Sur le point de faire quelques pas de valse préfectorale, monsieur Philippe Galli a profité du congrès des maires du Loir-et-Cher pour faire ses adieux à la scène départementale. Et on peut dire que, si monsieur le futur ex-préfet désirait un triomphe et une standing ovation, il l'a obtenue. Il a probablement dû juger qu'en ces temps incertains, il n'y a pas de mal à se faire du bien.
Il faut reconnaître que ce n'est pas un mince exploit, pour un préfet sur le départ, que de faire se lever près de 300 élus municipaux en congrès et de les faire applaudir à se rompre les phalangettes. Certes, les maires ont toujours intérêt à être connus et appréciés du "représentant de l'autorité de l'État" dans le département, mais ils auraient pu accompagner son départ de quelques manifestations de soulagement, voire d'animosité.
Monsieur Galli a utilisé une technique qui semble promise à un bel avenir: il a dit à voix haute "ce que l'on n'ose pas dire", en s'appuyant sur des rumeurs circulant à voix basse. Il a ainsi aisément incarné cette belle figure paradoxale du haut fonctionnaire qui, ôtant le bâillon de son devoir de réserve, se pose en champion de la liberté d'expression.
Selon lanouvellerepublique.fr, le préfet a souhaité revenir sur les événements survenus à Saint-Aignan durant l'été, en laissant entendre qu'il ne lui avait pas été "possible" de "[s]'exprimer aussi clairement qu'[il] l'aurai[t] voulu". Un tel préambule nous avertit que, pour la suite, il faut s'attendre à "du lourd", comme on dit élégamment.
Les événements du dimanche 18 juillet ? Une « réaction inadmissible à un fait divers tragique », accuse Philippe Galli qui poursuit : « L'examen des faits montre que la manifestation spontanée de colère s'avère être une opération de communication montée par deux familles de la communauté des gens du voyage avec la complicité de notre chaîne de télévision régionale, dont le seul but aura été de donner en spectacle des exactions pour les uns et de réaliser une opération commerciale en vendant les images aux chaînes nationales pour l'autre ».
Hors tribune, et après avoir reçu une ovation pour son "invraisemblable courage", qui a "bluffé" le président du conseil général, monsieur Maurice Leroy, le préfet aurait confié:
"J'attends sereinement qu'on m'attaque en diffamation."
Autrement dit, ceux qui aimeraient que monsieur le préfet donne les preuves de ce qu'il avance devront attendre la tenue de son procès en diffamation, s'il y a plainte.
Un point semble inexact dans les propos de monsieur Galli, qui accuse la "chaîne de télévision régionale" d'avoir "réalisé une opération commerciale en vendant les images aux chaînes nationales". Selon le chef de la rédaction de France 3 Centre, Yvan Avril, interrogé par l'AFP, les images tournées à Saint-Aignan ont été "simplement envoyées aux chaînes nationales du groupe France Télévisions", et non "vendues" comme le dit le préfet. Il a dû confondre avec quelqu'un d'autre.
Dans le petit nombre des réfractaires aux applaudissements figurait monsieur Christophe Degruelle, le président d'Aggloplys (communauté agglomération de Blois). Selon la Nouvelle République, il a motivé son abstention ostensible de manière assez prudente:
« Qu'un préfet parle vrai me convient ». (...) « Je suis aussi partisan de l'ordre et de la sécurité. Mais le congrès des maires n'est pas l'enceinte appropriée pour exprimer une analyse personnelle. Ce sujet appelle de la sérénité. Je m'interroge sur l'opportunité de mettre en cause certains médias. Un processus judiciaire est en cours. Laissons-le établir les responsabilités. »
Ses propos sont un peu plus fermes dans LibéOrléans:
«Je ne comprends pas que l’on jette une profession à la vindicte populaire». (...) «Soit il en dit trop, soit pas assez. Le fait de mettre la presse en cause de cette manière et en ce lieu, a quelque chose de gênant. Je crains également que ces propos ne contribuent un peu plus à libérer la parole...».
Il aurait fallu dire à monsieur Degruelle qu'il n'avait déjà plus rien à craindre. C'était fait. Au moment où il devait répondre aux journalistes, la parole libérée s'était déjà fait entendre dans la salle.
Monsieur Daniel Charluteau, maire de Thésée, la commune où Luigi Duquenet a été abattu, n'est, paraît-il, pas content du tout d'avoir vu une chaîne nationale couper dans une interview qu'il lui avait accordée lors des événements de juillet... La judicieuse sortie du préfet lui a permis de se libérer:
"Je me demande si certains journalistes ne sont pas issus de la communauté des gens du voyage."
Jean-Louis Boissonneau, le rédacteur de La Nouvelle République qui rapporte cette interrogation, ajoute ceci:
On ne possède pas de statistiques sur l'origine des confrères. Mais on peut remercier le maire de Thésée. Nombre de journalistes sont en effet des voyageurs dans l'âme et se sentent honorés de sa réflexion.
Je suppose que monsieur Daniel Charluteau doit être très fier de son "bon mot", qui, nous dit-on, "a obtenu un franc succès d'audience". Il ne peut ignorer que de telles phrases, où était évoquée une autre "communauté" que celle "des gens du voyage", ont été prononcées comme d'évidentes banalités, et pas seulement à propos des "journalistes", mais de toutes sortes de professions, pendant les décennies qui ont précédé les grandes décisions du triste Maréchal Ducono...
Mais la parole de monsieur Daniel Charluteau est maintenant libérée...
PS: Puisqu'on libère aussi les associations d'idées, voir dans Le Monde, MENS, le fichier ethnique illégal sur les Roms.
2 commentaires:
J'en reste sans voix. Je n'avais pas suivi cette histoire. J'ai pas vraiment l'impression de vivre à mon époque. C'est donc cela la France.
Alors je préfère retourner avec Robert Desnos.
Nous vivons une époque formidable !
Retrouve ta voix, il faut garder la parole...
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