S'ils y songent, les experts en communication nous expliqueront un jour par quelle opération de langage un convoi maritime d'aide humanitaire destinée aux populations gazaouies, que ses organisateurs ont nommé Freedom Gaza Flotilla, est devenu une flottille de militants (ou d'activistes) appartenant à des organisations pro-palestiniennes, voulant "forcer" le blocus de Gaza.
On entend comme un glissement...
Et on se prépare à en entendre de vertes et de pas mûres.
Gaza, en attente de l'aide humanitaire.
Déployés, les drapeaux des pays des volontaires.
(Photo: La Presse canadienne.)
Déployés, les drapeaux des pays des volontaires.
(Photo: La Presse canadienne.)
Dès l'annonce de la boucherie à laquelle s'était livrée au petit jour les commandos de l'armée israélienne, monsieur Frédéric Lefebvre nous invitait à la plus grande prudence pour juger de la situation. Comme il avait dû, pour ne pas oublier, coller un petit crocodile sur son pense-bête, il admettait:
"A partir du moment où il y a des morts, on ne peut que le regretter."
Mais, ceci fait, il introduisait, avec le talent qu'on lui connait, le thème des "provocations" venant de "ceux qui se disent les amis des Palestiniens", dont, manifestement, il ne fait pas partie.
En visionnaire, il pouvait conclure:
"De toute façon, à un moment ou à un autre, il va bien falloir qu'il y ait des discussions directes en les Israéliens et les Palestiniens."
Toujours le dernier mot, pour rire...
Le ministre israélien de l'industrie et du commerce, monsieur Binyamin Ben Eliezer, qui a été le premier des officiels à réagir, avait dû, lui aussi, coller un petit crocodile vert fluo en haut de sa feuille, pour ne pas omettre de déclarer:
"Les images ne sont pas sympathiques, je ne peux qu'exprimer mon regret pour tous les morts."
On lui doit l'introduction du thème de la légitime défense devant la résistance des passagers du "navire amiral":
"On attendait nos soldats avec des haches et des couteaux et quand en plus quelqu'un tente de vous prendre votre arme, dans ces cas-là on commence à perdre le contrôle de la situation, l'incident commence ainsi et on ne sait pas comment il finit."
Ce thème sera largement repris par la suite, dans le communiqué de l'armée israélienne:
"Durant l'opération, des soldats israéliens ont été confrontés à de dures violences physiques. Certains des passagers ont utilisé des armes blanches et des armes de poing et on a tenté aussi d'arracher l'arme d'un des soldats. Face à la nécessité de défendre leur vie, les soldats ont employé des moyens anti-émeute et ont ouvert le feu."
(Une vidéo, très pédagogiquement annotée, sera mise en ligne par la suite.)
Pas trop à l'aise, monsieur Ben Eliezer, quant à lui, concluait:
"Je sais que ça va devenir une grosse affaire et j'espère que les Arabes israéliens réagiront de façon raisonnable."
Un véritable bonheur d'expression, cet "incident" qui devient une "grosse affaire"...
Une variation sur le thème du terrorisme, qui s'harmonise si bien avec le thème de l'activisme pro-palestinien est alors introduit.
En sourdine d'abord, par le général Avi Benayahou, porte-parole de l'armée israélienne, dans une déclaration assez étonnante où il affirme ignorer "qui a donné l'ordre de tirer" et explique:
"La marine agit selon les ordres et les consignes de tirs sont très claires. Les soldats avaient été prévenus de ne pas céder à des provocations."
Et il ajoutait, très professionnel:
"La marine avait auparavant mis au point des modèles pour préparer cette opération, mais parfois la vie est plus compliquée que les modèles. Nous nous étions préparés à une mission policière pour faire face à des violences, mais nous avons été confrontés à une violence à caractère terroriste."
Monsieur Arthur Avnon, ambassadeur d'Israël au Danemark, va reprendre ce thème de manière plus explicite:
"Avant que la flottille pénètre dans les eaux israéliennes, des rumeurs couraient que les organisateurs [de cette action] avaient des relations avec le réseau terroriste Al-Qaida. (...) Les personnes à bord n'étaient pas si innocentes (...) . Il y avait des armes à bord, nous ne pouvions donc pas naturellement laisser ces bateaux briser le blocus."
Avec cette subtile allusion au "réseau terroriste Al-Qaida", on frôle la fausse note, mais ce qui importe, c'est qu'on l'entende.
Et que l'on oublie un peu le post-it en forme de crocodile vert fluo...
PS: Dans ce tintamarre de la propagande, quelques notes bien différentes.
Voici les dernières lignes du témoignage d'un volontaire français de la flottille pour la liberté de Gaza, Thomas Sommer-Houdeville, coordinateur de la campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (ccippp), écrit sur l'un des bateaux, et mis en ligne la veille de l'attaque de l'armée israélienne.
Dans quelques heures, le dernier set, crucial, commencera quand nous entrerons dans les eaux de Gaza. Bien sûr, matériellement, il serait très facile pour Israël de nous stopper et nous arrêter, mais le coût politique qu’ils auront à payer sera énorme. Vraiment énorme, à tel point que toutes les ruses et les pièges qu’ils ont tenté de mettre sur notre route ont réussi à faire une seule chose : sensibiliser de plus en plus de gens partout dans le monde sur notre flottille et sur la situation de Gaza.
Et de tout ça, nous apprenons quelque chose : la peur n’est pas de notre côté, mais du côté d’Israël. Ils ont peur de nous parce que nous représentons la colère des gens tout autour du monde. Les gens qui sont mécontents de ce que l’État criminel d’Israël fait aux Palestiniens et à chaque amoureux de la paix qui ose prendre le parti des opprimés. Ils ont peur de nous parce qu’ils savent que, dans un proche avenir il y aura encore plus de bateaux à venir à Gaza comme il y a de plus en plus de personnes à décider de boycotter Israël chaque jour.
(A l'heure où je reprends ces lignes, nous sommes toujours sans nouvelles de Thomas.)
2 commentaires:
Quand est ce que les israeliens comprendront qu" UN BIEN MAL ACQUIS NE PROFITE JAMAIS"....
Merci pour votre analyse.
L'État d'Israël ne semble comprendre que la force, hélas !
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