samedi 3 mars 2012

Un anniversaire en chanson

Il y a tout juste trente ans disparaissait Georges Perec.

Georges Perec est peut-être le seul grand écrivain que je lis et relis, comme l'on fait parfois à l’adolescence, avec un évident sentiment de proximité ; ce qui me conduit à une regrettable posture acritique d'identification quasi complète avec l'homme, l'auteur, ses personnages...

Lorsque je regarde ma bibliothèque, si mal rangée, je puis me demander ce qu'il en resterait si j'en éliminais ces livres que la lecture de Perec m'a conduit à lire et qui y forment une confraternité aux contours mal précisés. Mais je me demande aussi quelle raison je pourrais un jour avoir de procéder à ce désherbage littéraire suicidaire...

Lieu de naissance : la rue Vilin.
(Planche contact, Pierre Getzler, juin 70.)

Est évidemment présent, Robert Bober qui a tourné avec Perec les Récits d'Ellis Island, en 1979, et réalisé avec En remontant la rue Vilin, en 1993, l'un de ces hommages que seule l'amitié peut inspirer.

Si, chez votre libraire, vous contournez les tables d'écrits de circonstances campagnardes pour gagner le rayon poche, vous pourrez trouver la réédition en folio/Gallimard de On ne peut plus dormir tranquille lorsqu'on a une fois ouvert les yeux, d'abord publié chez POL en 2010. Et il vous restera à suivre Bober en train de vadrouiller autour de son passé, avec cette retenue qui caractérise tous ses livres, sans jamais trop quitter le voisinage étendu de la rue Vilin.

Sur ces hauteurs où Paris est resté un peu Belleville, dans ces parages où s'étaient installés bon nombre de juifs polonais émigré en France...

Là même où était né Georges Perec.

Le titre, superbe, est emprunté à Pierre Reverdy.

Dans ce livre, Robert Bober consacre quelques lignes à Sophie Tucker...

C'est la tante du narrateur, ancienne danseuse qui avait émigré à New-York, qui l'évoque dans une réponse à l'une de ses lettres :

Tu m'as demandé aussi qui était Sophie Tucker. Alors voilà : comme tu m'as parlé des chanteuses américaines que tu aimais, écoute Judy Garland, et juste après Bessie Smith. Après quoi, imagine une voix qui se situerait exactement entre les deux et tu auras une idée assez proche de qui est Sophie Tucker. (...) Sophie Tucker, de son vrai nom Sonia Kalish, est née en Russie en 1884, mais elle chante The Man I Love ou After You've Gone comme si elle était une "Made in Harlem".

La tante Esther parle aussi de son émotion à l'écoute de A Yiddishe Mamé :




Cette chanson a été écrite en 1925 par Lew Pollack et Jack Yellen et, la même année, interprétée par Sophie Tucker, qui tenait beaucoup à la chanter en anglais et en yiddish. Elle est maintenant considérée comme "une chanson du folklore juif ashkénaze, chantée en yiddish de génération en génération" - dixit ouiquipédia -, mais on peut noter qu'elle a été un réel succès, repris par un grand nombre d'interprètes.




Billie Holiday, 1956.




Régine Zylberberg, 1969.

(Vous pourrez trouver aussi - mais sans mon aide - une version française aznavourienne...)

En 1941, Cyrla Szulewicz, épouse de Icek Peretz, mort au front l'année précédente, a dû faire partir son fils de 4 ou 5 ans pour Villard-de-Lans par un train de la Croix-Rouge.

Le gamin est devenu Georges Perec.

Sa Yiddishe Mame a été déportée à Auschwitz le 11 février 1943 et n'est jamais revenue.

4 commentaires:

Marianne a dit…

Le désherbage littéraire et bien d'autres , les héritiers s'en chargeront . Rien ne presse , beau billet !

Guy M. a dit…

En effet, je ne me sens pas trop pressé...

Rosecelavi a dit…

Quelques messages, transmis par un certain Yotogui, m'incitaient à te rendre visite. Que ne l'ai-je fait plus tôt ? Du coup, je me dis que j'aimerais bien t'entendre jouer du saxo !

Guy M. a dit…

Hum... il na faut pas souhaiter de catastrophes...