dimanche 27 mars 2011

La question d'un oiseau

De la calligraphie on pourrait presque dire, en affinant un peu les diverses analogies, ce que Georges Perec, dans La vie mode d’emploi, disait de "l'art du puzzle" :

Au départ, l’art du puzzle semble un art bref, un art mince, tout entier contenu dans un maigre enseignement de la Gestalttheorie : l’objet visé (…) n’est pas une somme d’éléments qu’il faudrait d’abord isoler et analyser, mais un ensemble, c’est à dire une forme, une structure : l’élément ne préexiste pas à l’ensemble, il n’est ni plus immédiat ni plus ancien, ce ne sont pas les éléments qui déterminent l’ensemble, mais l’ensemble qui détermine les éléments : la connaissance du tout et de ses lois, de l’ensemble et de sa structure, ne saurait être déduite de la connaissance séparée des parties qui le composent (…).

Ce qui m'a longtemps tenu écarté des réalisations des calligraphes, c'est peut-être, chez beaucoup d'entre eux, un choix malencontreux du "tout", trop souvent emprunté à une sorte de dictionnaire de grandes citations, qui est aussi celui des idées reçues de la sagesse universelle. La beauté du geste dans le tracé des "éléments" se trouve écrasée par la pesanteur sentencieuse de la maxime...

Mais je n'ai senti se lever aucune de ces réticences en découvrant le travail de Christian Zimmermann, actuellement exposé à la Maison des Arts et à la Médiathèque d’Évreux. L'artiste, calligraphe, plasticien et poète, s'y affranchit très naturellement de toute fausse gravité. A la moralité sonore, il préfère, semble-t-il, la légèreté du jeu avec les mots, et la subtile vibration de la poésie ainsi suggérée.

Sur un mur, il note :

la question d'un oiseau
sur le rebord d'une fenêtre
se pose


Et il encadre cette notation cursive de deux autres, plus majuscules :

on va finir par croire
qu'on a d'abord commencé
par y croire


et

c'est cela la question :
le tissu de la vie

est-il sans apprêt ?



Impondérables, les écritures de Christian Zimmermann se posent dans les arbres...


Et quand elles se développent dans l'espace, quel que soit le matériau mis en œuvre, papier, plexiglas, métal, elles s'y déploient avec la même élégance aérienne.

Entre les lettres, de l'ombre à la lumière, circule toujours l'esprit.





PS : L'exposition Lisières, dont ce petit billet ne présente qu'une infime partie, est installée, à la Maison des Arts et la Médiathèque de notre bonne ville d’Évreux, jusqu'au samedi 16 avril 2011. Voir les détails, lieux et heures d'ouverture, sur le site de la ville.

4 commentaires:

Ysabeau a dit…

Ah ce sont plutôt des calligrammes en fait.

Guy M. a dit…

Je ne dirais pas ça...

Un calligramme, en cherchant à figurer ce qu'il énonce, est soumis à une forte contrainte. Les calligraphies de C. Zimmermann sont beaucoup plus libres que cela.

(Je crois que c'est quelqu'un qui aime laisser les fenêtres ouvertes.)

Chomp' a dit…

''Je crois que c'est quelqu'un qui aime laisser les fenêtres ouvertes.''
...et déjà, ça donne envie d'aller prendre l'air chez lui :-)

Guy M. a dit…

Je ne peux que t'encourager.

L'air d’Évreux est très sain, l'exposition est très riche, et, de l'autre côté de la place de l'Hôtel de Ville, les terrasses sont accueillantes...