mardi 28 octobre 2008

Brad Will encore présent aujourd'hui


Cette photographie de Brad Will, anarchiste étasunien, journaliste d'Indymedia New York, réalisateur de documentaires, a été prise deux jours avant son assassinat le 27 octobre 2006, à Santa Lucia del Camino, dans la banlieue de la ville d'Oaxaca, au Mexique. La fusillade fit trois morts, Brad Will, Esteban Zurita López et Emilio Alonso Fabián.

Brad a filmé jusqu'au bout. Voici sa dernière vidéo (avec des sous-titres en anglais):







Ces images, et les témoignages de ceux qui l'entouraient, semblent désigner clairement les auteurs des coups de feu, aussi clairement que sur ce montage photographique trouvé sur le blog du gamin blanc en colère: Angry White Kid.

La police mexicaine prétend avoir exploré en vain cette piste et assure désormais, près de deux ans après les faits, que les assassins de Brad Will sont des membres de l'APPO (Assemblée Populaire des Peuples de l'Oaxaca), dont il était solidaire.

Cela peut paraître scandaleusement ridicule, et ça l'est pour quiconque a suivi de près ou de loin ce qui s'est passé à Oaxaca et continue de s'y passer; mais le ridicule du pouvoir mexicain est un ridicule trop sanglant pour qu'on puisse en rire.

Selon le gamin blanc en colère, qui vit à Oaxaca, et qui met régulièrement à jour les informations sur son blog, la police avance cette hypothèse au moment où s'annonce une vaste campagne d'arrestations dans les milieux activistes: entre 250 et 300 mandats d'arrestations auraient été émis. La première arrestation connue, a été, le 16 octobre, celle de Juan Manuel Martínez Moreno, accusé du meurtre de Brad Will et incarcéré au Pénitencier Central de Santa Maria Ixcotel.

Juan Manuel Martínez est probablement toujours en prison et son sort inquiète Amnesty International qui a publié, le 20 octobre, un appel, indiquant qu'il fallait craindre qu'il ne soit soumis à de mauvais traitements et des tortures afin de lui faire avouer sa participation au meurtre de Brad Will.

Le blog de Kristin Bricker, de son côté, signale un appel à des actions, le lundi 27 octobre, pour obtenir la libération de Juan Manuel Martínez, l'annulation des mandats d'arrêts contre les compañeros du mouvement et l'arrestation des véritables assassins.

Manifestation au consulat du Mexique 30 octobre 2006
Photo Piratejenny

Que ce soit au Mexique ou aux Etats-Unis, ceux pour qui Brad Will est encore présent ne réclament pas seulement justice...

A New-York, devant les bureaux de la sénatrice Hillary Clinton, le collectif Friends of Brad Will a organisé une veille de quatre jours, accompagnée d'une grève de la faim et de la soif, pour dénoncer, entre autres choses, le soutien de la sénatrice à l'Initiative de Mérida (qu'ils nomment aussi Plan Mexico).

Vous pourrez trouver sur leur site les détails de l'action prévue (en anglais).

De ce côté de l'Atlantique, nous ne pouvons pas nous plaindre d'avoir eu les oreilles lessivées sur cette Initiative de Mérida, projet de coopération en matière de sécurité concernant les États-Unis, le Mexique et l’Amérique centrale. Le congrès étasunien en a discuté au mois de juin dernier.

L'objectif avoué de cette coopération renforcée est de combattre plus efficacement le trafic de stupéfiants et le crime organisé au Mexique et en Amérique Centrale. Si j'ai bien compris, cela prévoit une aide de 1,6 milliard de dollars en trois ans au Mexique, à l'Amérique centrale et aux Caraïbes.

Au moment des discussions au Congrès étasunien, Amnesty International a publié un communiqué où je découvre ceci:

Amnesty International a exhorté ce mercredi 4 juin le Congrès des États-Unis à préserver les garanties relatives aux droits humains dans le projet de coopération en matière de sécurité qui, sous le nom d’Initiative de Mérida, concerne les États-Unis, le Mexique et l’Amérique centrale.

L’organisation fait cette demande au moment où le Congrès des États-Unis est soumis à des pressions croissantes pour que les garanties en matière de droits humains ne figurent pas dans le projet. Le gouvernement mexicain a déclaré qu’il ne poursuivrait pas les négociations sur cet accord si les dispositions relatives aux droits humains n’étaient pas retirées.

Les choses ont dû avancer, car on peut trouver dans le compte rendu de la rencontre, le 23 octobre, à Puerto Vallarta station balnéaire mexicaine, entre Condoleezza Rice et son homologue mexicaine Patricia Espinosa:

«L'Initiative de Merida est une démonstration de la maturité de notre coopération bilatérale fondée sur la responsabilité partagée (...) La première réunion du groupe bilatéral de haut niveau de l'Initiative se tiendra fin novembre à Washington», a souligné pour sa part la ministre mexicaine.

(...)

Cette aide au Mexique approuvée en juin par le Congrès américain, doit se traduire surtout par la fourniture d'avions, hélicoptères et autres moyens de surveillance, dont la livraison connaît quelque retard.

A cet égard, Mme Rice a assuré que leur expédition était imminente ajoutant que cette Initiative conduisait l'«effort commun à un niveau supérieur. Pour les Etats-Unis il s'agit d'une initiative très importante, un objectif urgent (...) car il va améliorer la sécurité du Mexique et des Etats-Unis».

(...)

Les deux gouvernements préparent les documents à signer pour déclencher la livraison de l'aide technique prévue par «l'Initiative de Merida». Elle devrait intervenir dans un délai «inférieur à plusieurs semaines», avait indiqué pour sa part Tom Shannon, vice-secrétaire d'Etat pour les questions de l'hémisphère occidental, qui accompagne Mme Rice.

Si la police dispose d'avions et d'hélicoptères, il faudrait que les meurtriers de Brad Will courent très vite pour arriver à s'échapper...

A moins qu'ils ne soient dans l'avion ou l'hélicoptère.


PS: Un autre éclairage sur ladite Initiative: un article du blog Changement de Société.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est cool de lire ce qu'on n'entend nul part ailleurs.

C'est d'ailleurs flagrant comme personne dans les médias ne parle, à part quelques rares sites, de ce qui s'est passé et se passe à Oaxaca. Alors que c'est pourtant un exemple parfait de soulèvement juste et classe.

Guy M. a dit…

Il y a à Oaxaca une population qui continue à résister dans les pires conditions, avec très peu de soutien...

Parfois, il me semble que l'expérience de cette "commune" devrait servir un peu aux porteurs de ticheurtes de Che... et je constate que l'expérience en question n'est bénéfique que pour les "massacreurs" (comme ailleurs au Mexique).

Anonyme a dit…

Je suis bien d'accord, concrètement j'ai bien senti (pour y avoir fait un petit tour) qu'il y avait des "choses à apprendre" et à "comprendre" aussi, dans ce mouvement de Oaxaca.

Mais pour l'instant, je crois qu'il est très difficile d'identifier avec précision ce que nous pouvons en tirer.
Les activistes américains, plus proches géographiquement du Mexique, sont également complètement désorientés.

Au moins aussi désorientés que lors du soulèvement zapatiste. (Il suffit de lire, à l'époque, quelles ont été les prises de position dans tout le monde occidental, face à cette émergence atypique...)

Les analyses de George Lapierre sont à ce titre intéressantes car elles nous fournissent un accès au mécanisme interne de ce qui est à mon avis le plus marquant à Oaxaca: la prise de la parole.

(A suivre...)

Guy M. a dit…

Est-ce que ce n'est pas justement parce qu'il "désoriente" les boussoles militantes, tout en ne cédant pas face à la répression acharnée du pouvoir local, que le mouvement des oaxaquènes (?) devrait être suivi de près (et évidemment soutenu!)

Anonyme a dit…

Voui

C'est ce que je pense, en tout cas

Guy M. a dit…

Qu'on pense à peu près la même chose me réjouit...

Et tu as raison de signaler les analyse de Lapierre qui sont de loin les plus intéressantes, anéfé.

myriam a dit…

@ porteporte : où trouver ces réactions au soulèvement zapatiste de l'époque? J'avais beau avoir qq années de + que toi à l'époque, je n'ai aucun souvenir de ça. (en 94, je découvrais le rock et les garçons, peut-être Arsène Lupin et la Shoah, ça suffit à 11 ans!)

@ Guy M. : bien d'accord sur ce qu'ils peuvent nous apporter, mais tu as peut-être une trop haute estime des porteurs de tchéshirts. Pou la plupart, c'est juste un sentiment de coolitude. Enfin je crois. J'ai peut-être trop de mépris.

Guy M. a dit…

Je n'ai pas trop d'estime pour les porteurs de ticheurtes du Che... Disons que je désignais assez vaguement une attitude "militante" un peu ralentie et stéréotypée...