Minarets suisses, beffrois flamands et blancs bérets

Le résultat du référendum d'initiative populaire qui a été organisé en Suisse ce dimanche, m'a remis en mémoire, allez savoir pourquoi, la haute silhouette d'un vieux bûcheron du Jura, chez qui j'avais loué un appartement à l'époque où j'allais encore skier en ces contrées. Un soir, après m'avoir raconté son travail de part et d'autre de la frontière, il avait conclu, en modifiant son accent pour imiter celui de ses voisins:

"En Suisse, si tous les cons mettaient un béret blanc, on dirait qu'il a neigé."

(Signalons que les cantons de Neuchâtel, de Vaud et de Genève, qui sont nos proches voisins, ont voté "non".)

Affiche odieuse pour défier la censure...

Cette nouvelle de la victoire du "Oui" à l'interdiction des minarets en Suisse a été comme un baume sur le petit cœur blessé de certains dirigeants de mouvements d'extrême droite, comme la vice-présidente du Front national français, madame Marine Le Pen, qui s'est adressée aux "élites" pour les inciter à "cesser de nier les aspirations et craintes des peuples européens".

Il faut la comprendre, ce n'est pas facile de se voir ainsi dépossédée de son fond de commerce à la suite de l'OPA hostile menée sur l'Identité Nationale par messieurs Sarkozy et Besson.

Savez-vous qu'elle en est réduite à braver les intempéries pour aller se montrer à Bailleul, dans la région Nord-Pas-de-Calais ?

Le beffroi de Bailleul, qui a un faux air de minaret.
(Je trouve.)

Vendredi matin, madame Marine Le Pen était donc à Bailleul pour "protester avec véhémence contre l'installation d'un camp d'accueil sanitaire pour migrants".

(Notons qu'elle a bien fait de venir le vendredi, car pour le samedi était prévu "l'époustouflant spectacle du père Noël descendant le beffroi en rappel" accompagné par deux lutins. Cela aurait pu faire confusion.)

En verve, madame Le Pen a estimé que le Nord-Pas-de-Calais ne peut pas "devenir l'hôpital sans frontières du monde", et, pour rester dans le champ lexical de la médecine, a parlé de l'immigration clandestine comme d'un "cancer" risquant de se "métastaser" à l'ensemble de notre beau pays.

(On se souvient peut-être que son papa, un jour de méforme, avait cru bon de souligner que le cancer, il était résolument contre !)

Installation du camp d'accueil, dimanche soir.

A l'origine de ce projet de "lieu d'accueil sanitaire et humanitaire" se trouve l'association Flandre Terre Solidaire, qui s'est constituée le 9 septembre 2009, à Bailleul, avec pour objectifs:

1 - l'aide à caractère humanitaire ou social en direction des personnes migrantes.
2 - l'information et la sensibilisation sur le sujet des migrations internationales auprès de l'opinion publique.

L'installation du camp Intermed a reçu le soutien de la mairie de Bailleul et a été menée à bien en liaison avec l'association SALAM, qui le présente ainsi:

La structure sera composée de 3 grandes tentes (une pour les femmes, une pour les hommes et une servant à la vie commune et à la préparation de repas) qui pourront accueillir au total 15 à 20 Migrants au maximum. Toutes les facilités seront mises à disposition : wc, douches, espace repas, lave-linge et sèche-linge ainsi que le matériel qui équipera les tentes (lits, vaisselle, linge, chauffage…)

Les migrants seront accueillis et suivis par des référents des différentes équipes de l’association Flandre Terre Solidaire, renforcées de médecins et infirmières bénévoles pour le suivi médical et le soutien psychologique éventuel. Rapidement un accompagnement juridique et administratif pourraient être mis en place.

Concrètement les bénévoles de l’association SALAM à Calais et Dunkerque identifieront sur le terrain les Migrants susceptibles de bénéficier de ce dispositif et les signaleront au référent de l'association. Ces personnes seront ensuite conduites à Bailleul où l’association Flandre Terre Solidaire les prendra en charge pour une période déterminée.

La mise en place matérielle du centre a été retardée par un groupe d'une trentaine de personnes qui ont bloqué les accès au site prévu pendant une dizaine d'heures, avant de se retirer à la tombée du jour. Les bénévoles de Flandre Terre de Solidarité ont patiemment attendu leur départ pour monter les tentes. Les six premiers migrants accueillis par Intermed sont arrivés vers 18h 30.

Ces opposants résolus se réclament du collectif des "Bailleulois en colère", né il y a une quinzaine de jours, qui accuse le maire, monsieur Michel Gilloen (PS), de ne pas avoir consulté la population et exige un référendum sur le sujet.

Drapeau des "Bailleulois en colère"
lors d'une réunion le 26 novembre.

Le collectif, qui selon Novopress/Flandre* est en train de se muer en association, clame haut et fort son indépendance de toute mouvance d'extrême droite.

On peut noter cependant, comme en passant, et pour fixer les idées, que ses sympathisants se présentent avec le drapeau flamand (mais, disent-ils, "Il ne faut pas y voir de connotation politique."), et que, sur les questions de migrations, un de leurs argumentaires renvoie à l'Association de lutte contre l'émigration clandestine, dont le site s'ouvre sur un article titré et sous titré:

Les lignes bougent !

Vlaams Belang – ALCEC, même combat !

(Si cela n'évoque rien pour vous, vous pouvez consulter** la notice Ouiqui, ou le site de Vlaams Belang.)

Christian Taffin, qui, dans La Voix du Nord, remarque cette fâcheuse accointance, ajoute:

Le collectif bailleulois, plaide la maladresse quant à cet exemple.

Maladroits ?

Sauraient-ils seulement mettre un béret blanc ?



* Depuis qu'une de mes lectrices, assidue mais allergique, a échappé de justesse à un œdème de Quincke en se retrouvant inopinément sur leur page, je n'indique plus le chemin.

** Mais je suggère à ma lectrice de prendre ses antihistaminiques avant de cliquer.