jeudi 6 novembre 2008

Violence proportionnée

Est-ce un extrait d'un sérieux texte réglementaire, d'un manuel d'instructions, d'un code de déontologie... ou n'est-ce qu'un canular ? Il se dit que le policier doit exercer, en cas d'incident, une "force proportionnée" à celle de la menace.

Quiconque a reçu un coup de matraque, ou en a senti le vent, ne peut que sourire de cette expression (en révélant parfois une dentition un peu erratique...)

Mais, pardonnez-moi, en parlant de coup de matraque, j'ai utilisé un langage trop approximatif, j'aurais dû parler de "geste technique", comme je l'ai entendu dire à la presse locale par un policier-chef ou un chef-policier, qui venait de donner l'ordre de dégager, à coups de tonfa, l'entrée d'un lycée bloquée par quelques lycéen(ne)s.

D'autres gestes techniques sont possibles: le regard méchant, l'injure inaudible, l'injure audible, l'avancée d'un pas, la pression de bouclier, la poussée sur la poitrine, le coup de matraque sur l'épaule, sur la tête, sur le genou, dans le dos, le jet de gazeuse, le lancer de grenades lacrymogènes, le tir de flashball, etc...

J'imagine bien qu'il doit exister quelque part, dans la formation d'un policier, un enseignement de l'utilisation de chacun de ces gestes. J'imagine même une sorte de tableau de proportionnalité mettant en regard, selon les justes règles des proportions, l'attitude du ou des manifestants et la réponse proportionnée à lui donner.

Un grand classique de la littérature policière.

Or on sait que l'enseignement de la proportionnalité est une catastrophe nationale, et on ne me fera pas croire que les membres des forces de l'ordre ont été épargnés par cette catastrophe au cours de leur scolarité, ou de leur formation...

Si nous avions plus de témoignages, et plus de récits documentés dans la presse, il sera intéressant d'analyser, de ce point de vue, le déroulement de la manifestation de Vichy, le 3 novembre. On y a vu les forces de l'ordre utiliser un grand nombre de gestes techniques et procéder à une quarantaine d'arrestations.

Vichy comme vous ne l'avez jamais vue.
Photo prélevée sur le site de RESF.

Le même jour, à Marseille, la situation était beaucoup plus simple, les manifestants moins nombreux.

Voici le communiqué de la section de la Ligue des Droits de l'Homme de Marseille:

COMMUNIQUE
Marseille le 3 novembre 2008

Droit d'expression pour établir des ponts, pas des murs policiers

La Ligue des Droits de l'Homme proteste contre l'interdiction de toutes manifestations ce jour, sur un périmètre comprenant le Vieux Port de Marseille. Nous rappelons que le droit de manifester est une liberté fondamentale du moment que la manifestation ne menace pas l'ordre public.


Nous étions environ 200 personnes, citoyennes, citoyens, élu(e)s, responsables d'organisations et d'associations sur le quai de la Fraternité rassemblés pour dire « Non » à la politique européenne d'immigration, pour construire une autre Europe que celle qui s'érige en forteresse enfin dire « Non » aux camps de rétention administrative. Ce rassemblement était éminemment pacifique. Il s'est terminé par un sit-in à 50 m du lieu initial !


Nous protestons énergiquement sur le fait que sur ordre les policiers nous ont repoussé avec soit disant une force proportionnée : ils étaient presqu'aussi nombreux que les « dangereux, manifestants » ! Ils ont malmené, les personnes bien sur, mais aussi la banderole « Des ponts, pas des murs » et ils ont pris 2 drapeaux de la Ligue des droits de l'Homme, dont ils ont cassé les hampes et jeté le tout dans une poubelle !

Cela fait la deuxième fois que les forces de l'ordre s'en prennent aux dangereux symboles des Droits de l'Homme. Il faut croire que les principes qu'ils représentent sont insupportables aux yeux de Monsieur le Préfet Sappin et aux policiers qui agissent sous ses ordres. La première fois c'était, le 6 décembre 2005, lors de la venue du premier Ministre Chinois Wen Jiabao à Marseille où des drapeaux et une banderole avaient été saccagés et les porteurs brutalisés.


Derrière un mur de CRS harnachés en robocop, comment un Ministre européen aurait-il pu apercevoir ces symboles ? Tout ce déploiement de force c'est probablement pour que les Ministres européens présents au Pharo ne se sentent pas agressés, ni terrorisés par le rappel aux droits fondamentaux que signifient ces symboles !


Où sont passés le droit d'expression et le droit de manifester ? A la poubelle comme les drapeaux ?


Bientôt le 10 décembre 2008, nous fêterons le soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Triste anniversaire lorsque nous constatons toutes les atteintes aux droits fondamentaux dans le pays qui les a vu naître.


(Bien sûr, c'est ce communiqué qui m'a rappelé l'expression "force proportionnée". Merci au rédacteur.)

Monsieur Sarkozy essayant de marcher aussi vite
que le mur des robocops de l'empereur Qin.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Si j'ai bien compris le cours, la proportionnalité a à voir avec les quotients. Et ceux intellectuels de quelques représentants de l'ordre laissent à désirer. D'où des résultats erratiques, pour le moins.
Amitiés sans calculs.

Guy M. a dit…

Un bien beau commentaire, comme on aimerait en lire plus souvent...

Anonyme a dit…

Je ne serai pas aussi bon que abcdetc. Juste une question. Tu écris : "on ne me fera pas croire que les membres des forces de l'ordre ont été épargnés par cette catastrophe au cours de leur scolarité."

Ce qui me paraît bien indulgent. Car enfin : depuis quand faut-il suivre une scolarité pour finir dans la police ?

(Je sais : c'est un peu facile…)

Guy M. a dit…

La question se pose... mais avec cette histoire de scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans, la plupart ont pu atteindre le niveau cinquième, où se produit la catastrophe...