Puisque nous avons eu le Centre Pompidou, le musée d'Orsay, la Bibliothèque François Mitterrand et le musée du quai Branly, nous devrions, pour que la série soit conforme à celles qui figurent dans tous les tests de QI pour les bigorneaux, voir un jour s'ouvrir un musée Sarkozy, qui devrait être consacré à l'Histoire de France.
Nous savons qu'en matière de goûts culturels, le plus grand des présidents à talonnettes ne peut, comme ses prédécesseurs, offrir que ce qu'il a...
Et nous savons aussi que rien ne fait plus vibrer son petit cœur sensible qu'une bonne évocation historique, que cela soit le sacre de Reims ou la fête de la Fédération.
Cela lui permet de citer la sentence du vénérable Marc Bloch, qu'il a eu tant de mal à apprendre sans mélanger (mais maintenant, ça va, merci).
Dans leur article du Monde, Arnaud Leparmentier et Thomas Wieder font le point sur l'avancement de cette "belle idée":
Le chef de l'Etat a dévoilé en partie ses intentions lors de son discours sur l'identité nationale, prononcé le 12 novembre à La Chapelle-en-Vercors (Drôme) : "Je retiens la belle idée de créer un Musée de l'histoire de France que tous les enfants des écoles iront visiter, qui sera le musée le plus moderne qui soit, qui ne sera pas figé dans le passé mais qui sera vivant, qui apprendra l'histoire au nom de l'avenir. Ce musée, nous devons l'inventer ensemble."
On peut penser que, conçu avec cette ambition inédite d'apprendre "l'histoire au nom de l'avenir", la quasi obligation institutionnelle de visiter ce lieu "vivant" pourra être étendu aux élèves des collèges et lycées et ainsi remplacer quelques années d'enseignement de l'histoire... Et pas seulement en terminale scientifique.
Il semble raisonnable de supposer qu'un certain nombre d'historiens-muséographes, spécialisés dans la scénographie mémorielle, se sont d'ores et déjà mis au travail pour "inventer ensemble" le "musée le plus moderne qui soit", et que, pour séduire le chef de l'état initiateur, ils sont en train de nous concocter une version multimédia à grand spectacle des fameux manuels Lavisse, obtenue par pollinisation croisée avec l'esthétique Disneyland.
Tâche passionnante, en effet, que celle de narrer, dans l'espace et le temps d'un parcours muséal, le grand récit de la formation de l'identité française, de ses balbutiements dans les abris de Lascaux à sa réhabilitation triomphale dans les palais de la démocratie sarkozienne.
Selon mes sources, alimentées par les meilleurs distillats de notre beau terroir, la conception de la "salle Guy Môquet", qui devrait être l'aboutissement de la "galerie de la Résistance", déchaîne véritablement les imaginations de nos créatifs de la mémoire édifiante. Je ne puis encore rien révéler des projets en cours, sauf peut-être un probable partenariat avec la société Kleenex.
On apprend, dans ce même article du Monde, que la "belle idée" de monsieur Nicolas Sarkozy pourrait voir le jour sur l'île Seguin, à Boulogne-Billancourt...
Le président de la République n'a pas encore fait ses arbitrages. Mais, selon des sources concordantes, c'est cette option qu'il privilégie.
Je suis assez peu porté sur la sacralisation mémorielle des hauts lieux, mais je trouve quelque chose de très édifiant dans cette petite idée-là, qui consiste en somme à recouvrir un lieu symbolique, celui des luttes et des fiertés ouvrières, par le clinquant moderniste d'un Musée de l'histoire de France dans sa lecture sarkozienne.
A chacun son histoire, peut-être.
Dans la mienne, demeure la longue marche vers le père Lachaise, le 4 mars 1972, pour accompagner le cercueil de Pierre Overney, assassiné aux portes de Renault-Billancourt, par Jean-Antoine Tramoni, agent de sécurité de la Régie.
"La pyramide des martyrs obsède la terre."
René Char,
Le bouge de l'historien,
Seuls demeurent (1938-1944), Fureur et mystère, Pléiade p 145.
4 commentaires:
T'es sûr qu'ils vont se décider pour un musée ? J'avais cru comprendre qu'au regard du succès de la dernière production umpienne, l'histoire de France serait finalement traitée sous forme de lip dup…
"le cercueil de Pierre Overney, assassiné aux portes de Renault-Billancourt, par Jean-Antoine Tramoni"
Lequel Tramoni a fini par le payer…
Le lip lip lip hurrah est une confirmation: c'est ça un musée "le plus moderne qui soit", avec des jeux vidéos, des karaokés, des écrans tactiles, des sièges interactifs.
Et des kleenex durables...
(Tramoni a raté sa retraite...)
Les plis plis plis pourraves des Kleenex ?
Oui, bien sûr, si c'est moderne.
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