lundi 6 octobre 2008

Raccourci à Sandouville



Comme tous les normands de Normandie et de Navarre, aujourd'hui, je suis content: le président est venu nous rendre visite.

Rien, absolument rien, en l'absence de toute campagne électorale imminente, ne l'obligeait à venir se promener à Sandouville, près du Havre, dans une future friche industrielle. Il y a beaucoup d'endroits dans le monde qui sont bien plus agréables à visiter, et où l'accueil est bien plus classieux.

Photo P. Rostain

Prenez par exemple New York, "New York, ses palaces, ses musées, et New York...", comme on l'écrit si joliment dans Paris-Match, pour introduire un mirifique reportage que je n'ai pas lu sur ce "wend-end amoureux avant l'ouragan financier" annoncé en couverture. La photo de Pascal Rostain est très réussie: avec ce jeu de jambes du couple présidentiel bien calé sur un marquage au sol, regards parallèles et sourires dirigés hors champ, on croirait que nos deux amoureux de comédie musicale vont se lancer dans un pas de deux aussi étourdissant que ceux que Gene Kelly faisait tout seul...

Paris Match a bien raison de préciser que cette escapade niouillorquaise eut lieu AVANT l'ouragan financier, comme cela on ne pourra pas le taxer de mauvais esprit. Chacun sait, et par conséquent tout le monde sait, que la crise financière a été une réelle surprise pour les décideurs politiques...

Vous passez un ouiquende en amoureux, et vous rentrez tranquillou...

Vous branchez France Info.

Paf, c'est la crise!

Tu l'as pas vue venir ?
Carlos Ghosn, pdg de Renault
© ARNE DEDERT/EPA/SIPA

Donc monsieur Sarkozy est venu chez nous. Monsieur Sarkozy est un homme politique bien dévoué, tous les habitants de Neuilly vous le diront. Il est venu réconforter les ouvriers de l'usine Renault de Sandouville qui ont le moral en berne après avoir appris qu'ils allaient devoir faire face à 1000 "départs volontaires" sur un site qui compte 3700 salariés.

Au programme de cette excursion, étaient prévues une visite des ateliers, au pas de course mais avec des photographes, et une allocution devant quatre centaines d'employés, pas trop remuants car choisis par la direction.

Le tout dans la plus grande cordialité compassionnelle.

Un grand moment d'émotion: les condoléances (AFP)

Peut-être avait-on prévu également un bain de foule...

Les CRS surveillants de bains étaient là (AFP)

Un malencontreux coup de téléphone a dû retenir monsieur Sarkozy à l'Elysée, car il est arrivé très en retard à Sandouville. Ou alors il n'a pas trouvé facilement le site, les routes sont très mal indiquées dans cette région. Ou alors il a dû faire dix fois le tour du pâté de maisons pour trouver une place gratuite, presque tout est payant dans ce coin-là.

Je vous l'avais dit: ce n'est pas vraiment une région pour le tourisme.

Il est arrivé tellement en retard qu'il n'a eu le temps que de discuter pendant plus d'une heure avec les représentants syndicaux du site et M. Ghosn, le pédégé de Renault, pendant une rencontre à huis-clos.

Un accueil festif était prévu (AFP)

Bien sûr, le président a choisi une excuse "diplomatique" à son retard et aux annulations consécutives des rencontres prévues. Il prend le prétexte d'une grève...

Dans la matinée, Nicolas Sarkozy avait renoncé à rencontrer les ouvriers de la chaîne de montage parce que, a-t-il dit, "il est difficile de rencontrer les salariés quand ils font grève", comme c'était le cas pour partie d'entre eux.

"Si j'étais venu sur les chaînes uniquement pour rencontrer ceux qui ne font pas grève, on m'aurait dit oui, vous choisissez la facilité, puisque vous ne rencontrez que ceux qui sont d'accord avec vous... En accord avec toutes les organisations syndicales, j'ai décidé de revenir un jour où ils ne seraient pas en grève", a ajouté M. Sarkozy. (Communiqué AFP)

L'excuse est élégante, certes.

Mais un peu tirée par les cheveux, dans un pays où l'on ne s'aperçoit plus quand il y a une grève.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est vrai, quoi : ils sont où, les grévistes ? Ils sont tellement entourés d'uniformes qu'on ne les voit ni ne les entend. Ça doit être ça, la paix sociale.

Guy M. a dit…

"La paix sociale"! C'est le mot que je cherchais... mais qui m'était resté au travers de la gorge.