Avant d'entrer dans le coma, Michaël Blaise n'a sans doute pas eu le loisir de se rendre compte qu'il était bel et bien dans les mains de grands professionnels: quatre vigiles de grande surface.
Mais on ne saurait penser à tout, surtout avant de mourir à 25 ans, la cage thoracique écrasée sur une table, pour avoir voulu chaparder une canette de bière dans les rayons d'un supermarché Carrefour, vers 18h, lundi soir.
C'est maître Metaxas, grand professionnel du barreau et avocat de deux des quatre molossoïdes mis en examen, qui a insisté pour nous faire savoir que "les trois vigiles et leur manager, tous placés en garde à vue mardi midi, estiment être intervenus "de façon professionnelle, ce qui est confirmé par les enregistrements sonores du local de rétention"."
C'était le Carrefour Lyon Part-Dieu.
L'histoire de la mort de Michaël Blaise nous a été relatée par de grand professionnels de l'information qui ont pris un soin tout particulier à ne rien vérifier et à ne rien recouper.
La première version est celle que donne Yannick Vely, dans son article de Parismatch.com, d'après le premier article du Progrès (30/12/09, maintenant aux archives):
Lundi 18h30 : un jeune individu sans domiciliation connue erre dans les rayons de la grande surface. Selon la direction du magasin, citée par le journal régional, il «volait et détériorait des marchandises». Michaël est donc appréhendé par trois agents de sécurité. Nerveux selon des témoins, il est immédiatement amené dans la salle de contrôle de Carrefour. Le scénario morbide s’emballe. Selon les premiers éléments de l’enquête, l’homme s’oppose aux agents de sécurité et se débat alors que l’on tente de l’immobiliser au sol. Pris d’un malaise, il reste inconscient quand il est replacé sur sa chaise. Le manager de la société de surveillance tente un premier massage cardiaque sans effet. Les pompiers et les services de secours l’imitent. Dans un état critique à son arrivée à l’hôpital, il est déclaré mort hier en début d’après-midi. Une autopsie sera pratiquée.
Une seconde version est donnée le lendemain (31/12/09), dans le même magazine, par Marie Desnos qui l'introduit ainsi:
Si les agents de sécurité rejetaient hier toute responsabilité dans le malaise qui a apparemment coûté la vie à Michaël Blaise, leur rôle pourrait s’avérer plus déterminant que prévu. Leur version des faits ne diverge pourtant pas beaucoup de celle qu’ont révélée l’autopsie et les enregistrements vidéo. Mais parfois un détail qui pourrait paraître anodin peut s’avérer fatal.
Et poursuit:
(...) Lundi, 18h15. Surpris en train de voler une bouteille de bière, Michaël Blaise est appréhendé par les vigiles, qui l’emmènent dans la salle de contrôle du Carrefour. Il fait preuve de résistance, se débat. Il est alors immobilisé, non pas sur le sol comme cela avait été indiqué dans un premier temps, mais sur une table. Un détail qui lui a probablement coûté la vie. Compressé sur cette table durant une dizaine de minutes, selon les premiers éléments de l’enquête, la cage thoracique aurait en effet subi une pression beaucoup trop forte par rapport à ce qu’elle peut supporter…
On peut noter que, le même jour, on trouve dans La Boussole 74* (?):
Selon le visionnage de la caméra de vidéosurveillance, les quatre vigiles ont maintenu le jeune homme au sol durant plus de dix minutes.
Des journalistes plus sérieux (quand même !) reproduiront les propos d'un homme qui, lui, a véritablement vu, et attentivement, cet enregistrement vidéo de ce qui s'est passé dans la prétendue "salle de contrôle" du magasin Carrefour. Il s'agit de monsieur Jean-Pierre Dages-Desgranges, procureur adjoint de la République de Lyon.
«Trois hommes lui ont appuyé sur le dos en lui maintenant les jambes écartées. L’un d’eux est pratiquement allongé sur son dos à tel point que la victime, qui est à moitié allongée sur une table [une table haute façon comptoir, ndlr], a les pieds qui ne touchent plus terre. La scène dure une quinzaine de minutes. D’abord la victime se plaint, elle crie, puis les cris s’estompent jusqu’à devenir des espèces de râles, puis plus rien du tout. Mais la pression continue.» Le corps de Michaël Blaise est totalement inerte, mais les agents de sécurité ne lâchent pas. «Durant encore six minutes», précise le procureur. Six minutes fatales qui «rendront impossible toute tentative de réanimation». (Propos retranscrits par Alice Géraud**, pour LibéLyon.)
Hier après-midi, une manifestation s'est tenue à Lyon.
En voici la relation, que l'on trouvera intégralement sur Rebellyon:
Samedi après-midi, 30 personnes se rassemblent devant l’entrée du Carrefour Part-Dieu, là où Michael Blaise a été assassiné lundi…
Elles distribuent des tracts que tout le monde prend volontiers. La sympathie pour le rassemblement est unanime, beaucoup remercient. Certain.e.s étaient sympathisant.e.s en colère, d’autres la larme à l’œil. Un attroupement se forme rapidement, les gens discutent.
(...)
En quelques minutes les flics de la Part-Dieu rappliquent, intimant l’ordre de cesser de distribuer des tracts. Finalement ils laissent faire et vont discuter avec les chefs du supermarché. Quand il n’y a plus de tracts, le groupe s’en va, criant « Carrefour, Assassin ! », « Un mort, Deux morts, Trois morts, Avec Carrefour je Positive ! » et « Tabassé, Etranglé, Etouffé, Assassiné ! ». Il se dirige vers l’entrée de la galerie marchande, côté tram, où Michael traînait souvent. Là, des slogans sont lancés au mégaphone, de nombreuses personnes s’arrêtent, s’attroupent, discutent.
En 5 minutes ce sont 5 estafettes de flics qui déboulent, auxquelles s’ajouteront rapidement 4 camions de CRS, sans compter la BAC en nombre dans l’entrée de la galerie marchande, alors même qu’il n’y a plus qu’une dizaine de personnes… (...)
Avec les vigiles, ça s'est donc terminé en rassemblement de professionnels.
* Si vous allez sur le site de cette fameuse Boussole désorientée, voyez le premier commentaire... Et puis revenez vite, les vôtres ont plus de tenue...
** Il faut aussi signaler qu'Alice Géraud est une des rares journalistes à tenter de corriger le(s) portrait(s) que la presse a donné(s) de la personnalité de Michaël Blaise:
Jeudi, alors que le parquet révélait la réalité de ce qui s’était passé dans la salle de contrôle du magasin Carrefour, la famille et les proches de Michaël Blaise venaient expliquer à la presse qui il était. Ni SDF, ni marginal, selon eux. D’origine guadeloupéenne, il vivait à Lyon où il logeait en foyer. Il avait été suivi en psychiatrie après le décès de son père il y a quelques années et avait dû être placé sous tutelle. Mais il avait une famille, des amis, une petite copine. Avec qui il avait le projet de prendre un appartement. Il voulait suivre une formation de cuisinier.
Ses collègues continuent de parler d'un "marginal"...
En effet, tout le monde ne peut pas être vigile professionnel.
5 commentaires:
merdalors... avant hier, tu nous annonçais que fraternité devait être le mot de l'année 2010 et voilà que tu nous apprend qu'une bonne empoignade fraternelle peut tourner au drame
c'est vraiment con !
comme un vigile
Le rassemblement fraternel, c'était hier, après la manif.
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c'était donc pas fraternel les embrassades de vigiles ?
rien à voir avec les embrassades footballistiques ou réveillonesques donc…
sinon, je t'ai trouvé ce joli dessin qui devrait te plaire sur le sujet :
http://large.canalblog.com/archives/2010/01/02/16355967.html
@ Anonyme,
Thank you.
You know what ? I'm happy.
(Je sens que je suis "dans une logique de progression à l'international"...)
@ JR,
C'est con-fraternel, des fois...
Le dessin a été refusé pour la nouvelle campagne de pub Carrefour. Trop coûteux.
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