jeudi 9 octobre 2008

Un peu de logique primitive

Vous n'êtes pas sans savoir, et peut-être n'ignorez-vous pas, que pour la logique classique une double négation équivaut à une affirmation. Dans la sphère mouvante du langage, il devrait en aller de même, et c'est suffisamment admis pour que l'on puisse s'amuser à relever, dans les ennuyeux discours des orateurs qui savent tout, des "vous n'êtes pas sans ignorer" qui marquent assez bien, façon lapsus, leur mépris caché pour leur auditoire.

On peut penser que la même logique règne dans le domaine de la réglementation, du droit, de la loi, et de leurs applications.

Les livres de chevet de madame Dati.

Madame Corinne Lepage semble en être convaincue: selon elle, tant qu'un décret n'annule pas un décret annulant les libertés, les libertés ne sont pas restaurées...

Logique, non?

Le 19/09/2008, elle a signé, pour son mouvement CAP21, un communiqué de presse qui souligne ceci:

(...) dans l’attente des nouveaux textes, le décret Edvige reste applicable puisque le gouvernement refuse de le retirer. Il faut donc craindre qu’il ne soit effectivement appliqué, c’est-à-dire que les fichiers soient au moins en partie mis en place , ce qui laissera évidemment planer un large doute sur leur destruction effective une fois les textes changés. Il est difficile de contrôler des fichiers qui sont censés ne pas exister….

Pour cette raison, CAP21 demande le retrait immédiat d’Edvige en attendant la publication des nouveaux décrets.

CAP21, ainsi que les associations Centr'Egaux et Aujourd'hui Autrement se sont pourvus devant le Conseil d'Etat pour demander la suspension du décret, daté du 27 juin, créant le fichier Edvige. On peut lire le texte du référé sur le blogue de Corinne Lepage.

Ce texte, parfois rédigé en une exquise langue de clerc de notaire, va jusqu'à laisser entendre ceci:

Il va de soi que dans l’hypothèse où le Gouvernement s’opposerait à la demande de suspension, il avouerait alors vouloir appliquer le décret EDVIGE dans l’attente de l’intervention du nouveau texte permettant ainsi de créer un fichier dont l’objectif avoué serait de rester totalement secret, inexistant sur le plan juridique parfaitement réel sur le plan des faits.

Une telle duplicité ne serait pas acceptable.


Par ailleurs, il semble que les modifications apportées à l'infâme Edvige, devenue l'imprononçable Edvirsp, conviennent à ces mouvements et associations et qu'ils ne voient pas à quel point le nouveau fichier se permettra, au cas où, et par exception pas exceptionnelle du tout, les mêmes atteintes aux libertés que l'ancien.

Alors nos chemins se séparent là. Bonne chance, les amis, et merci d'être venus!

Une réponse est arrivée en provenance du ministère de l'Intérieur, qui se garde bien de faire la clarté sur la question de fond qui transparait dans la prose de CAP21: le décret est-il appliqué et le fichier est-il en train de s'étoffer en toute légalité ?

On nous dit (selon LeFigaro.fr):

Un décret de retrait du fichier de police controversé "Edvige" a été transmis en septembre à la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) "pour information", avant d'aller devant le Conseil d'Etat, a annoncé le ministère de l'Intérieur.

(...)

Lorsque la Cnil aura rendu son avis sur le décret du nouveau fichier, "vraisemblablement en novembre prochain", a-t-on estimé de même source, les deux décrets "seront adressés au Conseil d'Etat".

Voilà de quoi rassurer les angoisseux qui croient que le gouvernement joue la montre...

Photo de fredpanassac sur Flickr.


Dans le cas de Marina Petrella, il manque également un décret annulant un autre décret... qui refusait à une femme la liberté d'être ici. Or cette liberté d'être ici, c'était sa vie.

Et dans ce cas, on manque de mots pour qualifier un pouvoir qui jouerait la montre...

Voici ce qu'écrit Gérard Amate, dans son blogue "palindromes", sous le titre "Les Deux Filles de Marina Petrella", après une rencontre avec Elisa, "une petite parisienne bien sympathique qui est née en taule, et y a passé son enfance":

Marina ne va pas mieux.
Elle ne peut plus se lever.
Elle perd encore du poids, très lentement.
Son foie se nécrose.
Elle ne voit plus du tout ses filles, ni personne de ceux qu'elle aime.
Elle ne veut plus.

Les médecins demandent qu'on abroge son décret d'extradition, pour la faire réagir.
Car il est probable, en effet, qu'on ne l'extradera jamais.
Sarkozy lui-même, gêné par cette affaire, a demandé au président italien de gracier Marina.
Ce qui arrangerait bien tout le monde, et surtout lui.
Mais le président italien n'avait aucune envie de se mouiller pour les beaux yeux de Nicolas.
Il ne lui a pas répondu grand chose.
Il préfère lui laisser l'intégralité de ses responsabilités dans cette affaire.

Et tandis que le prèz se demande quel effet ça ferait sur sa cote d'amour, si l'on annulait maintenant le décret d'extradition de Marina,
celle-ci meurt.
Petit à petit.

J'aimerais être persuadé qu'il se le demande...

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