Requérant trois mois ferme avec mandat de dépôt contre trois prévenus, un digne procureur aurait laissé entendre que "ça servira d'exemple aux gens qui liront les journaux".
Certes, la justice ne doute jamais de la haute valeur de sa propre exemplarité - pourtant largement discutable et discutée...
Mézencore faudrait-il que les journaux en parlent.
Or, tout occupés à broder sur le grand thème du décompte des manifestants du 23 septembre, beaucoup ont omis de nous informer qu'un certain nombre des majestueux rassemblements unitaires avaient été suivis d'actions où les forces de police avaient dû intervenir pour maintenir les conditions idylliques d'un vrai dialogue social.
A Saint-Nazaire, d'après Ouest-France, repris par maville-point-com:
Au moment de la dispersion, devant les grilles de la sous-préfecture, les projectiles n'ont pas tardé à voler : pierres, canettes ou fusées éclairantes. Des poubelles ont été incendiées. En quelques minutes, le paysage a changé. Les policiers en veille à l'intérieur du bâtiment ont jeté les premières bombes lacrymogènes tandis que d'autres prenaient rapidement position dans les rues adjacentes. Une demi-heure plus tard, le groupe de fauteurs de trouble était repoussé et maintenu à l'écart de la sous-préfecture. Pendant les deux heures qui ont suivi, le face-à-face s'est poursuivi dans les rues du centre-ville et aux abords du centre commercial Ruban bleu, au milieu des consommateurs qui poursuivaient leur shopping et des lycéens qui sortaient de cours. Le centre-ville a retrouvé son calme vers 18 h 30. Un policier a été légèrement blessé et sept manifestants interpellés.
Face à ce compte-rendu journalistique omniscient, il est équitable de citer celui des manifestants, plus laconique:
Quelques heurts avec les forces de l'ordre, qui ont cette fois encore abondamment gazé la fin de manifestation, ont donné lieu à plusieurs arrestations ce jeudi 23 septembre à Saint-Nazaire.
Six personnes, dont 1 mineur, sont ce soir en garde-à-vue, et risque une comparution immédiate vendredi 24 septembre parce que poursuivies pour pour "jets de projectile, ivresse, cassage d'une vitrine, outrages à agents..." selon les cas...
Au soir du vendredi, et, semble-t-il, sans avoir jamais noté la présence d'un mineur parmi les personnes placées en garde à vue, Ouest-France publiera, pour solde de tout compte, un entrefilet annonçant de la "prison ferme pour trois manifestants", et comportant quelques approximations erronées et erreurs approximatives.
Les esprits curieux et exigeants pourront toujours aller consulter le compte-rendu de cette audience sur le site du CODELIB (Comité de défense des libertés fondamentales contre les dérives sécuritaires) de Saint-Nazaire. Ce compte-rendu est repris par l'indispensable Jura Libertaire.
On peut y apprendre que le lycéen de 16 ans, arrêté comme un grand (il aurait eu besoin d'être amené à l'hôpital), est accusé "de jets de projectiles et de bris de vitrines", qu'il a avoué durant sa garde à vue et sera convoqué le 30 novembre devant le tribunal pour enfants.
On peut surtout y trouver quelques notes prises par un témoin durant la comparution immédiate des trois adultes inculpés pour "jets de projectiles et attroupement illicite avec possession d'armes (à savoir des bouteilles)". Elles sont instructives et auraient pu fort intéresser "les gens qui lisent les journaux" s'ils avaient pu les y trouver.
La conclusion:
Le délibéré dure environ 5 minutes et la sentence tombe : 2 mois fermes avec mandat de dépôt pour MM. B. et Z., un mois ferme sans mandat de dépôt pour M. D. qui est convoqué chez le juge d'application des peines.
J'espère que monsieur le procureur me saura gré d'avoir, sur ce blogue modestement confidentiel, réuni quelques éléments et indiqué quelques liens permettant au lecteur de se faire une juste idée de ce bel exemple de justice expéditive et mal ficelée.
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