vendredi 24 octobre 2008

Procureur et solidarité



Durant l'audience de mercredi dernier, lors du procès en appel de Romain Dunand, madame le procureur s'est étonnée de la mobilisation qui s'était faite autour deFlorimond Guimard (aujourd'hui acquitté), un individu que personne ne connaissait et qui habitait bien loin, à Marseille...

Il y a de quoi s'étonner, anéfé, qu'un Jurassien, parce qu'il partage, en gros, les mêmes idées qu'un Marseillais, veuille prendre sa défense et adresse un beau courriel au ministre de l'Intérieur, en utilisant des mots percutants, certes, mais dans la bonne tradition du pamphlet à la française.

Et pas si faux que cela.

Un procureur qui repasse son code

Je suis pas juriste et je fréquente assez peu les tribunaux. L'idée que je me fais d'un procureur me vient, hélas, d'une trop longue fréquentation des chroniques judiciaires de François Foucart, sur France Inter. Ce cher homme, bien oublié maintenant (il ne figure même pas dans ouiquipédia!) avait le chic pour raconter les audiences des grands procès criminels. Il aimait particulièrement les réquisitoires, et dans les réquisitoires ce grand moment du "portrait psychologique" de l'accusé. On sentait qu'il prenait un grand plaisir (approchant souvent l'orgasme glottique) à détailler les discours du procureur traitant, comme il est d'usage, l'accusé de rebut dégénéré et nocif d'une société qu'il fallait protéger...

Ainsi ai-je du procureur cette image fausse d'un monsieur se permettant de traiter comme un excrément social un pauvre type qui ne peut même pas lui dire merde (c'est une injure, et paf! à l'amende!)

Mais je dois me tromper...

Car en regard, la remarque de madame le procureur du procès de Romain Dunand me semble d'une grande candeur, d'une délicate fraîcheur et d'une délicieuse spontanéité.

Cependant, je me demande si cette remarque ne trahit pas un certain manque de finition...

Avant d'être une valeur, cette chose simple, claire et limpide qu'ont appelle fraternité ou solidarité, est d'abord un sentiment assez répandu. N'est-ce pas un peu inquiétant de s'en étonner ?

Maison des Etudiants de Côte d'Ivoire
en août 2005

Il est vrai que l'humanité la plus élémentaire est peut-être en train de disparaître petit à petit.

Un seul exemple: il vous faudra, une fois de plus, vous rendre sur le site de RESF, c'est le seul endroit où j'ai trouvé cette information. Gougueule reste muet...

Les derniers occupants de l'ancienne maison des étudiants de Côte d'Ivoire (MECI), située 148/150 boulevard Vincent Auriol à Paris 13e, ont été évacués le jeudi 23 octobre, à 7h du matin.

Un arrêté d'évacuation avait été pris, le 19 septembre 2008, par le préfet de police "en raison de la nécessité d'assurer la sécurité des personnes".

Je lis ceci, dans ce témoignage de Marius qui était sur place:

Cette évacuation s’est passée dans un climat de violence policière inouïe : une enfant de 1 an souffrant d’asthme a été gazée par un CRS. Elle a dû aller à l’hôpital après une intervention tardive des pompiers.

Franchement, monsieur le CRS, vous étiez obligé ?


Ajouté le 25/10/2008: vidéo de l'évacuation de la MECI, jeudi matin.




PS1: Les expulsions sont dans l'air du temps, et peu relayées dans les médias. Sur LibéLille, voyez ce témoignage sur l'évacuation du squat des migrants de Calais.

PS2: Accompagnant le témoignage de Marius, sur le site de RESF, vous trouverez un lien vers un autre témoignage portant cette fois sur l'expulsion, le 17 septembre 2008, des Roms qui habitaient sur le parking de la gare de Massy-Palaiseau.

Ce récit, très sobre mais très fort, accompagné de photos, est signé de José Vieira, réalisateur de documentaires. Qu'il ait demandé à un CRS "Des policiers, des gens avec des valises et une gare, ça vous rappelle rien ?" fait que je ressens une profonde fraternité avec ce monsieur.

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