jeudi 30 octobre 2008

La tentation du mépris

"Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat pour le combat et la bataille!"
Robert Desnos, 1943.




Cette phrase du timide rêveur Robert Desnos, qui ouvre l'un des plus beaux poèmes de résistance que je connaisse, m'est revenue il y a quelques jours. Et je ne chercherai pas le chemin qu'il lui a fallu faire pour arriver là. C'est ainsi.

Ce que je sais, c'est qu'alors mon cœur, et tout mon être, étaient envahis d'un fiel que je hais par-dessus tout, mais qui m'étouffait au point d'en oublier le combat.

Ce fiel est le mépris.

L'incommensurable mépris qui m'a envahit à la lecture de cette information, que je copicolle du billet de Flo Py:

« Mme M., femme de ménage, habitait le 12e arrondissement depuis son arrivée en France en 2002. Elle a emménagé avec son fils en mai 2008 dans le 5e arrondissement de Paris. En juillet 2008, elle se rend à la Mairie du 5e pour inscrire son fils à l’école de son quartier. Curieusement, on lui demande alors si elle possède un titre de séjour, document qui n’a pas à être demandé lors d’une inscription scolaire. Elle répond par la négative.

Fin août, elle reçoit une convocation au commissariat du 5e à laquelle elle ne défère pas. Fin octobre, il est déposé dans sa boite aux lettres une nouvelle convocation au commissariat « suite à l’inscription de votre enfant à l’école et votre situation alors irrégulière en France ».
Ce sont donc bien les services de la Mairie du 5e qui ont dénoncé la situation de Mme M. aux services de police.

La politique des quotas, des expulsions programmées, conduit maintenant aux dénonciations qui nous ramènent à de bien tristes souvenirs. »

Mépris absolu pour cette personne qui a cru que c'était là son DEVOIR.

Ici, on fait son devoir: on dénonce

Le mépris est un sale sentiment qui paralyse. Et il n'est aucun besoin de cela pour combattre cet adversaire rampant qu'on ne pourrait nommer sans faire injure (ou outrage, je ne sais) à la petite et grande administration de notre pays.

Ce matin, sans injure, sans outrage, et sans mépris non plus, une centaine de personnes ont fait ce qu'ils pensaient devoir faire; ils ont accompagné madame M. au commissariat où elle était convoquée.

Madame M. est ressortie libre au terme d'une "simple audition" qui a semblé bien longue à ses soutiens. Le soulagement se lit dans les messages qu'ils ont envoyé ici ou là...

Est-ce le poids des citoyens présents, ou le poids d'une presse qui se réveille un peu ?...


La "Une" d'un quotidien parfois méprisable...

Qu'importe.

Peut-être le début d'un rêve: pouvoir un jour conclure conclure comme Robert Desnos, sans rien y changer, car de la liberté découle l'égalité, et de l'égalité découle la fraternité.

"Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit."
Robert Desnos, 1943.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

"Le mépris est un sale sentiment qui paralyse."

Du mépris à l'envie de devenir dur et violent, quelquefois il n'y a pas loin. Enfin… en ce qui me concerne. Je les trouve tellement débecquetant que…

Anonyme a dit…

Je crains que la délation n'en soit qu'à ses prémisses...

Anonyme a dit…

@ Lucide : sans vouloir à tout prix couper les cheveux en quatre et chercher des poils aux œufs, techniquement il s'agit de dénonciation, et non de délation. C'est-à-dire que l'employé qui a contacté la préfecture n'en tire aucun avantage. Sauf, bien entendu, la satisfaction du devoir accompli... (*burp*)

Bises !

Guy M. a dit…

@u Charançon,
Une bonne giclée de mépris, c'est vrai, ça soulage un peu. Et après, c'est reparti...

@ Lucide,
Nous avons une bonne tradition à honorer dans ce domaine... Allons-nous encore nous distinguer?

@ Flo Py,
Tu as raison, bien sûr.

Mais (tu croyais pas, quand même, qu'il n'y avaait pas de "mais"!) la gratification apportée par ce sentiment du devoir accompli n'est-elle pas suffisante pour parler de délation?

Anonyme a dit…

@ Flo < chercher des poils aux oeufs...je ne connaissais pas l'expression. C'est marrant.
Oui tu as raison de faire le distingo pour ce cas précis.
Quoique... la définition du dico me convient : "dénonciation inspirée par des motifs méprisables"
Bise aussi.