Les "voyagistes" et autres professionnels du dépaysement tarifé peuvent se réjouir. On vient d'annoncer que Lampedusa allait bénéficier "d'un plan de relance touristique ainsi que d'un moratoire fiscal et bancaire, pour que l'île devienne une zone franche". Cette nouvelle destination ne suffira peut-être pas à relancer leurs affaires, bien affectées par les mouvements divers qui agitent certains pays, mais c'est toujours ça...
Le "plan de relance touristique" devra être de grande ampleur, car il faut bien admettre que, pour l'instant, les capacités d'accueil de l'île paraissent extrêmement réduites. Si j'en crois les chiffres glanés ici ou là, les 20 km² de ce bout de territoire italien peinent à contenir 6000 visiteurs alors que le peuplement local serait de 5000 habitants. J'ai connu des cailloux baignés par la mer Égée où la population faisait bien plus que doubler durant la saison touristique.
Cette annonce a été faite, hier, par monsieur Silvio Berlusconi au cours d'une visite dans l'île, où, selon toute apparence, il était venu conclure une affaire immobilière :
"J'ai cherché depuis mardi une maison sur Internet. J'en ai trouvé une très belle et l'ai achetée ce matin, je deviendrai moi aussi Lampedusain."
Il a, en outre, profité de son passage pour lancer une opération "surnommée par les médias italiens «Lampedusa propre»". Il a ainsi "annoncé que le gouvernement a préparé un plan «pour évacuer, pour libérer l'île, dans un délai de deux jours à deux jours et demi. (...) D'ici 48 à 60 heures, Lampedusa sera habitée uniquement par des Lampedusains»".
L'article d'Aurélia Vertaldi, dans le Figaro, donne quelques détails sur le mode opératoire envisagé, avec participation de l'armée. Elle ne manque pas de rappeler que "le recours au génie militaire n'est pas une première pour le Cavaliere qui a pour habitude de les appeler à la rescousse face à des situations extrêmes".
On se rappelle l'affaire des ordures de Naples (...).
Écrit-elle...
Avec une charmante innocence.
On sait que, lors de ses chevauchées verbales, le Cavaliere ne se prive pas d'enfiler, les unes après les autres, les perles rhétoriques - comme en d'autres chevauchées, les femmes.
N'oublions pas de citer celle-ci :
"L'île a dû supporter des désagréments. C'est pour cette raison que le gouvernement présentera, lors du prochain Conseil des ministres, la candidature de Lampedusa au prix Nobel de la paix."
Comment s'étonner de l’amertume d'Erri de Luca qui, dans une chronique donnée au Monde, Nous ne sommes plus fiers d'être italiens, écrivait :
Aujourd'hui, l'Italie à l'étranger est un pays ridicule. On ébauche un sourire, chacun remerciant intérieurement à sa façon les responsables de cette notoriété due à la démence sénile.
Il faut s'habituer à porter le masque de la farce publique, tenter d'exploiter d'une manière ou d'une autre la célébrité internationale de notre nouvelle image de pays de vieillards en rut, retapés, à traction avant.
(Traduit de l'italien par Danièle Valin.)