathique.
Bon, je retourne me coucher...

Bises

Guy M. a dit…

Je sens comme une légère moquerie portant sur le costume calvino-lambertiste de notre pôvre Yonel...

(Il est bien tôt pour se recoucher, non ?)

JBB a dit…

Oui, j'ai le même sentiment. Et je trouve cela fort malvenu, au regard des grands services que Lionel a rendu à la gauche.

(Se recoucher ? C'est la grippe A ou la gueule de bois ?)

Vanessa a dit…

Dites, c'est pas parce que le billet commémore discrètement le 14ème anniversaire de la mort de Mitterrand (si si ! ne nie pas, Guy ! Ça ne peut pas être un hasard !) qu'il faut encenser Jospin, quand même. Si ? Bon...

Guy M. a dit…

Tout le monde (ou presque) me fait un délirant procès d'intention...

("encenser Jospin", je crois rêver !)

JBB a dit…

Eheh… Tout comme Vanessa.

(Attends, on les connait, les anarcho-autonomes de ton espèce. Ça fait semblant de dénoncer certains errements politiques pour mieux faire secrètement campagne pour Ségolène Royal ou DSK. Personne n'est dupe, bourdel…)

((Toi aussi, tu vas mettre un bulletin Europe Ecologie aux régionales ?))

(((Gniark-gniark-gniark)))

Guy M. a dit…

Nan, je vais voter Séguin, là !

JBB a dit…

Ça m'étonne pas : même une chèvre (ahahah…) saurait mieux choisir son bulletin.

Guy M. a dit…

Oh ! que tu es petit, parfois, ô grand JBB !