A 85 ans, on a un appétit de petit oiseau, c'est bien connu. On chipote et on picore par-ci par-là...
Mais cela ne rend pas plus facile de commencer une grève de la faim.
Hedy Epstein,
en grève de la faim pour la liberté de Gaza.
en grève de la faim pour la liberté de Gaza.
Hedy Epstein, née en 1924 dans une famille juive, a quitté l'Allemagne en mai 1939 dans un convoi d'enfants en direction de la Grande-Bretagne. Elle y a survécu alors que ses parents étaient déportés à Auschwitz, où ils sont morts. Elle a émigré aux Etats-Unis en 1948.
On peut supposer que cette rescapée de l'Holocauste possède un solide appétit de liberté et de justice.
On la rencontre parmi les militant(e)s pour le droit à un logement décent, pour la liberté de l'avortement, et pour la paix.
Ce sont les récits des massacres commis par l'armée israélienne à Sabra et Chatila, en 1982, qui l'ont amenés à étudier de plus près le conflit israélo-palestinien et à prendre position. Après un premier voyage dans les territoires occupés en 2003, son témoignage fut sans doute jugé suffisamment inopportun par les autorités israéliennes pour qu'elles tentent, lors de son voyage suivant, en 2004, le grand jeu de l'intimidation et de l'humiliation. Les agents de la sécurité, à l'aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, l'obligent à se dévêtir totalement (strip search) et la soumettent à une fouille manuelle complète (body cavity search).
Hedy Epstein raconte, dans un entretien* avec Silvia Cattori:
Jamais je n’avais ressenti une telle colère, qu’après ce qui m’était arrivé en janvier 2004 à l’aéroport de Tel Aviv, à moi et à l’amie qui voyageait avec moi.
Une fois dans l’avion, encore pleine de rage, j’ai écrit sur chacune des pages des magazines fournis par la compagnie : «Je suis une survivante de l’Holocauste et je ne retournerai jamais en Israël». Parfois, j’appuyais si fort mon stylo sur les pages qu’elles se déchiraient. C’était une manière d’évacuer ma colère.
Le coup avait porté.
La flicaille et la soldatesque de tous les pays du monde savent que les atteintes à la dignité humaine portent immanquablement.
Mais Hedy Epstein est retournée en Israël et en Palestine, quand elle a pu estimer, dès l'été 2004, que "c’était, à [ses] yeux, la juste chose à faire; témoigner et faire savoir aux Palestiniens qu’il existe, à l’extérieur, des gens qui sont suffisamment préoccupés par leur sort, pour revenir et se tenir à leurs côtés dans leur lutte contre l’occupation israélienne."
Depuis cette date, elle a fait un voyage par an.
Aujourd'hui, elle est au Caire, et hier, avec d'autres participants de la marche de la liberté pour Gaza, elle s'est installée sur une chaise devant les bureaux des Nations Unies, et a entamé une grève de la faim pour protester contre l'interdiction de cette marche par les autorités égyptiennes.
Comme un groupe de 300 marcheurs immobilisés se sont regroupés sur le trottoir devant l'ambassade de France au Caire, nos journaux commencent à découvrir cette manifestation, et les obstacles rencontrés.
Peut-être ont-ils attendu d'avoir des images ?
Curieusement, c'est sur Le Quotidien du Peuple en ligne que l'on peut trouver la position des dirigeants égyptiens après ce sit-in devant l'ambassade de France.
L'Egypte a critiqué lundi les militants français qui ont manifesté devant l'ambassade de France au Caire. Ces activistes ont demandé d'entrer dans la bande de Gaza via Rafah pour participer à une marche de solidarité avec le peuple de Gaza.
Ces activistes n'ont pas tenu leur engagement car ils sont entrés en Egypte avec des visas touristiques et ont mené des activités politiques en organisant un rassemblement qui viole les conditions d'entrée, a indiqué Hossam Zaki, porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, cité par l'Agence de presse égyptienne MENA.
Je ne savais pas qu'il existait des visas pour "activités politiques"...
Pour se faire une idée des manœuvres dilatoires des forces de sécurité égyptiennes, rien ne vaut ce témoignage direct de deux participants qui, dans un courriel daté du 28 décembre au soir, racontent leur voyage en direction de la frontière...
Dès le matin nous faisons un aller retour entre les 2 hôtels où est réparti notre groupe.
Les campeurs sont toujours devant l'ambassade et leurs bus au dépôt avec interdiction de sortir.
Nos bus ne sont pas dans cette situation et doivent partir vers 14h pour El Arish. La consigne est d'être discret pour rejoindre le point de départ.
Comment être discret à 50 personnes avec sacs à dos et appareils photos ? Outre les policiers en civil qui veillent sur le troupeau, les cairotes sont tous sur le pas de leurs boutiques pour assister au départ !
A 15h le bus démarre ! (...)
5 bus sont sur la route avec 200 personnes à bord : des français, des belges, des grecs, des indiens (d'Inde), des américains et un suisse, tous calmes et déterminés à dénoncer le blocus de Gaza, l'impunité d'Israël et la complicité de la Communauté Internationale.
Florent au micro nous rend compte régulièrement des contacts entre les bus.
Très vite, il faut déchanter, les deux premiers bus sont arrêtés par la police de la route, nous dit-il.
Le convoi que nous formons avec 2 autres bus est lui aussi stoppé à une vingtaine de kilomètres du Caire. Un monsieur en costume et cravate, un téléphone sur chaque oreille, semble très occupé à ne pas nous laisser aller plus loin. (...)
(...) Au bout d'une heure, on annonce un colonel. Il arrive dans son uniforme à boutons dorés, et ajoute à ses décorations, lui aussi, un téléphone en pendentif à chacune de ses oreilles. Le chauffeur du bus nous explique que c'est monté très haut, on parle du chef des services de renseignement... du ministre peut être.
Entre temps des nouvelles arrivent de l'ambassade de France : les personnes qui ont passé la nuit sur le trottoir sont dans une situation bien pire que la nôtre. Trois solutions leur sont proposées : passer une nouvelle nuit sur le trottoir et être reconduite le lendemain à l'aéroport, être reconduites immédiatement à l'aéroport, ou encore être confinées jusqu'à leur avion de retour, au lycée français du Caire mis à disposition par l'ambassade.
Dans notre bus sur le bord de l'autoroute, nous avons au moins l'impression d'avoir bougé, mais si peu ... Nous essayons de gagner du temps pour permettre aux médias d'être sur place et de rendre compte de la situation. Au bout de deux heures, les services se font plus autoritaires et intiment l'ordre aux chauffeurs de bus de nous reconduire au Caire à nos hôtels. Toujours calmes et après quelques échanges entre les 5 bus (vive le portable...) nous nous plions à cette exigence, et décidons de convoquer la presse pour notre retour.
Demi tour donc avec amertume bien sûr mais une visibilité attendue à l'arrivée. Nous sommes escortés par un véhicule de police, qui surveille de près notre itinéraire. (...)
A.P & P
Il est fort probable que la visite au Caire de Benjamin Netanyahu, venu s'entretenir avec le président égyptien Hosni Moubarak, aura conduit aujourd'hui les forces de l'ordre à restreindre davantage encore les déplacements des marcheurs.
* A signaler un autre entretien, mais en anglais, sur Counterpunch.org réalisé en 2007.
PS: La pétition demandant à monsieur Kouchner d'intervenir auprès des autorités égyptiennes a recueilli 3438 signatures.
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4 commentaires:
Je ne connaissais pas Hedi Epstein. Elle est désormais, comme d'autres belles dames, connues personnellement ou non, une lumière dans ma nuit.
Tu m'apprends (merci pour tous les liens) qu'elle a fait partie d'un Kindertransport, ces convois ferroviaires puis maritimes d'enfants que leurs proches, se sachant condamnés aux wagons plombés, n'eurent d'autre choix que de les faire filer in extremis sur un radeau de la vie voguant à l'abandon n'importe où, mais ailleurs ; sachant aussi que les chances de se revoir (et de se reconnaître) étaient quasi nulles.
Il existe un bouquin magnifique à propos de ces enfants (qui ne furent pas tous, loin de là, bien traités par "leurs" familles d'accueil anglaises, à qui on ne peut pas, pour faire bref, le reprocher en bloc) : Austerlitz, de W.G.Sebald (Folio 4380). Un lien ? celui-ci, si l'on veut, mais à quoi bon ?
Sebald a refusé son destin au point de renier ses prénoms walkyriques, de marcher à pied, marcher encore, et d'écrire des livres de fourmi exsangue dézinguée. Imre Kertész — Auschwitz à quatorze ans — également (Être sans destin, Actes Sud, 1998). Hedy Epstein, elle aussi, entend faire ce qu'elle veut de son destin et l'envoyer valdinguer.
Le gouvernement de l'État d'Israël sait très bien tout ça. Il voit bien la photo de Hedy avec sa pancarte rose.
Rien à ajouter: tu parles d'or...
Non, je ne parle pas d'or. J'ai juste mal partout.
Moi aussi, alors j'aime bien que tu parles de Sebald, de Kertész...
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