jeudi 13 novembre 2008

Le train en marche





Nous aurons en ce jour une pensée pour ce pauvre monsieur Guaino, dont le très beau texte prononcé par monsieur Sarkozy au fort de Douaumont, le 11 novembre, n'a pas fait la "Une" des quotidiens, comme il l'aurait mérité.

Je ne m'en plains pas: je considère que les discours écrits par le cher Henri sont comme les coups de marteau sur la tête, ça n'est jamais si bon que lorsque ça s'arrête.

Image parue dans le Figaro.fr
dans un portfolio intitulé
Images exclusives de la caténaire de la peur.
Sic.


Ce qui a volé la vedette à ce discours patrioliticard, c'est bien sûr la re-mar-qua-ble opération menée par les services de madame Alliot-Marie dans l'affaire des sabotages et tentatives de sabotage des lignes du T.G.V.

Dès le ouiquende, on sentait que quelque chose se préparait. Après les perturbations du samedi, c'en était trop: madame Alliot-Marie fit les grozieux. Et des commentateurs bien intentionnés parlèrent de complicités internes et toussa-toussa, et l'on entendit les directions syndicales évoquer avec émotion la très longue tradition de respect du cheminot pour son outil de travail. Pour un peu, on allait rediffuser La Bête Humaine avec débat sur Arte, ou La Bataille du Rail avec danseuses semi-nues sur TF1...


Cheminot présumé innocent du siècle dernier.

On imagine le soulagement lorsqu'est tombée la nouvelle: " c'est eux, on les tient, c'est les anarcho-autonomes". Ouf!

Olivier Besancenot fit un excellent numéro de faux-cul dans le plus pur style du "c'est pas moi, ma'am", qui fut bien relayé par les médias.

La Fédération Anarchiste sauva l'honneur de l'extrême gauche dans un communiqué non repris dans les médias

Ce fut beau, trop beau, et le discours de Douaumont passa à la trappe médiatique. Avec une vingtaine d'interpellations et une dizaine de gardes à vue, se trouvait légitimée la vaste entreprise de flicage généralisé et individualisé mise en place depuis des années et singulièrement renforcée ces derniers temps.

Monsieur Sarkozy prit la peine de se montrer "réjoui des progrès rapides et prometteurs obtenus" par les enquêteurs.

Les spécialistes de la spécialité rebranchèrent leurs portables. Au cas où.

On vit émerger le concept décoiffant d'ultra-gauche, et radios et télés s'attachèrent les services de consultants en ultra-gauche.

La police judiciaire au travail, photo AFP/Thierry ZOCCOLAN
Les taches vert-jaune indiquent que la photo a été prise
par un héros de la presse à plat ventre derrière un buisson.


Quelques jours après ce triomphe de l'investigation de nos services de police, dix personnes sont encore en garde à vue, et les médias semblent attendre de nouvelles indications...

Cette attente se passe à remâcher des bribes d'information distribuées au compte-goutte par les "milieux proches de l'enquête".

Est d'abord exploité le thème de cette communauté vivant dans la clandestinité en tenant un café-restaurant-épicerie sur la place du village de Tarnac en Corrèze, où ils ont acheté une ferme dite "Le Goutailloux" en constituant une société civile immobilière. Les habitants du village les trouvent "gentils et polis", le maire déclare qu'il n'avait "pas de problèmes avec eux". Cependant, nous révèle 20minutes.fr:

D'autres villageois se déclaraient moins étonnés. «Cela faisait longtemps que je me disais qu'ils tramaient quelque chose, je savais qu'ils étaient anarchistes», a affirmé une habitante.

(On notera le très subtil passage du pluriel au singulier...)

On peut noter ensuite une accalmie relative dans la presse. Mais Le Figaro maintient le cap en nous livrant un portrait bien vinaigré de Julien C., présenté comme le meneur:

Présenté comme le «principal mis en cause» dans la campagne de sabotages ayant visé la SNCF, Julien C. n'a rien de la caricature du squatter alternatif ou du marginal hirsute. Au contraire, cet ultra de 34 ans aurait pu avoir une vie sociale parfaitement intégrée s'il n'en vomissait pas les règles. Se réclamant de l'héritage d'Action directe, des Brigades rouges italiennes et d'un esprit libertaire post-soixante-huitard assez paranoïaque, ce fils de cadre supérieur a confortablement grandi à Paris où il a suivi ses études jusqu'à intégrer l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Fasciné par le romantisme de la clandestinité, le jeune intellectuel, taiseux au téléphone, vivotait reclus dans une ferme communautaire de Tarnac (Corrèze). Un mode de vie altermondialiste, qu'il mettait volontiers entre parenthèses lorsqu'il revenait sur Paris. Il y dispose d'un coquet appartement dans le XXe arrondissement, qu'il partage avec sa compagne. Âgée de 26 ans, cette dernière y a été interpellée lors du coup de filet. Le petit-bourgeois en rupture de ban - mais roulant en Mercedes - est connu pour violences et dégradations.

Une dépêche AFP signale assez curieusement, en ce réfugiant derrière "une source judiciaire":

Contrairement à certaines interprétations en cours ces derniers jours, cette source judiciaire affirme que les dix personnes n'ont pas été interpellées dans le cadre de l'enquête de flagrance ouverte lundi après les dégradations mais dans celui d'une enquête préliminaire ouverte le 16 avril par le parquet antiterroriste.

Cette enquête vise "les activités d'un petit groupe de jeunes gens versant dans la contestation violente", notamment lors de manifestations à Vichy le 3 novembre ou à Thessalonique (Grèce) début septembre, a affirmé cette source.

Quand on aime les choses très claires, on est à la fête ! Car il ne faut pas comprendre que l'on ouvre une enquête préliminaire en avril sur des faits qui auront lieu en septembre et novembre. On n'en est pas là, mais ça viendra...

Passons sur que l'on impute aux présumés innocents que l'on garde à vue, cela balaye très large...

Voyons plutôt ce que l'on décrypte de tout ceci dans notre cher Liberation.fr.

Libé semble d'abord se soucier davantage de savoir si Ségolène Royal a envie, ou envie d'avoir envie... ce qui est passionnant quand on sait que de toute façon, cela se terminera au fond de l'isoloir, un peu à droite...

Mais, comme disait ma grand-mère, il faut se méfier du Libé qui dort, et aujourd'hui, avec une candeur étonnante, Liberation.fr passe les bornes de l'ignominie avec un article intitulé "Sabotages SNCF : le bréviaire anarchiste qui intéresse les enquêteurs", et signé C.B. L'article est illustré de la photo (prélevée sur le site de l'éditeur) d'un pêle-mêle d'ouvrages publiés aux éditions La Fabrique, dont, au dessus, le fameux "bréviaire" qui a pour titre L'insurrection qui vient et pour auteur Le Comité Invisible.

Quel peut bien être le but d'un tel article, monsieur Joffrin ?

Cet article est vide. Il se contente de copicoller quelques morceaux choisis du livre, ceux qui peuvent justement intéresser les enquêteurs... Mais que je sache, ils peuvent faire leur travail de lecture sans vous, monsieur Joffrin...

Volonté d'informer vos lecteurs... Mézalors, il faut faire une lecture complète et une recension sérieuse du livre... (On peut trouver une telle lecture, sérieuse et critique, par Lémi, sur Article XI.)

Je vais finir par croire que vous voulez surtout dénoncer les activités d'un éditeur trop indépendant à vos yeux...

Vous avez bien eu raison de prendre un pseudo, monsieur Joffrin.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

L'ultra gauche déraille titrait hier Libération pour ne pas être en retard d'un train, en reprenant en sous-titre la fameuse mouvance anarcho-autonome.
Un méga intox, en attendant !

Guy M. a dit…

Flûtalors, je voulais mettre ce titre-là pour le billet de demain, car demain on devrait inculper... ou alors, j'ai mal compté (toujours ces problèmes avec les chiffres).

Anonyme a dit…

Je vois que la moutarde nous est montée au nez à la lecture du même article. Une fois de plus d'une fois de plus d'une… ça ne m'étonne pas. :-)

N'empêche, j'aimerais bien savoir qui est ce C. B qui a signé un article tenant plus de la petite enquête de police que de la "recension sérieuse du livre". Une honte, purement et simplement.

Guy M. a dit…

Pis que la moutarde! J'ai bien failli souiller mon clavier de "taches de vin bleu et de vomissures"...

C.B. peut être, mettons, Charles Bovary, ou bien la petite, là, qui fait des piges de temps en temps chez eux, C***a B***i, non?

Anonyme a dit…

"C***a B***i, non?"

Ça doit être elle. C'est bon signe, ça veut dire qu'elle a enfin obtenu sa carte de presse…

(Merci pour le lien, camarade)

Anonyme a dit…

Désolé de vous décevoir, le gusse s'appelle Christophe Cornevin: http://bougnoulosophe.blogspot.com/2008/06/quoi-sert-lagent-cornevin.html

Anonyme a dit…

Bonjour.

Sympathique cette musique qui accompagne la lecture de votre article.

Je peux en savoir un peu plus,c'est pour me procurer le CD,le lien ne marche pas.

Merci.

Guy M. a dit…

@u charançon,
...de rien, de rien...

@ Nyut,
Grand merci pour le pour le lien qui donne un bon aperçu des talents de monsieur C.C. Mais est-ce bien lui ?

@ Eutrope,
Encore un lien Deezer qui tombe dans le vide...

"Trains", d'après Deezer, figurerait sur deux disques "15 août, c'est l'autoroute!" et "Le Voyage et l'Exil...", dont je n'ai jamais vu la couleur et qui m'ont l'air de compilations...

Une voie de recherche possible: le site personnel de Jean-Jacques Milteau qui comporte peut-être une discographie complète...

echomedia a dit…

je lis que le groupe était "filé" depuis des mois .
Quelques marionettes ? qui tirait les fils ?
c'est du Minority report!
ça ressemble aussi à
Un nomme Jeudi de Chesterton

Guy M. a dit…

Nous sommes tous filés depuis longtemps... mais c'est un autre problème.