vendredi 18 mars 2011

Le secret des Papous pas papas

L'un de mes frères avait dû recevoir ce livre, comme récompense et pour son édification, lors de la distribution des prix d'une sainte institution par lui fréquentée. Aussi mes rêves d'enfance furent émerveillés par la lecture du très fameux Vingt-et-un ans chez les Papous* du révérend père missionnaire André Dupeyrat.

Ce n'est que plus tard, car le bon père en parlait assez peu, que je pus découvrir la très haute complexité des relations de parenté chez ces gens fascinants :

"Chez les Papous, il y a des Papous papas et des Papous pas papas. Il y a aussi des Papous à poux et des Papous pas à poux. Et aussi des poux papas et des poux pas papas. Et même des poux papous et des poux pas papous. Tous les Papous papas à poux papous pas papas sont des Papous à poux papous pas papas , mais les Papous papas pas à poux papous pas papas ne sont pas des Papous à poux papous pas papas, se sont des Papous pas à poux papous pas papas ..." **

Et je n'ai découvert que très récemment la manière utilisée par certains Papous pour rester, quand cela s'impose, des Papous pas papas...


Papou de la tribu des Dani réarrangeant son costume.
(Photo Michel Rapinat.)

Dans certains groupes de Nouvelle-Guinée, la tradition autorise la célébration, et la consommation, du mariage dans le cas où le futur n'a pas encore rassemblé la totalité de la dot, à condition que l'époux papou se débrouille pour ne pas devenir papa.

Ces histoires de dot incomplètement versée sont assez fréquentes de par le monde ; il n'est pas rare qu'il manque quelques poulets, voire une chèvre, et l'on trouve alors des accommodements pour dédommager la parentèle de la jeune femme. Mais ce qui fait ici l'originalité de l'arrangement est cette clause interdisant la procréation, et surtout le fait qu'elle incombe à l'homme, et à lui seul.

Pas question donc de recourir à la queue du persil local.

Contrairement à ce que de mauvais esprits à la myopie mal placée auraient pu déduire de la superbe photographie de guerrier néoguinéen insérée plus haut, les Papous n'utilisent pas de condoms - comme on dit dans le Gers - pour éviter ces grossesses qui seraient fort malvenues. Ils se gavent des feuilles d'un arbrisseau de la famille des acanthacées, d'origine chinoise, Justicia gendarussa, connue pour ses propriétés médicinales, et cela, semble-t-il, suffit pour mettre en sommeil leur fécondité spermatique.


Une jolie fleur contraceptive.

Selon un article du quotidien indonésien Kompas, traduit sur Courrier International, un chercheur de 54 ans, monsieur Bambang Parjogo Eko Wardojo, professeur de pharmacologie et de phytochimie de la faculté de pharmacie de l’université Airlangga, à Surabaya, vient de lancer une pilule contraceptive pour hommes, utilisant les propriétés de la gendarussa.

La pilule contraceptive en question, dont la production a été confiée au groupe pharmaceutique indonésien Indofarma, a été lancée le 14 décembre 2010 par l’Office de coordination nationale du planning familial. Mais on ne peut pas encore la trouver en pharmacie. Avant de la lancer sur le marché, Indofarma doit procéder à des tests cliniques sur 350 hommes volontaires.

Tous ces renseignements ne concernent que l'Indonésie, bien entendu.

Même si les espoirs qu'elles suscitent sont confirmés, il faudra certainement des années et des années avant qu'on ne voie la couleur de ces pilules (pour hommes, pensez donc !) dans nos contrées.

Cependant, on peut relever un argument qui pourrait plaider en faveur de ce nouveau contraceptif, en rassurant les mâles occidentaux :

La pilule a déjà été testée sur 152 hommes, et aucun effet secondaire n’a été constaté selon les chercheurs, bien que certains hommes ont vu leur libido considérablement augmenter.

La justicia gendarussa n'est donc aucunement un coupe faim.



* Editions Arthème Fayard, 1952, réédité en 1953 par les éditions La Colombe, avec une préface de Paul Claudel.

** Il y a plusieurs versions possibles de ce french tongue-twister. J'ai copicollé celle de ouiquipédia - où "tongue-twister" est traduit par "virelangue".

Aucun commentaire: