jeudi 2 décembre 2010

La dictature nouvelle est arrivée

Je me faisais un plaisir de pouvoir lire bien tranquillement au coin du feu l'article placé en tête de gondole de ce "Libé des philosophes" acheté ce matin. Son titre, WikiLeaks : la dictature de la transparence, et sa signataire, madame Élisabeth Roudinesco, historienne, directrice de recherches à l’université de Paris-VII (GHSS), me laissaient espérer une sorte d'orgasme intellectuel ineffable.

Las ! il me fallut déchanter.

Grave.

Apparemment, je suis arrivé un peu tard. Car il m'a semblé que la question de "la dictature de la transparence" avait été réglée depuis longtemps par notre historienne qui assène comme une transparente évidence: l'exigence de la transparence de l'information est une exigence dictatoriale. Point.

Elémentaire, mon cher lecteur !

Ceci étant, madame Roudinesco arrive à remplir son contrat, qui devait être fixé à deux petites colonnes, sans aucunement s'essoufler, mais sans analyser quoi que ce soit non plus.

Plutôt que de préciser, pour les ignares campagnards de mon genre, ce qu'est, pour un(e) intellectuel(le) parisien(ne), cette "question de la transparence" qui, selon elle, se trouve "une fois de plus" posée, madame Roudinesco commence en exprimant, de diverses manières, son agacement devant ce "déballage" orchestré par des "pirates surdoués" se prenant pour "les nouveaux Robin des bois". Elle nous fait part de ce qu'elle a retenu de "l'idée fixe de cet étrange hacker australien - Julian Assange -, qui se croit un bienfaiteur de l'humanité alors même qu'il est pourchassé - peut-être à tort - par la justice suédoise dans le cadre d'une enquête pour suspicion de viol et d'agression sexuelle". On devine quelle valeur peut avoir une "idée fixe" d'un tel individu... Et madame Roudinesco de citer le "Il est mon fils et je l'aime" de la mère de Julian Assange, afin de pouvoir dire qu'il "a pu occuper sur la Toile tantôt la place d'un héros planétaire et tantôt celle d'un suspect adoré de sa maman".

Elle nous montre ainsi, pour notre plus grande satisfaction, qu'elle pratique en virtuose la méthode dichotomique des grands maîtres anciens...

"Libé des philosophes" oblige.

On pourrait croire que notre philosophe du jeudi revient un peu à son sujet lorsqu'elle évoque l'apparition de "dissidents" dans le groupe des "nouveaux Robin des bois". Mais, comme ceux-ci reprochent à Assange son "manque de transparence", madame Roudinesco ne peut éviter d'introduire la très brillante et très inattendue fable de l'arroseur arrosé.

On ne s'en lasse pas...
(A gauche, on reconnaît Julian Assange, dictateur,
à droite, Herbert Snorrason, dissident.)

Ces "dissidents" posent des exigences de transparence plus strictes que celles de Julian Assange, qui avait trouvé, pour l'actuelle publication, une sorte d'aimable agrément de gentils hommes, comme le rappelle madame Roudinesco en utilisant une transparente terminologie :

La décision de déballer telle ou telle archive plutôt que telle autre a fait l'objet, on le sait, d'une négociation : entre les pirates et la presse, puis entre celle-ci et les gouvernants. Dans cette partie à trois, les premiers sont des voleurs d'archives, les seconds imposent une sélection au nom d'une déontologie qui leur est propre et les troisièmes négocient avec les seconds pour rester maîtres d'un événement qu'ils ne contrôlent pas.

De quoi regretter les bonnes manière de Julian Assange, le dictateur détrôné...

Mais dictateur quand même, madame Roudinesco n'en démordra pas. Elle tient son filon.

Pour terminer son bavardage, notre auteure lance comme un appel:

(...) pour rétablir l'équilibre entre la nécessité d'un secret, sans quoi aucun État de droit ne saurait exister, et la nécessité d'une certaine rigueur de l'information, il faudra bien trouver une parade à la sottise infantile des nouveaux dictateurs de la transparence.

Je relis, mais je n'arrive pas à concevoir la nécessité de cette manière d'axiome:

"la nécessité d'un secret, sans quoi aucun État de droit ne saurait exister"

Ça doit être de la philosophie, ça...

J'espère bien que madame Roudinesco, pour qui ça a l'air si élémentaire, reviendra dans un prochain "Libé des intellos parisiens" nous expliquer cette affirmation.

5 commentaires:

emcee a dit…

Je n'ai peut-être pas tout compris, mais je trouve cette phobie de la transparence fort curieuse de la part d'une historienne, directrice de recherches, qui plus est.

Enfin, je dis ça ...

Guy M. a dit…

Notre historienne semble fort bien s'accommoder des délais fixés pour l'ouverture des archives aux chercheurs...

Mais elle est aussi psychanalyste, et cela la conduit peut-être à apprécier que l'on garde un bon petit cadavre au frais dans un placard.

Enfin, moi aussi, je dis ça...

Marianne a dit…

Ces révélations sont si mportantes qu'elles ont réussi à faire " écrire sur le sujet " des intellectuels et autres personnages éminents dont vous ?
Nous avons tous des cadavres au frais .Les exactions sont à dénoncer mais le reste n'est même pas au niveau de la pire feuille de chou.

celeste a dit…

Merci pour cette analyse!

on retrouve chez Madame Roudinesco, la morgue prétentieuse qui caractérise, hélas si bien, ces intellos français qui campent depuis des lustres dans les médias!

Qu'ils se taisent ces has been qui ne comprennent plus rien, ou presque, qui radotent et ne veulent pas lâcher le crachoir!
Qu'ils laissent s'exprimer de jeunes auteurs, de jeunes philosophes!
Il y en a!

Guy M. a dit…

@ Marianne,

Les fuites précédentes montraient bien que les placards n'étaient pas assez vastes pour conserver tous les cadavres.

@ celeste,

... de rien, tu es trop bonne...

Sinon, tout à fait d'accord pour souhaiter que les "jeunes philosophes" (qu'ils aient 20 ou 80 ans) viennent nous entretenir de vraie pensée...