mercredi 12 mai 2010

Confidences au pied du mur

Peut-être ai-je été un peu trop expéditif avec monsieur Philippe Rey dans mon billet précédent...

(J'en profite pour rappeler à mes neveux et nièces de la lointaine province que, dans le blogue à tonton, qui fonctionne selon la logique du ouaibe double zéro, c'est comme dans le métro parisien: c'est celui qui s'est tassé dedans le dernier qui doit sortir le premier.)

J'avais laissé entendre qu'il n'était pas très expansif.*

Monsieur Philippe Rey, vu par T. Suire, pour Sud-Ouest.

Pour me contredire, Sud-Ouest a publié un entretien du préfet avec Olivier Plagnol, ou l'inverse, sous le titre Immigration et expulsions : « La loi, c'est la loi ».

Cela donne un document atterrant, dont il faut conseiller une lecture complète mais précautionneuse. La parole de monsieur Philippe Rey est rare, dense, précise et surtout glaciale. Munissez-vous d'une petite laine !

Cette remarquable qualité se retrouve sur tous sujets.

Les objectifs chiffrés:

On essaie d'atteindre ces indicateurs, qui ne portent pas sur les arrestations mais sur les reconduites. Cette législation a pour objectif de maîtriser l'immigration. Faire du chiffre n'a absolument rien de péjoratif. C'est tout à fait normal qu'on essaye d'empêcher des personnes qui n'ont pas de titre de séjour de séjourner en France, et des personnes qui n'ont pas de titre pour y entrer, de passer la frontière. Le maximum on en prend, le maximum la loi est respectée. Je n'ai absolument pas à m'en cacher.

L'esprit de l'application de la loi:

La loi, c'est la loi. On n'a pas la possibilité de l'appliquer de façon plus ou moins souple. Ce que prévoit la loi, ce sont des possibilités, à titre exceptionnel et pour des raisons humanitaires, d'accorder le séjour à des personnes qui ne remplissent pas les conditions. Certains groupes de pression voudraient que l'exception devienne la règle. Non. Chaque cas n'est pas exceptionnel. Et aucun préfet ne considère l'exception comme la règle, ça n'est pas possible.

Ou lui-même:

Question: Les critiques, le fait que l'on dise que vous appliquez avec zèle la législation, vous touchent-elles, en tant qu'homme ?

Réponse: Non. J'applique avec zèle, c'est mon rôle. Mais on s'attache à le faire de façon humaine, quoi qu'on en dise, et rigoureuse. La preuve, c'est qu'il est très rare que le juge considère qu'on a mal appliqué la loi.

Une seule trace d'humanité dans ces confidences, sur la précarité des postes préfectoraux:

Vous savez, nous avons un contrat à durée déterminée renouvelable toutes les semaines, tous les mercredis…

Forcément, on pleure.



* Et il est vrai qu'il n'est peut-être pas aisé pour lui de goûter l'humour plus exubérant de Jean-Yves Lalanne :

Le journal Sud-Ouest rapporte qu'hier,"croisant le préfet lors de la cérémonie de la commémoration de l'abolition de l'esclavage", le maire de Billère en a profité pour lui suggérer "d'abandonner ses poursuites", et pour lui demander de régulariser les deux étudiantes comoriennes, Sitti et Liouize, au lieu de tout faire pour les expulser, en soulignant qu'elles "ne troublent pas l'ordre public, elles".

(Sur le cas de Sitti et Liouize, et la réaction des palois, explorer la page Resf64.)

Dessin d'Aurel, paru dans le Monde, 25 février 2010.

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