mercredi 23 décembre 2009

Les boules pour Noël

La semaine dernière, en plein désœuvrement et en parcourant L'Express, je suis tombé sur un texticule journalistique intitulé Besson au bord de la rupture.

Enfin, me dis-je in petto, une bonne nouvelle.

Je suis, en effet, très envieux des succès féminins que l'on prête au charme irrésistible du ministre de l'Identité Nationale et du Grand Débat y afférant.

(Parce que, c'est vrai quoi, qu'est-ce qu'il a de mieux que moi ?)

Il me fallut déchanter en lisant l'article, qui m'apprenait que:

Eric Besson (...) traverse avec beaucoup de difficultés la séquence actuelle, tant sur un plan humain que politique.

"Il est au bord de la rupture", confie un membre du gouvernement. Nicolas Sarkozy, alerté par un proche, s'est entretenu en tête-à-tête avec l'ex-député PS, lequel a également eu un échange avec le secrétaire général de la présidence, Claude Guéant.

Avec une telle cellule de soutien psychologique à ses petits soins, on peut considérer qu'il est sauvé. Ses nerfs ne devraient pas lâcher de si tôt.

Et s'il a encore les boules pour Noël, il n'aura qu'à les dissimuler dans le sapin.

Sans oublier de les colorier.

Pour lui remonter le moral, je peux lui annoncer qu'un récent pointage m'a permis d'établir qu'il avait la vedette de 15% des billets de ce blog, devançant très largement son prédécesseur au ministère des Expulsions individuelles ou groupées, qui, malgré de méritoires efforts, ne la tient que dans 10% des billets.

La reconnaissance internationale de son talent est en bonne voie. Le (très sérieux) Time consacre un article à ses difficultés, réelles ou supposées, et au soutien ("very strong support"), réel ou supposé, qu'apporte le président Sarkozy à son ministre, qui est désigné, dans le titre, par cette efficace périphrase "France's Hated Immigration Minister", censée permettre son identification immédiate outre-Atlantique.

Bientôt "homme politique de l'année" ?

Au lieu de faire sa chochotte au bord de la crise de nerfs, monsieur Eric Besson devrait avoir l'honnêteté de simplement reconnaître que 2009 a été une année faste pour lui, où il a eu toutes opportunités de déployer ses capacités de nuisances sur la vie des autres.

D'autres que moi feront peut-être, en termes de "maîtrise des flux migratoires", le bilan de la mise en scène de la destruction de la "jungle" de Calais, et de ses suites. Ce n'est pas mon langage, ni évidemment mon mode de pensée...

Trois mois après cette opération à grand spectacle, 19 figurants afghans se trouvent encore en attente dans la région de Nîmes.

On retrouve sur 1000 Babords, un témoignage sur les audiences qu'ils ont dû subir, fin septembre, au tribunal administratif, pour voir toutes leurs requêtes rejetées.

Tous ont finalement été libérés du Centre de Rétention Administrative dans la nuit du 28 au 29 septembre.

Un reportage publié dans le Midi Libre, que j'ai retrouvé sur le blogue Cheminements, décrivait l'accueil de ces exclus par la population nîmoise.

«Dès que nous avons su que ces Afghans étaient dehors, au beau milieu de la nuit, dans une ville qui leur était étrangère, la mobilisation a été immédiate et une vaste chaîne de solidarité s’est mise en œuvre. D’abord à l’initiative de l’Eglise réformée, rejointe sans délais par l’église catholique et de nombreuses associations : France-Palestine, Réseau éducation sans frontières, banque alimentaire, secours catholique, Croix-Rouge… jusqu’aux bouchers hallal de quartiers populaires qui nous offrent de la viande et des volailles», commente la présidente de la Cimade, Hélène Reille.

Si le gîte est assuré par la communauté catholique, ces migrants qui parlent essentiellement pachtoun et farsi, ont le couvert garanti au temple de la Fraternité. Les Afghans y accueillent le visiteur d’un généreux sourire, d’une franche poignée de mains et d’une tasse de thé vert qui fait oublier les rigueurs des hauts plateaux de l’Hindukush. «Nous leur offrons l’hospitalité, mais nous sommes en permanence leurs invités. Ce sont des gens très attachants, d’une infinie courtoisie et d’une politesse exquise. Hommes de culture, même s’il n’y a plus d’école depuis trente ans en Afghanistan, ils sont impressionnants lorsqu’il s’agit d’apprendre, de s’instruire et nous faire partager leur propre culture. Tous se débrouillent déjà pas mal en français courant», ajoute Hélène Reille, qui rejoint ses protégés quotidiennement, à l’heure du dîner.


L'article s'ouvrait sur une citation de Joseph Kessel:

«Le plus pauvre des Afghans montre au visiteur qui vient de l’étranger, une courtoisie et une générosité sans pareille».

Il ne faut pas attendre la moindre générosité du côté de la préfecture en ce qui concerne la situation administrative des 19 réfugiés. On trouvera dans Montpellier Journal quelques éléments instructifs sur les manœuvres et atermoiements de l'administration. Comme le dit Guy Trubuil, dans son article du Midi Libre:

La situation administrative des 19 Afghans évacués de la "jungle" de Calais et logés à Nîmes donne matière à un bras de fer musclé entre les associations solidaires de leur sort et les services de la préfecture et du ministère de l'Intégration.

On ne s'étonnera pas de constater que le ministère de Notre Identité et les services de la préfecture mettent tout en œuvre pour que ces 19 victimes du ratissage de Calais ne puissent déposer leurs demandes d'asile.

Mais on pourra se réjouir de la récente décision de la juge des référés du Conseil d'État qui, en rejetant un appel de monsieur Besson, désavoue le ministère de l'Immigration dans cette affaire.

La Cimade détaille cette décision dans un communiqué, et donne la possibilité de la télécharger.

Ce communiqué se termine sur ces mots:

La Cimade se félicite de cette décision du Conseil d'Etat qui rappelle donc l'importance du respect du droit d'asile et de la tradition de terre d'accueil de la France. Tradition que le village de Lasalle, dans les Cévennes, a décidé de faire vivre malgré tout en accueillant pendant quinze jours ces 19 demandeurs d'asile afghans de "Nîmes". A l'initiative de la communauté protestante, avec l'appui de la mairie, avec le soutien d'un grand nombre d'habitants solidaires et avec le concours de La Cimade, le village a donc été rebaptisé "terre d'accueil et de refuge".

Comme un augure à l'année qui vient, face à une politique d'immigration des plus sévères, ce village redonne sens à la notion de "sanctuaire" en accueillant et protégeant les 19 Afghans de Nîmes.

Si j'étais à la place de monsieur Besson, je finirais par m'inquiéter de ce regain du protestantisme radical en France, et particulièrement dans les Cévennes...

Ça me foutrait les boules.



PS: Ce nonobstant, je souhaite un joyeux Noël à toutes les frangines et à tous les frangins de Lasalle, de Nîmes et d'ailleurs.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

les Afhans suite : http://bit.ly/5VZ3C2

Guy M. a dit…

Merci pour le lien.

(Lire un article comme celui-là ne fait pas de mal, ces temps-ci.)

Anonyme a dit…

Sur le lien http://bit.ly/5VZ3C2 les commentaires des lecteurs du Midi Libre font froid dans le dos !!! Waow.

Guy M. a dit…

Il ne faut surtout pas les lire...

olive a dit…

Rien à redire sur le fond, comme d'habitude.

Pour la forme, le style de l'Express est vraiment renversant. Je m'exerce déjà devant la glace pour opposer à l'avalanche imminente de «Bonnanné» un «Je-Traverse-Avec-Beaucoup-De-Difficultés-La-Séquence-Actuelle» à vous glacer les sangs.

Ggngngngn...

Guy M. a dit…

Comme je vis en reclus, j'ai fait imprimer la formule sur les cartes de vœux dont je vais inonder le monde entier dans très peu de temps.

Sébastien C. a dit…

Bonsoir Guy M.

Je passais chez vous par hasard et j'ai perçu au loin de la lumière ; j'ai tendu l'oreille et ce fut un ravissement des sens.

Merci beaucoup de tout cela.

Je ne savais pas que les afghans de Calais-Nîmes avaient atterri sur ma terre d'origine (je suis de Monoblet) ; je suis heureux de savoir qu'il en est, encore, qui n'oublient pas de Protester. Je suis loin d'eux mais ils me sont proches ; ça va tellement être nécessaire pour que tout ne soit pas perdu.

Courage et Fraternité.
Foi aussi.

Guy M. a dit…

Merci de cette visite.

J'espère qu'il y a de temps en temps un peu de lumière dans l'escalier, même si cette lumière, la plupart du temps, est une lumière qui vient d'ailleurs.