samedi 1 novembre 2008

Pouvoirs sorciers





Nous apprenons très tôt, il me semble, que l'exercice de l'autorité, fût-elle suprême et légitimée par les urnes démocratiques, a une grande affinité avec le ridicule. N'importe quel écolier vous le dira.

Dans l'affaire de la désormais bien connue poupée vaudou, chacun peut y aller de son coup d'épingle. Débouté de sa plainte, monsieur Nicolas Sarkozy fait appel de la décision. Le très sérieux magazine Le Point, parangon de la pensée non critique, peut titrer:

La poupée vaudou sauve sa tête, piqué au vif Sarkozy fait appel.

Et citer la réaction de l'éditeur du fameux livre-objet:

La maison d'édition K&B et son conseil, Maître Arnaud Rouillon, qui ont appris mercredi soir par voie de presse que Nicolas Sarkozy entendait faire appel de cette décision, regrette que "la mise au point des juges, rappelant notamment que nul ne peut prendre au sérieux ce procédé et croire qu'il prônerait un culte vaudou tel que pratiqué dans les Antilles ", n'ait pas suffi à apaiser un chef de l'État peut-être superstitieux. Dans un communiqué, les concepteurs du manuel vaudou rappellent "qu'ils n'ont jamais eu l'ambition d'outrepasser leurs rôles d'éditeurs et de développer de vrais pouvoirs de sorciers".

Attention ! ce sont des vraies !

Plutôt que de chercher à tout prix à me procurer la poupée vaudou (ou les deux, je ne suis pas sectaire), j'ai préféré me plonger dans le livre de Philippe Pignarre et Isabelle Stengers, paru en 2005 sous le titre "La sorcellerie capitaliste, pratiques de désenvoûtement", aux éditions La Découverte.

Philippe Pignarre et Isabelle Stengers ne sont des guignols assermentés de la pensée consensuelle, et leur livre n'est pas fait pour aller dans le sens du courant. Il est possible de découvrir ces deux auteurs et les grandes lignes de leur livre dans le compte rendu du site de Mona Cholet, Périphéries....

Le capitalisme serait donc une sorcellerie sans sorciers, machinant son emprise sur nos êtres à coups "d'alternatives infernales" qui paralysent notre volonté et notre pensée, jusqu'à nous réduire au rôle de "petites mains" du capitalisme... Parce que nous acceptons le "il faut bien faire avec le système".

Tout ceci est assez séduisant, et même stimulant, mais on se demande rapidement si cela est opérant...

On sait que l'on sort d'un sortilège, que l'on se désenvoûte, en retournant la prise de possession, en général, sur le sorcier.

Des exemples sont donnés de tels retournements: les événements de Seattle (que les auteurs privilégient), le retrait de la plainte contre l'Afrique du Sud par les industries pharmaceutiques, les mouvements anti-OGM, l'entrée dans les laboratoires des "usagers".

Mais, à distance, on peut bien sûr se demander si ces opérations de désenvoûtement ont été durables... et se poser la question qui semble accompagner toute action: mais où allons-nous ?

Cette question, au nom d'une méfiance envers tout absolu, ce "poison" de la pensée, les auteurs ne veulent pas la poser. Ils se présentent comme "jeteurs de sonde", postés à l 'avant du bateau, indiquant si ça passe, si ça casse, si ça s'enlise et s'échoue...

Et pourtant, si l'on se réjouit du "cri" de Seattle "un autre monde est possible", c'est bien que l'on a une certaine motivation pour se dire anticapitaliste, et cette motivation trouve sa source dans quelque chose qui ressemble beaucoup à une sorte de principe absolu...

Ou alors c'est que je n'ai rien compris.

C'est bien possible. Vous me le direz.

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