vendredi 4 décembre 2009

Tournée des bahuts nantais

Pour ne pas irriter post mortem ce vieux grincheux de Louis Poirier, alias Julien Gracq, j'admets volontiers que Nantes a bien "la forme d'une ville", ou qu'elle est "la Forme d'une Ville", mais j'ajoute aussitôt que je connais si peu les lieux que je ne suis pas sûr de pouvoir retrouver sans errances le chemin de l'excellente librairie Coiffard...

Je suis donc un peu perdu pour suivre pas à pas le témoignage "partiel et partial" sur la manifestation des lycéens nantais du mardi 1er décembre, publié par Indymédia-Nantes.

La banderole des lycéens nantais,
à la manifestation du jeudi suivant.

Autour de 10h ce matin, autour de 400 lycéens se rejoignent Place Bretagne.

(...)

Beaucoup de jeunes des lycées professionnels ou d'établissements dits de banlieue. Le cortège, rapide, part aux alentours de 10h30 dans les rues du Centre pour débrayer les bahuts.

La tournée des lycées ne semble pas avoir été fructueuse, les manifestants trouvant à chaque fois portes closes sur lesquelles s'enrager, comme devant le lycée Jules Verne:

Des slogans énergiques sont criés, la porte est bousculée et ébréchée. Le cortège repart en direction de Guist'hau. Passage par le Boulevard Guist'hau (l'un des plus riche de Nantes, bourré d'agences immobilières) , du matériel de chantier est entassé sur la route pour ralentir l'avancée du car de Police qui colle au cortège. Devant le lycée, même scénario que précédemment, porte fermée, plusieurs fourgons arrivent en renfort, quelques œufs sont jetés. La présence policière est déjà oppressante (...).

Après un passage devant le lycée Vial:

Le cortège continue (trop) lentement dans une rue étroite. C'est là que les condés choisissent de mettre en marche les gyrophares, d'avancer sur le cortège puis de charger sans raison les manifestants qui s'affolent aussitôt. Course jusqu'à la Place Edouard Normand (devant le temple protestant), la banderole est rangée, pas le temps de réfléchir : une rangée de CRS arrive au pas de course, des cars et des motos de flics encerclent la place. Malgré des tentatives de se diriger groupés vers la Place Bretagne pour éviter les interpellations, une partie de la manifestation part en courant vers la Place Viarme.

Sur place, des cars de Police déboulent porte ouvert sur la ligne de tram, alors que d'autres nous prennent en étau coté parking.(...)

Un tout autre point de vue sur la manifestation, tout aussi "partiel et partial", est donné par la presse locale:

La police a effectué dix interpellations après la manif lycéenne de ce matin, à Nantes, qui avait rassemblé 300 personnes contre les réformes du lycée et les suppressions de postes d'enseignants. Le défilé s'était élancé à 10 h 30 de la place Bretagne, enthousiaste et motivé. Mais les organisateurs n'ont pas réussi à contrôler la vingtaine de casseurs issus de ses rangs qui ont commis quelques dégradations au fil du parcours, de lycée en lycée. Une heure plus tard, après des incidents, le cortège s'est disloqué place Edouard-Normand. Des lycéens, amers, ont regretté que le message de fond contre la politique d'éducation passe au second plan.

En réalité, ce qui passe au second plan (ou à la trappe) derrière la figure médiatique du casseur masqué, c'est aussi la course poursuite menée par les forces policière aux alentours de la place Viarme, décrite par le témoignage paru dans Indymédia-Nantes:

Ce qu'il reste de lycéens part dans les ruelles adjacentes, poursuivis par plusieurs fourgons rapides. Arrestations violentes. Un jeune a le visage trainé par terre et écorché. Coups de matraque. Des flics en civils dans les fourgons désignent les "têtes" a arrêter. Les flics fouillent les commerces du coin à la recherche de jeunes qui s'y seraient réfugiés. Pendant ce temps, les interpelés sont attachés menottés aux arbres de la Place Viarme.

Quand on manque de personnel, n'est-ce pas, il faut être débrouillard...

Très belle composition photographique
empruntée au site de la préfecture de Tarn-et-Garonne.


Le lendemain, mercredi, on apprenait que sept interpellés avaient été remis en liberté sans suite.

Un mineur, soupçonné d'avoir participé à des dégradations de véhicules et le bris d'une vitre au lycée Guist'hau, en est quitte avec un rappel à la loi. Un deuxième adolescent, qui détenait un couteau et des pétards, s'est également vu notifier un rappel à la loi.

Un troisième mineur, lui, est convoqué devant le tribunal pour enfants pour détention d'un couteau et de produits stupéfiants.

Malgré la démonstration de force policière du mardi précédent, les lycéens nantais ont à nouveau défilé ce jeudi, et ont reçu cette fois un satisfecit de la presse locale:

Une manifestation parfaitement organisée, contrairement à mardi.

Un jour, peut-être, défileront-ils en rang par quatre, désarmés jusqu'aux dents, et marchant au pas.

Alors tout le monde les applaudira...


PS: Juste un mot pour rassurer ceux ou celles qui s'inquiéteraient de l'absence des enseignants dans ce mouvement.

A ma connaissance, les enseignants dispensent leurs précieux enseignements sous la protection de la police aux portes des lycées, et, à la récréation, préparent, ou peaufinent leur argumentaire pour ne pas participer à la nouvelle "journée nationale d'action" de grande ampleur que les syndicats doivent activement envisager.

2 commentaires:

JBB a dit…

Nantes ? Pour un peu (quelques dizaines de kilomètres, voire un chouia plus) la révolution toque à ta porte normande, camarade. T'as intérêt à te tenir prêt !

"Un jour, peut-être, défileront-ils en rang par quatre, désarmés jusqu'aux dents, et marchant au pas."

:-)
(Il y a quelques manifestations qui m'ont laissées ce sentiment. Un brin déprimant, pour être honnête)

Guy M. a dit…

Oh mais, les lycéens rouennais ont déjà fait une manifestation, il y a une quinzaine de jours...

En précurseurs.

Ils ont été bien sages.