mercredi 9 février 2011

Menaces sur le Lycée Autogéré de Paris

Comme je suis, à mes moments perdu, un provincial enraciné, en achetant Le Monde, je me paye une tranche de nouvelles pas fraîches, mais pourtant datées du jour. Et parfois, un supplément intemporel.

Aujourd'hui, c'était Le Monde Éducation, qui me promettait, certes, "Actualité Enjeux Débats Innovation Orientation", mais surtout un dossier sur la redécouverte très mode de ce "remède miracle" que constituerait l'internat, "des classes préparatoires à l'école primaire" - et on a (encore !) oublié la maternelle.

Ce dossier vous donnera tous les éléments pour illustrer vos propos si le sujet se trouve mis en discussion aux abords de la machine à café de votre entreprise.

On n'y a (évidemment) pas oublié de parler des fausses "nouveautés" de la moderne ère sarkozienne. Les établissements de réinsertion scolaire sont présentés grâce à un reportage en immersion avec les trois pensionnaires de Port-Bail (Manche). Et les internats d'excellence donnent lieu à un reportage un peu moins trépidant auprès de l'équipe d'encadrement de Sourdun (Seine-et-Marne).

Les grands classiques historiques sont présents avec une évocation de l'histoire de l'internat, et deux publi-reportages, l'un sur l'internat du lycée Saint-Louis, à Paris, et le second sur un internat tenu par les bons pères, à Reims.

En sortant la tête de ce dossier, les aventuriers de la pensée critique pourront se récompenser en lisant, en dernière page de cet encart, une "rencontre" avec un des pionniers de ce domaine, monsieur Jean-Pierre Raffarin. Le compte-rendu de cet entretien est intitulé, sans rire, "La France dispose d'atouts dans la bataille de l'intelligence". Je ne sais si monsieur Raffarin se place dans les "atouts"...

Vous aurez compris que, dans ce supplément, on ne s'intéresse qu'à la réflexion pédagogique innovante et de haut vol. Vous n'y trouverez donc aucune information sur la réduction drastique des moyens dans l'Éducation Nationale, et sur les suppressions de postes subséquentes.

Rien non plus, par conséquent, sur la journée d'action organisée demain, 10 février, par les syndicats.

Sauf peut-être à la rubrique des faits divers, sous rubrique mammouths écrasés.

Activité pédagogique du mercredi,
un mammouth à colorier !
(Merci jecolorie.com)

Et c'est probablement dans le célèbre Carnet du Monde qu'on annoncera la disparition du Lycée Autogéré de Paris (LAP) si la politique gestionnaire du Ministère de l'Éducation Nationale parvient à l'étouffer.

Il y a deux jours, était lancée cette alerte :

Le Lycée Autogéré de Paris est un établissement public expérimental crée en 1982. Le lycée fonctionne en autogestion, avec l’action concertée des élèves et des membres de l’équipe éducative. La collectivité se partage les activités de gestion, les tâches administratives et l’entretien des locaux. Les instances décisionnelles sont composées d’élèves et de professeurs qui contribuent à la vie démocratique du lycée. Les apprentissages se font dans le cadre de cours, de projets et d’ateliers, souvent en interdisciplinarité avec un binôme enseignant. Depuis sa création, 2500 élèves ont partagé cette expérience différente de l’école.

Problème ! Notre établissement a reçu sa Dotation Horaire Globale pour l’année scolaire 2011-2012 ; de 500 heures attribuées en 2010, nous passons à 408 heures, soit une baisse de 20 %. Cette baisse entraîne la suppression de 5 postes d’enseignants sur les 25 actuels. Pour nous cela signifie purement et simplement la fermeture définitive de notre établissement.


Cette alerte était accompagnée d'un appel à pétition, auquel vous pourrez répondre en cliquant sur l'image :


Aujourd'hui, une dépêche de l'AFP reprend cette information, en l'accompagnant de l'exposé du point de vue très comptable du rectorat de Paris :

Au rec­to­rat de Paris, on recon­naît que la baisse de la dota­tion horaire (DHG) et celle du nombre de postes sont bien pré­vues pour la ren­trée pro­chaine, mais sans remettre en cause l’existence du lycée.

"Certes, comme tous les établis­se­ments, on demande au Lycée auto­géré de par­ti­ci­per à un effort natio­nal de ges­tion res­ser­rée, mais on ne met pas du tout en péril son exis­tence, il gar­dera trois classes à chaque niveau, seconde, pre­mière et ter­mi­nale", a expli­qué à l’AFP Philippe Fatras, ins­pec­teur d’académie chargé du second degré à Paris.

Selon le rec­to­rat, la DHG du lycée n’avait pas cessé d’augmenter ces der­nières années et les pré­vi­sions font état d’une baisse du nombre d’élèves (204) à la ren­trée 2011. De telle sorte que, mal­gré la baisse de DHG pré­vue, le "taux d’attribution" (nombre d’heures/nombre d’élèves) du Lycée auto­géré sera de 2, contre 1,42 en moyenne dans les lycées parisiens.

Et monsieur Fatras de souligner que le LAP sera encore "plus doté que n’importe quel lycée géné­ral de Paris", en espérant sans doute que l'opinion va tirer à bout portant sur ces râleurs privilégiés.

Le LAP a répondu par le texte suivant, que je relaye in extenso en essayant de respecter la mise en page :

Communiqué

« Jamais l’Etat n’aura autant investi » ?

Il paraît bien loin le temps où le Ministère de l'Éducation Nationale justifiait les suppressions de postes par des baisses démographiques ou par un taux d’encadrement supérieur en 2010 à celui de 1990. Et pourtant, il aura fallu moins d’une année scolaire pour que s’effondre l’argument selon lequel un changement « d’organisation et d’efficacité du système » permettrait une diminution des moyens en douceur.

Désormais, le Rectorat de Paris propose de réduire brutalement certaines DHG au nom d’un « effort national de gestion resserrée ». L’annonce de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite devient l’emblème d’une politique obstinée, aveugle des conséquences humaines et méprisante de l’intérêt général.

Les chiffres du Rectorat de Paris

Frédéric Fatras, inspecteur d’académie, confirme la proposition de baisser la DHG du Lycée Autogéré de Paris (LAP) de près de 20% à la rentrée 2011. Selon lui, ce serait justifié par une DHG en hausse depuis des années et des prévisions d’effectif en baisse.

Précisons :

- Le nombre de postes d’enseignement attribué au LAP entre 1996 et 2008 est resté de 24,5. En septembre 2008, lors d’une rencontre avec le directeur d’Académie Monsieur Michel Soussan, nous évoquions les difficultés à travailler à mi-temps dans une expérience telle que le LAP où le temps de présence hebdomadaire des enseignants est de 25 heures. En réponse à nos besoins, le nombre de postes à été porté à 25, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Ainsi, au cours des 15 dernières années, le Rectorat n’a décidé qu’une fois d’augmenter notre DHG.

- Le rectorat prévoit 204 élèves au LAP à la rentrée 2011. Pourtant, dans la proposition qu’il nous a transmis il est question de 230 élèves. De plus, nous avons communiqué aux services académiques qu’entre 240 et 250 élèves seraient inscrits au Lycée pour cette même rentrée. Ce procédé d’estimation hasardeux est-il déployé nationalement ? De surcroît, chaque année des centaines d’élèves en rupture avec le système scolaire s’adressent au LAP avec l’espoir de trouver une place dans l'École. Alors qu’il manque sérieusement de structures pour accueillir tous ces jeunes, comment peut-on justifier de marginaliser encore plus celles qui existent ?

Éducation en péril

Le Rectorat de Paris conclut que le LAP peut continuer d’exister avec près de 20 % de postes en moins. Mais qu’envisage-t-il pour supprimer près de 100 heures ? Prendre sur les activités des groupes pédagogiques correspondrait à la suppression de deux des trois filières proposées au LAP, prendre sur les heures d’atelier, de projet, de gestion correspondrait à une baisse de plus de 30 % qui rendrait impossible notre fonctionnement spécifique pédagogique et autogestionnaire.

Nous pensons que l'École ne doit pas être méprisée au nom de la rigueur économique.

Nous revendiquons le maintien de la DHG nécessaire aux 25 postes enseignants du Lycée Autogéré de Paris.

Les membres du Lycée Autogéré de Paris, le 9/02/2011

On peut espérer que cette revendication prenne de l'ampleur.

Ce soir doit se tenir au LAP, 393 rue de Vaugirard, dans le XVe, une assemblée générale d'information.

Et l'on annonce que :

Un rassemblement pacifique et déterminé aura lieu devant le rectorat vendredi 11 février 2011 à 17 h. RDV au 94 avenue Gambetta, 20ème arr.

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