Par bonheur pour lui, et par malheur pour nous, la langue de monsieur Brice Horfefeux n'a pas trop fourché lors de sa visite triomphale à Lyon. C'est dommage, car son récent lapsus, partout célébré, était plutôt rassurant. L'entendre aborder, de manière si abrupte et si naïve, la délicate question des "empreintes génitales" nous donnait un aperçu inédit de l'encombrement de son inconscient, assez mal contrôlé par un surmoi pas si solide qu'il pouvait sembler. Il faudra songer à exercer une sorte de vidéo-surveillance sur son impensé.
Alors que, pour la troisième journée consécutive, des incidents avaient à nouveau éclaté dans le centre de Lyon, monsieur Brice Hortefeux s'est rendu sur place, accompagné d'un grand renfort de journalistes. Il a tenu, à l'hôtel de police, une réunion de travail sur les violences urbaines. Monsieur Gérard Collomb, maire de la ville, y voyant une simple "opération de communication", a refusé d'y participer. Quand il a le nez dedans, monsieur le maire comprend vite, mais un peu tard, dans quoi il a failli marcher.
Afin de bien montrer qu'il n'avait peur de rien, monsieur Hortefeux est allé se faire tirer le portrait dans la rue Victor Hugo, que je suppose être une voie commerçante visitée les jours précédents par les présumés "casseurs". Pour ce faire, il a, nous dit-on,"quitté l'hôtel de police de Lyon avec deux minibus de journalistes dans son sillage, direction la rue Victor Hugo". Et l'on précise que "Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, Philippe Cochet, député maire de Caluire, président de la fédération UMP du Rhône et le préfet du Rhône, Jacques Gérault l'accompagn[ai]ent".
Selon Lyon Capitale, le ministre serait arrivé à 15h 20, rue Victor Hugo, et y aurait passé une dizaine de minutes. Ce même média note une présence imposante de forces de l'ordre dans le secteur depuis le début d'après-midi:
Une dizaine de camions de CRS, une voiture de la Brigade anti-criminalité et plusieurs voitures de police tournent actuellement autour de la Place Bellecour. Les jeunes manifestants et casseurs ont déserté le secteur pour se rendre au tribunal. Seuls quelques uns essaient de s'aventurer rue Victor Hugo, ils sont systématiquement fouillés par les gendarmes mobiles.
Ces précautions, qui relativisent le courage du ministre, n'empêcheront pas quelques cris du cœur, les "fasciste", "raciste" et "t'es pas le bienvenu ici !" que la presse a rapportés, les attribuant à une "dizaine de jeunes". Trois d'entre eux auraient été "interpellés sur-le-champ par les forces de police qui entouraient le ministre".
C'est peut-être alors que monsieur Brice Hortefeux a prononcé, sans trébucher, le message qu'il était venu délivrer à la jeunesse de la nation:
"La France n'appartient pas aux casseurs, aux pilleurs et aux caillasseurs. Elle appartient aux honnêtes gens qui veulent travailler paisiblement."
Pas de doute, cet homme-là sait parler aux (présumés) "jeunes".
6 commentaires:
Et je me demande vraiment pourquoi personne n'a retransmis la réaction de monsieur Woeurrt (oui, j'ai beaucoup de mal à mémoriser l'orthographe de ce nom, qu'il m'en excuse) quand, lorsque mis en demeure de suspendre les débats avec solennité, il répondit (vu en direct de mes yeux vu et de mes oreilles entendu) "Quelle drôle d'idée de vouloir suspender...euh suspendre..." (contraste goûteux entre sa morgue méprisante et hautaine et sa faute de frappe, ouach).
(mais ceci n'est qu'un commentaire accessoire, juste là pour accompagner la justesse du billet ci-dessus)
Chère (ex-(?))Kiki, il faut être indulgente avec ces gens: nous les fatiguons beaucoup.
(Mais ils feraient mieux de craquer vite fait, ils ne sont pas seuls à fatiguer.)
(fragment détaché de ce qu'ils font à mon imaginaire du pouvoir — sinon celui de la politique)
Ça menaçait en tapinois, et voilà que ça se précise. Après l'inflation turlutesque de Dati et la photocopieuse à génitoires de Hortefeux, voici Woerth en position suspendée* suppliant «non non». Bienvenue dans le salon du baron et de Madame.
En ce moment dans mon propre salon de lecture, un jeune de bel aspect (dans un premier mouvement, la BAC désosserait plutôt Jean Sarkozy, c'est dire) s'étonne de la nouvelle devanture d'une «librairie de sexologie» : «Outre la pathologie sexuelle, la librairie cultive désormais une autre spécialité : la politique. [...] Le spectacle n'est pas dénué de piquant, tout en restant harmonieux. [...] Et le portrait [ de la figure politique X ou Y] [...] s'étale avec goût entre un ouvrage sur la virginité et un autre sur la bastonnade dans l'éducation. Ce rapprochement inédit et pourtant très éclairant de deux domaines d'ordinaire soigneusement séparés dans la vie publique résulte-t-il de l'inquiétude du libraire sexologue ? [...] Ou bien [...] souhaitait-il ainsi rendre visibles des rapports internes qui, à vrai dire, nous ont toujours semblé évidents ?»
C'est Klaus Mann, vingt-six ans, publiant le 31 décembre 1932**. C'est dans Contre la barbarie. 1925-1948, Phébus, 2009, p. 29-30, vite repris — pour une fois — en Folio, avec le même regard en couverture, vif, habité, distant, regard écrit (et bien traduit).
*Salut Christine, vouzici !
** Pile pour les cadeaux de bonne année 2011. Plaisir d'offrir, joie de recevoir.
Un fois de plus, tu éclaires avec discrétion ce qui se dévoile.
(Et merci de signaler le livre de Klaus Mann... Il avait échappé à mon attention trop flottante.)
Rien de plus vrai que nos attentions flottantes à chacun, échevelées, disparates, dénouées ici et renouées là.
L'attention flottante passe, donne, charrie, transmet, vogue et s'en fout de n'être pas partout. Précise et désinvolte, l'attention flottante va librement.
— Moi, éclairer avec discrétion ? hu hu hu... finissons plutôt cette bouteille de Monthélie laissée par des effrénés foutus à la porte.
J'aime bien les éclairages qui arrivent en biais...
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