mercredi 22 décembre 2010

Le droit aux images de soi

Grand spécialiste des titres à la précision douteuse, le quotidien Libération annonçait sur son site, dans la soirée de lundi :

Un site «anti-flics» dans le viseur de la police

Il fallait comprendre que "la police" désignait "Alliance, le second syndicat de gardiens de la paix" dont un tract fort coloré, auquel ne manquait que les gyrophares et les avertisseurs sonores, venait d'être repris par l'AFP.

Également disponible en pdf.

Passons sur le fait que personne, à l'AFP et à Libé, n'a, semble-t-il, eu l'idée de se rendre, d'un clic ou deux, sur le "site en question", et surtout sur la page incriminée. Car de "site «anti-flics»" il n'y a pas, mais une page, sur un site d'information libre, annonçant une opération de copwatching à la française. L'article est rédigé en des termes que l'on peut trouver matamoresques, et calamiteusement orthographié - mais pas plus mal que certaine procès-verbaux. Il est illustré de photographies d'individus que l'on nous présente comme des policiers en civil, assaisonnées de commentaires souvent peu amènes - mais pas moins que certaines injonctions que j'ai eu à attendre pour m'être trouvé sur leur trajectoire.

Admettons que tout cela ait fait beaucoup de peine aux gardiens de la paix encartés à "Alliance, LE syndicat"...

Du coup, ils en appellent à toute leur hiérarchie :

Alliance en appelle au ministre de l’Intérieur et au préfet de police afin que la justice soit saisie et que de tels sites soient fermés et leurs administrateurs poursuivis !

Alliance réitère au ministre de l’Intérieur sa demande de création d’un service spécialisé dans la lutte contre cette forme de délinquance, dont le seul but est de déshonorer et de discréditer les hommes et les femmes de la police et de la gendarmerie nationales!


Le lendemain, on pouvait apprendre que le syndicat avait envoyé une lettre à monsieur Brice Hortefeux, afin de lui demander "un geste fort".

Comme si monsieur Hortefeux était capable d'un geste faible...

Il se trouve que l'AFP a "eu connaissance" de ce "courrier", en a fait une dépêche, et cette dépêche a elle-même fait l'objet d'un nouveau tract-affichette, d'une mise en page plus sobre que le précèdent, et renforcé du logo de l'AFP.

Lui aussi est disponible en pdf.

Au cas où le ministre n'aurait pas encore compris, l'affichette se termine par :

Alliance suggère que, "à l'instar de certains services de police, spécialisés dans la lutte contre la cybercriminalité", soit "envisagée la possibilité de mettre en œuvre un service spécifique chargé de lutter contre toutes formes d'atteintes à l'image de notre institution comme de celle des policiers et des gendarmes".

Que la publication de photographies de "collègues", au repos ou en action, puisse être vue comme une " forme d'atteinte à l'image de notre institution comme de celle des policiers et des gendarmes" dit assez quelle piètre image de soi peut avoir chacun de nos gardiens de la paix...

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