mardi 17 novembre 2009

Un individu immobilisé à mort

Dans certains polars sans prétentions littéraires qu'il m'est arrivé de lire au cours de longues insomnies, la figure du médecin légiste est largement déformée par la caricature: si le personnage n'est pas complètement cintré, il est carrément tordu...

Je suppose que dans la vraie vie, un médecin légiste n'est pas plus inquiétant que mon médecin de famille.

Quoique.

A Montbéliard, je ne sais pas.

Car, à ceux qui signalaient que la famille avait constaté, en faisant la toilette mortuaire de Mohamed Boukrourou, qu'«il avait des plaies à une joue, les yeux tuméfiés et une lèvre fendue», il a été répondu que:

"La famille a récupéré le corps après l'autopsie, qui modifie l'aspect du visage."

Doit-on comprendre que le carabin qui occupe les fonctions de médecin légiste dans la bonne ville de Montbéliard a, sur les cadavres qui lui sont confiés, des pratiques qui sortent de l'ordinaire des observations avant et après découpage réglementaire ?


Entraînement à la boxe française,
sur sujet vivant.


Mohamed Boukrourou est mort jeudi soir, vers 18h, dans une pharmacie du centre ville de Valentigney, où il était entré vers 16h 15.

Selon le pharmacien, Mohamed, d’habitude très calme, était dans un état de grande excitation et s’en est pris à lui, lui reprochant de ne pas lui délivrer les bons médicaments. Ne parvenant pas à le raisonner, le pharmacien a appelé la police.

Le motif du désaccord était d'une extrême banalité: Mohamed Boukrourou ne voulait pas des médicaments génériques que le pharmacien voulait lui délivrer, ou lui avait délivré quelques jours plus tôt (on trouve les deux versions dans la presse). Mais nous ne saurons jamais ce qui a provoqué chez lui cette colère le transformant, selon le pharmacien, en un "homme blême, agité et menaçant".

Pourtant, il a attendu calmement l'arrivée de la police, tout bêtement "assis sur une chaise", pensant peut-être faire valoir son droit aux médicaments de son choix. Et un fourgon avec quatre policiers, deux hommes, deux femmes, est arrivé "en mission de police secours".

Les policiers ont invité Mohamed à les suivre dans le fourgon, ce qui a provoqué une nouvelle phase d’excitation de Mohamed Boukrourou. Les fonctionnaires se sont mis à quatre pour le ceinturer et le traîner de force jusqu’au fourgon, sans parvenir à le menotter. Une fois dans le véhicule, ils le maîtrisent toujours par la contrainte. (...) Mohamed se calme. Mais il leur apparaît soudain trop calme et les policiers prient les sapeurs-pompiers arrivés sur place entre-temps de venir assister le gisant. Le pouls bat encore. Mohamed est alors transporté dans la pharmacie pour bénéficier d’une assistance respiratoire et cardiaque. En vain. À 18 h 05, un médecin constate le décès de Mohamed Boukrourou.

Doit-on comprendre que les policiers "en mission police secours" n'ont aucunement cherché à jouer leur rôle de médiateurs dans le conflit opposant le pharmacien à son client, et qu'ils ont immédiatement décidé d'embarquer ledit client ?

En tout cas, il ont utilisé sur lui les techniques habituelles de "contention" de la police française...

Ce qui explique très bien les traces sur le visage observées par la famille. Selon le médecin légiste, cité par FR3:

"Une personne interpellée est toujours maintenue à plat ventre."

Avec des menottes attachées par derrière, deux ou trois policiers sur le dos, et le visage maintenu fermement appuyé sur le sol, et éventuellement, dans certains cas, une clé d'étranglement dont on connait les dangers...

Mais, notons bien:

La police se défend de toute opération musclée, elle affirme que face à l’excitation du quadragénaire et la difficulté à le maitriser, elle avait eu recours aux contraintes habituelles, légitimes et adaptées dans une telle situation.*


Marche silencieuse organisée dimanche 15 novembre, à Valentigney.


Selon l’autopsie, ordonnée très rapidement, "par égard pour la famille qui a le droit de savoir", par la procureure de la République de Montbéliard, Mohamed Boukrourou, 41 ans, est décédé "des suites de la conjonction d’une altération vasculaire cardiaque et d’un stress important".

Le parquet de Montbéliard a hier décidé d'ouvrir une information judiciaire pour "recherche des causes de la mort".

Cependant, madame Thérèse Brunisso, procureure de la République, a déclaré "éliminer toute hypothèse de coups" de la part des policiers. Elle a indiqué que l'information judiciaire devrait notamment examiner les gestes utilisés par les policiers pour maîtriser la victime.

Et elle a conclu:

"Mais on ne se dirige pas vers des mises en examen."

Doit-on en conclure que le parquet entend par là ouvrir un dossier qui restera vide ?


* Selon les frères de Mohamed: "On a entendu des témoins de la scène. Ils affirment qu’ils ont vu les policiers frapper notre frère. Ils étaient à quatre sur lui, à califourchon sur lui. Lui, il criait comme jamais, demandait qu’on le laisse tranquille. Le fourgon bougeait dans tous les sens. Quand ça s’est calmé, Mohamed était mort."


PS: Outre l'article de LibéStrasbourg, qui ne fait que reprendre une dépêche AFP, j'ai utilisé les informations de deux articles de LePays.fr, le premier daté du 14 novembre, et le second du 16 novembre.

4 commentaires:

N°D-503 a dit…

Je ne sais pas pour vous,mais moi quand je vois des policiers,des gendarmes ,ils me font peur.C'est certainement voulu et je ne suis pas Auvergnat.

Guy M. a dit…

Je crois bien qu'on préfère désormais que les "gardiens de la paix civile" fassent peur...

Ça doit coûter moins cher que d'inspirer confiance.

N°D-503 a dit…

Je souhaite préciser que la phrase "et je ne suis pas Auvergnat"c'est pour dire la peur que l'on doit ressentir,d'être controlé au faciès ,ça doit être terrible et rageant de vivre dans un tel pays.

Guy M. a dit…

Merci pour la précision.

Pour moi, c'était très clair...