mardi 3 novembre 2009

Evacuation en urgence à la Défense

Peu inspirée, Justine Lafon, pour titrer son papier dans Libération:

Travailleurs sans papiers: un tour à la Défense et puis s'en va

On a fait mieux, dans la maison Joffrin.

(Mais il est vrai que cet articulet n'est pas le produit d'appel placé en tête de gondole, réservé d'abord aux abonnés, puis livré en pâture aux commentateurs déchainés... )

Quant à l'article lui-même, il n'est pas plus inspiré que son titre.

Incipit:

La tension est palpable. Des policiers observent le chantier de l’extérieur, d’autres prient les journalistes d’effectuer leurs interviews en dehors de la zone occupée par les travailleurs sans-papiers. Ces derniers sont près de 350, la plupart d’origine africaine, à occuper depuis ce lundi matin les préfabriqués du chantier de la tour First – rénovée par Bouygues Bâtiment –, dans le quartier de La Défense à Paris.

Vous la palpez bien la tension ?

La tour First, ex-tour Axa, elle-même ex-tour UAP, est actuellement rénovée par Bouygues Bâtiment Ile-de-France. Elle doit être rehaussée et deviendra, en 2011, la tour la plus haute du quartier d'affaires de la Défense. C'est l'érection de ce futur monument architectural, symbolique et magistral*, que sont venus taquiner les travailleurs sans-papiers en grève.

Juste le temps de faire venir quelques journalistes et quelques équipes de télévision, car l'évacuation par les forces de l'ordre commença vers 15h 30.

Sans doute rédigés par des professionnels trop sensibles à la "tension palpable" qui régnait sur les lieux, les articles publiés sont bien décevants et passent à côté de quelques éléments essentiels.

C'est en allant sur le blog de Bernard Rondeau et Tiphaine Lanvin que l'on pourra trouver les informations les plus détaillées sur ce qui s'est passé au pied de la tour First de la Défense.

Cliquez, et vous y êtes.

Du récit vivant et engagé que Bernard Rondeau fait de cette journée, il faudrait tout citer...

Il décrit notamment l'installation du piquet de grève:

Dès 7 heures du matin,une centaine de grévistes se sont engouffrés dans les escaliers qui déservent les bureaux de chantier de la société Bouygues. Rejoints peu après par 200 de leurs camarades, ils occupaient l'ensemble des lieux, laissant toutefois les ouvriers et le personnel de l'immense chantier prendre leur service et travailler. La direction du chantier, "pour des raisons de sécurité" demandera à son personnel de quitter les lieux une heure plus tard. Peut-être aura-t-elle eu peur des discussions fraternelles qui s'engageaient entre grévistes et non grévistes.

Il y a des actions plus "dures"...

Sur l'évacuation des grévistes par une compagnie de CRS "mandatée par une décision du Préfet de police de Paris liée à un trouble manifeste à l'ordre public, dans le cadre de pouvoirs étendus du dit Préfet sur le grand Paris", il fait ces remarques:

Comme pour les grévistes d'Asten qui occupaient les locaux RATP de la rue Championnet, l'évacuation de la tour AXA montre à quel point la publicité faite aux grands donneurs d'ordre dans les conflits de travailleurs sans papiers leur est indigeste. Ces grandes firmes ne s'embarrassent pas du cheminement judiciaire normal qui voudrait qu'ils déposent un référé auprès d'un juge pour obtenir une décision d'expulsion. Trop aléatoire pour ces seigneurs du capitalisme qui préfèrent faire fonctionner le carnet d'adresse et obtenir ce qu'ils veulent sans passer par la case justice. Ce qui donnerait à penser que celle-ci est encore assez indépendante pour que les puissants s'en méfient.

Alors ce soir, nous pouvons nous interroger sur ce nouveau concept de trouble manifeste à l'ordre public engendré par des grévistes qui occupent leur lieu de travail. Que devient le droit de grève qui est un droit constitutionnel ?

La question mérite d'être posée.


* Pour les passionnés de bricolage, le groupe Bouygues a posté sur son site un publi-reportage vidéo Dans les entrailles de la tour First.

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