"Curiouser and curiouser!" cried Alice (she was so much surprised,
that for the moment she quite forgot how to speak good English).
Lewis Carroll, Alice's Adventures in Wonderland, chapter II.
Il faut remonter au 23 mai dernier, date à laquelle les lillois étaient conviés à une manifestation qui devait se réunir à 14h 30.
Voici l'affiche. Cette manifestation eut lieu comme prévu. On peut trouver, sur
Lutte en Nord, un
compte-rendu partiel, avec quelques photographies, ainsi qu'
une vidéo du début de la manifestation. On peut retrouver la trace de cette manifestation dans la
Voix du Nord, dont l'
article du 24 mai est reproduit sur Indymedia Toulouse, mais ne semble plus disponible sur le site du journal. On peut y lire ce récit de la fin de la manifestation:
Devant le bâtiment des services de la préfecture, une boutique de surplus militaire reçoit deux impacts : "On ne comprend pas, peste le patron, les policiers qui étaient à côté ne sont pas intervenus." Mais, pour l’instant, les forces de l’ordre laissent le cortège avancer, craignant qu’une action dans ces rues très fréquentées ne génère des incidents. D’ailleurs, la "manif" se poursuit dans le métro, direction Lambersart. À la sortie, ils ne sont plus qu’une centaine à rejoindre la maison du Peuple flamand et commencent à s’attaquer au portail. Cette fois la police charge avec flashball et gaz lacrymogène. Bilan : vingt-cinq personnes interpellées (dont un jeune homme juste avant le départ, qui transportait des frondes), quelques dégradations et aucun blessé. (signé A. D.)
(En réalité, vingt-six personnes seront interpellées.)
La
Maison Flamande (
Vlaams Huis) est un "
lieu d'accueil et de convivialité" sis à Lambersart, commune qui jouxte Lille, où vous irez vous amuser si vous le souhaitez, mais sans moi. Je me sens assez peu de goût pour les
activités proposées par la
Vlaams Huis, et ses affinités avec les
Identitaires et
Terre Celtique, qui ne sont pas de mes amis, ni des amis de mes amis, suffiraient à m'en détourner.
Les militants lillois ne se sentent pas non plus beaucoup de sympathie pour la Maison Flamande. Et réciproquement.
Au mois d'avril dernier, la municipalité de Lambersart agita la menace d'une fermeture de la Maison pour obtenir une mise en conformité de l'alarme incendie.
Selon monsieur Luc Pécharman, de la
Nouvelle Droite Populaire, cette contrainte imposée à la
Vlaams Huis, faisait suite aux "
pressions exercées par l’extrême gauche", et était "
la seule possibilité légale pour les chiens de garde de gauche du système capitaliste d’espérer voir la Vlaams Huis fermer ses portes."
A force de pleurnicher à droite et à gauche (enfin, plutôt à droite), nos conviviaux flamands réunirent les fonds nécessaires et sauvèrent leur Maison.
Le logo de la maison sauvée...
Aussi nos pacifiques pêcheurs à la ligne durent-ils avoir très peur quant la horde d'anarcho-autonomes ultragauchistes (c'est pire que l'extrême gauche !) s'attaqua à leur portail en ce funeste 23 mai. Mais la police veillait...
Sur les vingt-six militants interpellés, tous relâchés, seuls quelques-uns ont été l'objet de poursuite. C'est habituel.
Les événements qui suivent sont plus curieux.
D'après
la Voix du Nord, sous la signature de Benjamin Duthoit:
Le 9 juin, sur YouTube, une vidéo est diffusée par la Maison flamande. Un montage de photos montre notamment des images des incidents du 23 mai. Beaucoup plus surprenant, des remerciements finaux ironiques sont adressés aux 26 interpellés, dont des coordonnées défilent à l'écran : prénom, première lettre du nom et ville de chacun ! Parmi ces communes, le petit village italien, "inconnu des autres manifestants", donné aux policiers par une jeune femme originaire d'Italie mais vivant en Belgique. Le tout, sur fond musical des Bisounours.La vidéo en question a été retirée au soir du 14 juin, mais a été téléchargée par des manifestant(e)s du 23 mai, qui en ont également pris des copies d'écran, afin de porter plainte contre X pour "
avoir divulgué ou s'être procuré illégalement des informations personnelles". Ce qui fut fait par sept d'entre eux, le 10 juillet.
Dans
un communiqué, la Maison Flamande affirme:
Aucune donnée confidentielle n'a jamais été obtenue, ni diffusée, par la "maison du peuple flamand" (...)A ce titre, nous avons d'ores et déjà déposé plainte concernant ces allégations qui nuisent aux bonnes relations avec d'autres associations et individus de cette mouvance qui ont le mérite de ne pas prôner la violence.Sic, et dont acte.
B. Du. qui rapporte l'essentiel de la position de la
Vlaams Huis, complète
son article par quelques considérations syndicales, qui ont de quoi titiller notre curiosité:
Benoît Lecomte, secrétaire zonal du syndicat de police Alliance, estime que "les faits dénoncés peuvent laisser penser à une divulgation illégale d'informations". Toutefois, insiste-t-il, ces éléments pourraient aussi avoir "une origine extérieure à la police ou à la justice". Il ajoute : "Ce qui m'a été confirmé, c'est qu'un des membres de la Maison flamande a pas mal de relations, dont certaines seraient 'bien placées'."La Maison Flamande n'a pas dû bien prendre ces curieuse allégations...
Indépendamment d'autres faits curieux survenus à Lille, sur lesquels je reviendrai, se trouve ainsi posé un délicat problème de porosité entre les services de police, à quelque niveau que ce soit, et un certain monsieur X, ou un certain groupe X, nostalgique des Bisounours et capable d'utiliser des données personnelles, obtenues par une sorte d'osmose, à des fins que l'on sait être essentiellement de menaces personnalisées.
B. Du., qui continue à suivre l'affaire, indique dans
un dernier article, du 18 juillet:
L'affaire de la vidéo de la Maison flamande de Lambersart pourrait faire l'objet d'investigations. Le parquet de Lille l'a indiqué hier, "sous réserve de la lecture de la plainte" déposée contre X par sept militants anarchistes. Il envisage d'ouvrir une enquête "dans les prochains jours".On peut se demander si, dans cette éventualité, les enquêteurs sauront pousser assez loin la curiosité pour détecter l'origine de ce qui ressemble fort à des fuites.