dimanche 5 octobre 2008

L'imposture des mal-aimés



Je me suis longtemps demandé si, au journal Libération, on employait à plein temps un virtuose du calembour vaseux et de l'à peu près calamiteux pour fabriquer quotidiennement les fameux "titres à la Libé" (expression devenue synonyme de "titre à la con") qui permettent à ce célèbre quotidien de marquer une élégante distance postmoderne avec l'horreur de notre modernité.

Maintenant, je sais que, s'il y avait un tel salarié à Libération, il a été viré à l'arrivée de Didier Pourquery.

Prenez par exemple ceci:

On imagine un stand de foire. Entrez, Mesdames et Messieurs, voici réunis pour votre plaisir et votre édification deux vrais monstres que vous adorerez haïr ! Vous allez voir ici, sur la même estrade, le sartrien et le célinien, l’objection et l’abjection, le droit de l’hommiste et le nihiliste, le réseau et le zéro, le juif et celui qui comprend l’antisémitisme, le défouloir et le refouloir, le touriste du désastre et le touriste sexuel, le bel ami et le mal baisé…

Avouez que c'est autre chose que la prose laborieuse de Laurent Joffrin...

Avec un tel talent, monsieur Pourquery doit vous torcher tous les titres foireux sur un coin de table, après s'être envoyé un éditorial plein de verve.

Encore un scoupe signé Libé

Ce texte est justement un éditorial saluant l'événement culturel de première importance que constitue la sortie du livre co-écrit par les deux monstres de la littérature francomondiale que sont Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy.

Je suppose que Libé a cru faire une sorte de scoupe en parlant de ce livre dans son édition du mercredi, alors que le supplément livre, c'est le jeudi (et ici, c'est parfois le dimanche).

Mais peut-être n'est-ce pas un livre...

Claire Devarrieux se fend d'une critique qui n'est qu'un pénible exercice d'admiration ébahie: figurez-vous, je ne l'aurais pas cru, mais ils sont bons tous les deux, et puis si humains, et puis si différents et semblables en même temps, et puis ils ont tellement souffert de se sentir haïs... (traduction libre)

Il est vrai que la posture des deux ennemis publics en littérateurs mal aimés est ce qui domine. L'un se voudrait Céline, l'autre Sartre, mais ils ne sont que deux pauvres petites créatures toutes plates, des êtres de papier qui pondent du papier imprimé, comment veulent-ils qu'on les adule ?

Après tout, rien ne les empêche de faire de la vraie littérature...


Nos deux crétins ont, semble-t-il, fait ça par correspondance. C'est assez ringard. Pour le prochain couplage (voire le prochain accouplement) d'écrivains, Flammarion devrait envisager de faire vivre ses deux zozos dans un lieu aménagé pour cela, logés, nourris et blanchis, en ne les laissant sortir qu'après avoir fait un "livre".

Je suis sûr que Libé nous ferait vivre l'expérience minute par minute.



PS qui a peut-être à voir:

L'En-dehors a mis en ligne les archives d'un savoureux débat entre Pierre Vidal-Naquet et Bernard-Henri Lévy. Allez voir à quel point ce pauvre BHL a souffert... C'est à cette adresse.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le docteur Lehmann a annoncé, dans son billet en date du 2 octobre, qu'il n'achèterait plus ce journal, qui n'a plus rien à voir avec celui qu'il avait connu et dans lequel il a pu écrire…
http://enattendanth5n1.20minutes-blogs.fr/archive/2008/10/02/je-suis-pas-chien.html

Guy M. a dit…

Le doc a bien raison: il y a longtemps que je ne l'achète plus, moi non plus. La saison des barbecues étant passée, je n'en ai plus l'utilité... J'en trouve quelquefois des exemplaires plus ou moins détrempés laissés dans les corbeilles par des acheteurs plus ou moins détrompés...

Ceci dit, dommage que C. Lehmann délaisse un peu son blogue...