En apprenant la mort d'Eric Rohmer, hier soir, j'ai plongé.
J'ai plongé dans cette indéracinable nostalgie des jours-anciens-et-je-pleure, où nous risquons parfois de nous noyer, nous autres, les grands sensibles post-soixante-huitards. Je viens à peine d'en émerger, c'est dire !
Car il ne fait aucun doute qu'une grand part de notre imaginaire érotico-sentimental a été modelé par les premiers films d'Eric Rohmer.
(Mais pas seulement, heureusement !)
Lorsqu'à la fin d'une de ces réunions informelles où nous refaisions brillamment le monde, mais sans prendre de notes, la discussion, sans perdre sa haute qualité intellectuelle, abordait le champ des arts et des lettres, un domaine où mon esprit étincelait de tous ses feux, il arrivait trop souvent, à mon goût, qu'un cinéphile allumé se la ramène en nous servant une exégèse de Ma nuit chez Maud ou (pire!) du Genou de Claire.
Cela me faisait le même effet que l'arrivée d'un boutonneux à guitare se la jouant à la Segovia sur le thème principal de Jeux interdits, à la fin d'une petite sauterie bien partie pour se terminer en échanges plus approfondis.
Car j'avais le cinéma d'Eric Rohmer en horreur, et ne pouvais qu'en dire tout le mal que j'en pensais.
Ce qui me donnait une fâcheuse image de bonnet de nuit, face aux "jeunes filles" au bord de la pâmoison...
Il me serait maintenant bien difficile de retrouver toutes les raisons qui me faisaient détester le cinéma de Rohmer. Pour cela, il faudrait que j'aille le revoir, mais puisque je le détestais, je ne crois pas indispensable de m'imposer ce pensum.
Je crois qu'au fond ce cinéma bavard m'ennuyait tellement que j'étais prêt à lui trouver tous les défauts.
Et le fait qu'Eric Rohmer ait découvert l'intarissable raseur qu'est devenu Fabrice Luchini ne m'incite pas à lui dire merci...
Monsieur Nicolas Sarkozy a signé, ainsi qu'il se doit, un de ces inévitables communiqués nécrologiques, où il "salue la mémoire d’Éric ROHMER, grand auteur de cinéma, disparu aujourd’hui".
Éric ROHMER a été à l’origine des cahiers du cinéma et de l’aventure de la «nouvelle vague», pourtant son cinéma est resté singulier, unique, il tenait de la littérature, il tenait de la peinture, il tenait du théâtre et de la musique.
A croire que pour le président, ou sa plume, le cinéma de Rohmer avait quelque chose de l'art total rêvé par l'opéra wagnérien...
Détrompons-le: ce que voulait créer Eric Rohmer, c'était bien une œuvre cinématographique.
Et il l'a fait, avec la légèreté qui lui convenait, et qu'on lui souhaite, sans rancune aucune, pour ce qui fut, hier matin, son dernier envol.
11 commentaires:
Ça, c'est de la nécro !
Mais quand même : tu n'as pas honte ? Salir la mémoire d'un "grand auteur de cinéma, disparu aujourd'hui" ?
(Bon, j'avoue, j'ai jamais réussi à terminer un film de Rohmer. Mais je suis très loin d'être une référence en matière cinématogrphique)
Ah ben, je vois qu'il n'y a pas que moi que ça soulage, cette nécro polie, mais pas emphatique :-)
(Moi aussi, je m'ennuie à mourir devant un film de Rohmer...)
Bises !
Idem !
Je le croyais mort. J'ai honte !
@ JBB,
Honte ? Non, je ne salis pas sa mémoire, et ne garde pas de rancune, alors que j'ai beaucoup souffert, dans ma vie sentimentale, à cause de ses films.
@ Flo Py,
"nécro polie", c'est le mot !
(Tu vois bien, JBB...)
Bises.
@ Lucide,
Non, il était "presque" mort, seulement.
(Je me demande si je ne vais pas lancer un groupe FaceBook de victimes des films de Rohmer...)
Euh... moi pareil... j'attendais lâchement que quatre personnes le disent avant moi...
Rohmer (et Duras) : pipi, les dents, la prière et au lit.
Et après deux ou trois jours de nécro, Rohmer aura fini de nous emmerder…
...à chercher où on doit placer le h de son nom...
@ pièce détachée,
Résumé expéditif... mais si juste.
(Tu as raison d'ajouter Duras, on ne parle plus assez de Duras.)
@ JR,
Il doit bien y avoir un "portrait" où on explique le pourquoi de son pseudo, mais j'ai la flemme de chercher.
Ah non tu ne vas pas nous faire une nécro, même polie, sur Duras !
Alors, je corrige: on ne dit plus assez de mal de Duras.
(C'est vrai, j'ai été un peu elliptique.)
:-D Ah ! c'est beau, ce cri du cœur ! "Non, pitié, Guy M. ! Ne ressors pas Duras du placard !"
Ça rappelle Desproges : "Duras qui n'a pas écrit que des conneries, elle en a filmées aussi" (je la fais de tête, hein)
Bises et bonne soirée !
Même fait de tête, Desproges c'est une tête, et quelle !
Bises et bonne soirée, itou.
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