Comme on dit dans mon canton à la ruralité affirmée, "ça a dû le prendre comme une envie". Au cours d'un déplacement présidentiel sur "les thèmes du soutien à l'agriculture et de l'avenir des territoires ruraux" dans la Drôme, le président Nicolas Sarkozy a visité une exploitation agricole et rencontré des travailleurs saisonniers... et a prononcé un discours sur...
... devinez quoi...
l'i-den-ti-té na-ti-o-na-le fran-çai-se.
Ça pressait !
C'était,
nous dit le fidèle Figaro, après une courte cérémonie devant le mur des fusillés de La-Chapelle-en-Vercors, "
dans la salle polyvalente de cette commune martyre" où un millier de personnes attendaient un beau discours programmatique, si possible sans copicollages, sur "
l'avenir des territoires ruraux".
Résultat : pendant quarante-trois minutes, Sarkozy a délivré son ode à la France. Un mot «France» qu'il a répété quarante fois. Les mots «fierté», «honneur», «patrie» et «famille» ont également beaucoup résonné.Je ne sais quel est le plumitif mercenaire qui a commis ce discours, mais il est bien beau et bien ronflant. Si vous avez le temps, et si le cœur vous en dit, vous pourrez en
lire l'intégrale ici.
Et il a fini par dégeler un peu l'assemblée:
Mais les premiers applaudissements ont retenti quand Sarkozy a adressé cette mise en garde : «La France est un pays où il n'y a pas de place pour la burqa.» Les applaudissements ont redoublé quand il a rappelé que la «France est un pays de tolérance et de respect. Mais elle demande aussi qu'on la respecte». Succès garanti aussi quand il a défendu les «valeurs du travail» et de la «famille». «J'ai supprimé les droits de succession parce que je crois au travail, je crois à la famille», a-t-il assuré.N'ironisons pas: parler de "
travail", parler de "
famille", en prononçant une "
ode" à la patrie dans un haut lieu de la mémoire de la Résistance, ce n'est pas de la provocation...
Mais non, je vous assure. Ce syncrétisme de bon aloi est une importante contribution au débat sur l'identité nationale, n'en doutez pas.
Monsieur Sarkozy vibrant au "souvenir du sacre de Reims",
comme tous les matins.
Monsieur Eric Besson doit être très fier de cette contribution du chef de l'état à son grand débat national, même si elle ne renouvelle pas vraiment la question. Mais il aura peut-être droit à un exposé un peu plus construit lorsque monsieur Nicolas Sarkozy interviendra, le 4 décembre, au cours du
colloque de l'
Institut Montaigne sur l'identité française.
L'Institut Montaigne, fondé par
Claude Bébéar et dirigé par
François Rachline, se présente comme un "
laboratoire d'idées" (ou
think tank) indépendant. Le projet "Qu'est-ce qu'être français ?", lancé par l'institut, comporte deux volets: l'édition d'un
ouvrage collectif, à paraître chez Hermann le 17 novembre, et l'organisation d'un "
événement" de grande ampleur, le 4 décembre, à l'amphithéâtre Foch de l'école militaire.
Pour bien marquer son indépendance, l'Institut Montaigne a invité monsieur Nicolas Sarkozy et monsieur Eric Besson à participer à cet événement.
Il me semble que cette opération a été lancée par l'institut avant que monsieur Besson ne lance lui-même son grand débat: le hasard objectif fait toujours se rencontrer les grands esprits.
Si vous cliquez sur le bandeau, une surprise vous attend:
un texte de Max Gallo !
On dit merci qui ?
En cherchant quelles étaient les réunions prévues par la préfecture à proximité de mon canton à la ruralité affirmée, non pour y participer, mais pour les éviter, le hasard (toujours lui !) m'a mené à la circulaire que monsieur Besson a fait adresser aux préfets et sous-préfets, le 2 novembre.
Elle m'a appris que le ministère de l'Identité Nationale, et des Expulsions qui vont avec, avait prévu d'éclairer le grandissime débat d'indications bibliographiques regroupées dans une "bibliothèque".
Comme j'aime plus que de raison les listes de bouquins, je me suis rendu
sur cette page afin d'y butiner quelque peu.
On y trouve, en vrac (le site doit encore être en travaux...), un certain nombre de références plus faites pour orienter le débat que pour l'éclairer.
Parmi les ouvrages les plus récents, on ne trouve évidemment pas les études sérieuses menées par les chercheurs en sciences sociales qui, depuis quelques années, ont orienté leurs travaux dans cette direction, mais on trouve deux livres de Max Gallo,
Fier d’être Français, de 2006, et
L’âme de la France : une histoire de la nation des origines à nos jours, de 2007.
Il ne faut pas s'en étonner outre mesure: entrez dans n'importe quel café, demandez s'il y a un historien dans la salle et le patron vous indiquera, d'un geste las, ce bon Max Gallo à une table du fond. C'est inévitable.
Plus étonnante est la présence, dans cette liste de prétendues références, du livre de Daniel Lefeuvre et Michel Renard,
Faut- il avoir honte de l’identité nationale ?, paru en 2008, dont le titre même n'est pas une garantie d'objectivité scientifique...
Ce livre se voulait, entre autres choses, une réponse à la notion de "
xénophobie d'État" qu'un certain nombre d'universitaires, relayés par des réseaux militants, avaient commencé à étudier et combattre, à la suite de la création du ministère de l'Identité Nationale et des Expulsions.
En donnant ce livre comme référence, sans indiquer les travaux auxquels il s'oppose, on fait preuve d'une curieuse conception du débat...
Dernier paru de ces livres absents de la bibliographie du ministère du Grand Débat,
Douce France : rafles, rétentions, expulsions, coédité par le Seuil et le RESF, alterne des contributions de chercheurs et des témoignages de personnes sans-papiers, et développe de manière exemplaire la réalité, et les conséquences, de cette xénophobie d'État qui se ré-installe sur l'ensemble de l'Europe, et singulièrement en France.
Il a été dirigé par Olivier Le Cour Grandmaison* qui sera présent le samedi 14 novembre, à 17h 30, à la
librairie Résistances, 4 Villa Compoint, Paris 17ème, en compagnie de Marc Bernardot, professeur de sociologie à l’université du Havre, pour une conférence-débat sur ce livre.
A moins que vous ne préfériez aller à la préfecture voir si on y débat...
* Le hasard veut qu'Olivier Le Cour Grandmaison ait été une des cibles privilégiées d'un précédent livre de Daniel Lefeuvre,
Pour en finir avec la repentance coloniale, en 2006, dont le titre, encore une fois, dit à quel niveau il veut se situer...
(Je vais finir par croire que le hasard, c'est comme l'identité nationale, ça n'existe pas...)