mercredi 15 septembre 2010

Et rip, et rap, tout le monde dérape

Réagissant aux propos très directs de madame Viviane Reding, commissaire européenne en charge de la justice et des droits fondamentaux, monsieur Pierre Lellouche, notre secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, a cru avoir un mot très fort en déclarant que "ce genre de dérapage" n'était pas "convenable"...

Car

«Ce n'est pas comme cela que l'on s'adresse à un grand État.»

A-t-il dit.

Madame Reding doit donc s'attendre à une leçon de diplomatie européenne élémentaire de la part de notre sous-ministre qui avait pourtant tonitrué, lundi dernier:

« On n’est pas à l’école. Nous appliquons notre loi. Je n’ai pas l’intention d’être traité, au nom de la France, comme un petit garçon »

Il est vrai que madame Reding, c'est rien qu'une fille...

Même pas française.

Qui doit conduire comme une bonne femme...

Le chef de cet état en mal de grandeur n'a, on le sait bien, à recevoir de leçons de personne. Il n'est d'ailleurs pas certain qu'il puisse en retenir quoi que ce soit.

Au cours d'un déjeuner où étaient conviés des sénateurs de l'UMP, monsieur Sarkozy aurait tenu a montrer très clairement à quelle hauteur il entendait se situer face à madame Viviane Reding. Et les journalistes présents à la sortie du repas ont pu recueillir quelques indiscrétions auprès d'au moins deux participants qui, probablement sans y entendre malice, ont rapporté un propos de table du président:

«Il a dit qu'il ne faisait qu'appliquer les règlements européens, les lois françaises et qu'il n'y avait absolument rien à reprocher à la France en la matière mais que si les Luxembourgeois voulaient les prendre il n'y avait aucun problème», a rapporté le sénateur de Haute-Marne, Bruno Sido.

(...)

Son collègue de Seine-et-Marne Michel Houel a confirmé que le chef de l'État avait indiqué, en substance, que «le commissaire européen habite le Luxembourg, qui est très proche de la France, nous serions très heureux si le Luxembourg pouvait aussi accueillir quelques Roms».

Michel Houel a ajouté devant la presse que Nicolas Sarkozy ne s'était «pas tout à fait» exprimé comme lui mais que c'était «ce que ça voulait dire».

Malgré une certaine incertitude sur les termes exacts, nous voilà toute de même édifiés sur le "ce que ça voulait dire":

Un "grand État" ne va tout de même pas se faire emmerder par une ressortissante d'un minuscule Grand-Duché !


PS: Monsieur Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, n'a pas tardé à réagir, en termes diplomatiques et mesurés. On attend un semblant de démenti de l'Élysée, ou de son voisinage...

2 commentaires:

Kamizole a dit…

Comme à chaque fois qu'ils font des arkonneries juridiques - qui tombent aussi dru qu'à Gravelotte - ils estiment qu'ils ont raison. Un article fort intéressant sur Libé qui pointe précisément toutes les erreurs proférées par Pierre Lellouche au sujet des pouvoirs respectifs de la France et de la Communauté européenne. Le principe dit de "la hiérarchie des normes" que l'on enseigne en fac de droit aux étudiants de 1ère année (droit constitutionnel) et de seconde année (droit administratif). TD obligatoires.

Depuis l'arrêt Nicolo (Conseil d'Etat 1989) la France ne peut plus se targuer d'être un grand pays - ce n'est hélas même plus vrai ! notamment grâce aux pompes et aux oeuvres de son petit "grand timonier" - pour adopter une législation contraire aux directives européennes (idem d'ailleurs pour les principes de la Déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les manquemets aux obligations étant sanctionnés par la CEDH.

A partir du moment où la France est signataire d'un traité ou d'une convention internationale celle-ci prime le droit interne et même la Constitution. La Cour de cassation comme le Conseil constitutionnel en ont pris acte ensuite depuis déjà pas mal d'années...

Bien contente de trouver enfin un lien avec le texte de la circulaire contestée et contestable d'Hortefeux. Je travaille sur le sujet mais je préfère lire le texte plutôt que me contenter des analyses. Fussent-elles critiques.

Guy M. a dit…

Il y a toute une tripotée de juristes de formation dans ce gouvernement, mais leurs compétences ont l'air bien limitées.

Ou alors, comme des gamins désemparés, ils "essayent" pour voir si ça passe...