Hier soir, j'ai eu l'heureuse surprise de recevoir la visité inopinée d'un vendeur de quatrelles.
Ce charmant jeune homme entre deux âges, un peu baratineur mais présentant bien (costard sombre de bonne coupe, cravate assortie aux chaussettes mais pas à la chemise), vient me voir sans espoir depuis plus de dix ans, et je l'écoute avec toute l'attention qu'il mérite, en affichant mon célèbre sourire "causaliste" (qu'il faut interpréter en "cause toujours, tu m'intéresses").
J'ai pu hier apprécier la qualité de son professionnalisme. M'ayant d'abord mal situé sur son profiloscope, il me vanta les mérites d'une quatrelle grand espace pour papy soucieux du confort de ses petits-enfants (qu'il faut sans cesse trimballer pendant que les parents travaillent comme des gongs ou s'éclatent comme des bêtes). Je le détrompai, et il me livra alors l'argumentaire imparable concernant le modèle idéal pour préretraité sans descendance féconde, un modèle de quatrelle en forme de sextoy pour autobus, d'une urbanité parfaite et durable.
Bien sûr, comme tous les ans, j'ai mis en délibéré à l'année prochaine ma décision définitive.
Après un tel début de soirée, j'ai préféré échapper à une nouvelle séance de baratin professionnel.
Je n'ai donc pas vu le passage de monsieur Nicolas Sarkozy sur la première chaîne de télévision, et les échos que j'ai pu en avoir ne me l'ont pas fait regretter.
Comme j'avais envie de quelque chose de plus stimulant, de plus dense, et surtout de plus intelligent, je n'ai pas trouvé mieux que de commencer un livre reçu il y a peu, et qui doit maintenant se trouver dans (toutes) les bonnes librairies.
Il s'agit de La philosophie et l'événement, d'Alain Badiou avec Fabien Tarby, publié aux éditions Germina (diffusion PUF), dans la collection "Les clés de la philo".
Dans un billet pathétique, j'avais confessé, sans excès de fausse modestie, que ma vie avait surtout été marquée par le ratage complet de ma rencontre avec l'œuvre d'Alain Badiou et j'avais révélé à la blogosphère mon intention de consacrer les cinq premières années de ma retraite à l'étude sérieuse des écrits philosophiques d'Alain Badiou.
Et voyez comme le monde est bien fait: Jean Tellez, qui dirige les éditions Germina, m'a évidemment entendu et en a profité pour publier ce livre qui est une introduction tout à fait accessible à la pensée de Badiou.
Il s'agit de la transcription d'entretiens avec Alain Badiou, menés par Fabien Tarby, professeur de philosophie et écrivain, qui a déjà publié, entre autres, La philosophie d'Alain Badiou (L'Harmattan, 2005).
Nos deux enseignants de philosophie, tous hommes de parole, se montrent particulièrement soucieux d'être entendus et, si leurs échanges sont denses, ils n'en demeurent pas moins d'une parfaite clarté pour le lecteur. J'ai noté, avec soulagement, que le meneur de jeu Fabien Tarby posait, ici ou là, la question qu'un auditeur aussi béotien que moi aurait hésité à poser. Cette manière de conduire le dialogue, en tenant compte de l'auditeur absent, le futur lecteur, est une des réussites de ce livre.
L'ouvrage est articulé en cinq parties, les quatre "conditions" (au sens de Badiou) de la philosophie et, en dernière partie, la philosophie. De ces quatre conditions badiousiennes, la politique, l'amour, l'art et les sciences, nous devons bien admettre que nous avons tous plus ou moins quelques vagues notions... En les réexaminant devant nous, nos deux interlocuteurs avancent en direction de la construction de la philosophie d'Alain Badiou, dont un aperçu plus large est donné dans la dernière partie (ainsi que dans l'annexe Courte introduction à la philosophie d'Alain Badiou, rédigée par Fabien Tarby).
Au total, ce dialogue, bien mené, et suivant ce parcours, me semble une excellente introduction à mes futures lectures.
Je commence bientôt.
Je vous tiendrai au courant. Parole !
PS: Fabien Tarby tient un blogue et anime une revue numérique de philosophie.
Enfin sur le site alainbadiou.fr sont annoncées, pour les 23-24 octobre 2010, des journées Alain Badiou, organisées par les éditions Germina.
7 commentaires:
Ce n'est pas dans Sud-Ouest (le commentaire) :
http://luciea.canalblog.com/archives/2010/01/27/16685774.html#comments
Et autre info dont je ne peux hélas pas parler pour l'instant.
Mais... ça dérive, ça dérive.
La dérive devient une routine au pays du petit timonier...
"Dans un billet pathétique"
Je proteste : il n'était pas pathétique. A preuve : j'avais sauté sur cette occasion d'avouer combien je partageais certaines des difficultés que tu décrivais. Bref, je me sentais moins seul…
Et paf, je découvre que tu te lances en loucedé dans une audacieuse et ambitieuse lecture de l'oeuvre de Badiou. C'est un scandale !
Audacieux, oui, mais pas si scandaleux.
"Et voyez comme le monde est bien fait..."
Certes. Enfin, disons plutôt qu'aidé par votre écriture, votre finesse et votre humour, je finirais presque par trouver le monde mieux fabriqué qu'il ne l'est pas (fabriqué).
Tiens, puisque je le découvre à l'instant, un autre qui enjolive le monde à sa manière:
http://www.blublu.org/sito/updates/updates.htm
c'est surtout la vidéo qui est là http://www.blublu.org/sito/video/muto.htm qui'il ne faut pas louper...
Merci pour le lien.
Quant à embellir le monde, j'y ai renoncé depuis des lustres, me résignant à ne pas trop l'enlaidir par ma présence.
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