mercredi 12 mai 2010

Le Bloc fait dans l'aquarelle

"I would prefer not to."

A dû penser Jean-Yves Lalanne, maire de Billère (Pyrénées Atlantiques), quand il a reçu du tribunal administratif l'injonction de faire procéder à l'effacement du "Mur des expulsés" (jugement du 12 janvier 2010), "au motif du non respect du principe de neutralité du service public, qui s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes de revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques".

Et il a estimé qu'il était urgent d'attendre. Et il a fait appel de cette décision.

(Cet appel n'est pas suspensif.)

Monsieur Philippe Rey, préfet du des Pyrénées Atlantiques, assez impatient de voir disparaître ce mur, a, de son côté, "saisi la cour administrative d’appel, compétente en application du code de justice administrative, afin qu’elle définisse les mesures d’exécution du jugement".

Symbole d'une résistance ?
A effacer !

Il y a d'autres individus qui sont furieusement impatients de voir disparaître ce qu'ils appellent le "mur de la honte", et qui ont décidé, pour le 8 mai, de faire un petit cadeau à monsieur le préfet, sans doute pour marquer l'anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie.

Adoncques les preux militants identitaires du Béarn ont dépêché sur place une équipe de barbouilleurs pour recouvrir "la fresque illégale à la gloire des immigrés clandestins expulsés de France".

Samedi matin, "en plein jour", et "alors que se déroulaient les cérémonies du Souvenir du 8 mai 1945", trois voitures immatriculées en Gironde ont amené à pied d'œuvre nos blancs chevaliers, ainsi que des pots de peintures ( "à l'eau", ont-ils précisé), des brosses et des échelles, afin de mener à bien cette "action citoyenne". Ils ont pris soin de prendre photos et vidéos afin de revendiquer cet exploit. On pourra en voir les traces aux adresses habituelles (je ne donne plus les liens, par amitié pour une lectrice allergique qui est capable de me faire une syncope, mais si j'ai pu les trouver, vous le pourrez aussi).

La bande à Ripolin en action.

Mais comme on dit, c'était mieux avant...

Il est assez difficile de savoir si le cadeau a été apprécié par monsieur Philippe Rey. On ne peut pas dire que ce monsieur soit un grand expansif.

Son communiqué, d'une quinzaine de lignes, détaille mécaniquement l'historique de la procédure engagée par le préfet contre le maire de Billère, et se contente d'une allusion finale à la prétention des identitaires bordelais d'avoir, selon leurs termes, contribué à "aider à faire appliquer la loi comme tout bon citoyen en a le devoir" :

«Il est du devoir des responsables publics, et notamment du maire, de respecter le droit et d’exécuter les décisions de justice. En cas de défaillance de leur part, c’est bien évidemment selon les seules procédures légales que le respect du droit doit être obtenu.»

Jean-Yves Lalanne, têtu comme un Béarnais, a envoyé les services techniques de sa ville au pied du mur, avec un nettoyeur à pression de marque non précisée. Et le miracle se produisit:

«C'est comme le Saint-Suaire, si je peux me permettre la comparaison, la fresque réapparaît après le nettoyage.»

Déclara-t-il, avec une faconde un peu... gasconne, que le préfet risque de ne pas trop saisir.

Résurrection en cours.
(Photo Luke Laissac, dans Sud-Ouest.)

A ceux qui trouveraient un peu stupide de la part du commando de ripolineurs d'avoir utilisé de la peinture à l'eau, monsieur Fabrice Robert, président du mouvement identitaire, envoie dire ceci:

« C'était calculé ! Nous connaissons le droit pénal. On savait qu'il fallait utiliser une peinture détachable. Nous n'avons pas pris de peinture indélébile pour ne pas encourir de poursuites judiciaires. Le maire peut porter plainte contre nous, mais je le vois mal défendre une fresque illégale. »

Avec cette réponse-à-tout procédurière, le très rock'n roll monsieur Robert montre bien qu'il n'y a pas que la peinture qui peut être indélébile.


PS: Un rassemblement est prévu ce mercredi à 18 h devant le mur restauré.

2 commentaires:

La lectrice allergique a dit…

Merci de prendre soin de ton lectorat…
Bise, monsieur Guy

Guy M. a dit…

C'est parce qu'il le vaut bien...

Bise, madame D.