lundi 16 mai 2011

Les derniers résistants de l'Occident

Les derniers résistants de l'Occident, option filière porcine, avaient annoncé une exemplaire mobilisation dans les rues de Lyon, où siège, comme on sait, le primat des Gaules. Devait s'y dérouler, selon le projet originel, une impressionnante "marche des cochons" visant à contrer "l'expansion du marché de la viande halal" et "l'islamisation de la France", mais la préfecture du Rhône n'avait pas autorisé la tenue de ce carnaval charcutier. Il fut donc décidé que la "marche" serait transformée en "un rassemblement statique place Saint-Jean pour défendre la liberté d'expression", solution qui convenait mieux aux identitaires ayant les pieds plats et qui permettait de faire venir quelques végétariens attirés par le fumet de la "liberté d'expression".

Les organisateurs, qui avaient annoncé "au moins 600 personnes", n'ont pas dû être trop déçus : la préfecture dénombrant "près de 500 militants d'extrême-droite", le compte y était presque, malgré toutes ces misères que le préfet leur avait faites...

A la lumière de fumigènes rose-cochonnou, de fières et martiales devises furent reprises en chœur : "Première, deuxième génération, nous sommes des mangeurs de cochon", et monsieur Fabrice Robert, président du Bloc Identitaire, put déployer toute son éloquence : "Nous demandons une traçabilité du halal car les non musulmans n'ont pas à subventionner une religion qui n'est pas la leur".

Et, "vers 17 h", nous dit l'AFP, reprise par Le Figaro, "les manifestants s'étaient dispersés «sans incident», selon la préfecture".

Une bien belle jeunesse qui sait encore saluer...
(Photo tirée du portfolio de Lyon Info.)

A l'appel de diverses organisations regroupées autour du collectif Vigilance 69, une contre-manifestation était organisée entre la mairie et la préfecture. Selon les compteurs policiers, elle a rassemblé 800 personnes, et l'AFP y a discerné, en vrac, "élus locaux de gauche, militants CGT, Sud, Attac et Front de gauche et nombreux militants anarchistes arborant foulard noir et drapeau de la Confédération nationale du travail".

Photo Joël Philippon/Le Progrès.

La même dépêche de la même agence ajoute qu'il n'y a eu "aucun affrontement physique entre manifestants des deux bords", tout en ajoutant que, selon la police, "«des échauffourées» ont eu lieu en fin d'après-midi et un commerce de kebabs a été vandalisé à proximité du lieu de rassemblement de l'extrême-droite". Même si on apprend que quatre interpellations ont eu lieu "dans le cadre de ces incidents", les précisions sont rares...

Pour les trouver, il vaut mieux, comme d'habitude, consulter l'indispensable Rebellyon qui décrit ainsi une "rencontre" après dispersion :

(...) les fachos, partis de leur ras­sem­ble­ment, remon­tent les rues en direc­tion de la Croix-Rousse, dans l’idée de casser de l’anti­fas­ciste et pro­ba­ble­ment d’inves­tir ce quar­tier sym­bo­li­que de la résis­tance. Un groupe d’anti­fas­cis­tes sans connaître ce mou­ve­ment se sont diri­gés vers St Jean : la ren­contre a lieu au milieu du pont La Feuillée qui enjambe la Saône entre St Paul et Terreaux. Affrontement bref mais vio­lent, puis­que la police s’y jette immé­dia­te­ment, coin­çant une partie des anti­fas­cis­tes entre eux et les fachos. Quatre de nos cama­ra­des ont été arrê­tés à cette occa­sion (...) .

Et ses suites :

Repoussés dans le Vieux Lyon, les iden­ti­tai­res et autres néo-nazis, énervés, se met­tent à y casser les devan­tu­res des kebabs et autres com­mer­ces tenus - ou sup­po­sés être tenus - par des immi­grés. Plusieurs per­son­nes ont été agres­sées. Ce déchaî­ne­ment ouver­te­ment raciste, digne d’un pro­grome, ne semble pour l’ins­tant pas être dif­fusé dans la presse. La police inter­vien­dra dans la foulée, inter­pel­lant plu­sieurs dizai­nes de nervis d’extrême-droite (de 50 à 80 selon les sour­ces).

Le Progrès a publié plus tard un compte-rendu de ces événements, signé de Geoffrey Mercier. Il comporte des témoignages précis, complétés par le très intéressant point de vue de la préfecture :

Interrogée hier soir sur les circonstances des exactions commises, la préfecture n’a pas souhaité communiquer. Pour Albert Doutre, le directeur départemental de la sécurité publique, "on a assuré la paix publique avec des gens déterminés dans les deux camps à mener des actions violentes".

Une certaine idée de la "paix publique".
(Photo Florent Aceto, pour Lyon Capitale.)

Un autre incident ayant quelque peu, n'en déplaise à monsieur Doutre, troublé la "paix publique" était évoqué par une dépêche de l'AFP, que j'ai pu lire ce matin en Une du NouvelObs-point-com :

Une quinzaine de skinheads ont provoqué une rixe dans la nuit de samedi 14 mai à dimanche 15 mai à Lyon, quelques heures après un rassemblement de groupuscules d'extrême droite qui a conduit au placement de six personnes en garde à vue, selon la police et les pompiers.

Vers 1h30, "une quinzaine d'individus typés extrême droite, à tendance skinhead" s'en sont pris dans la rue aux clients d'un bar situé sur les pentes de la Croix-Rousse, dans le Ier arrondissement, "dégradant l'entrée du bar", a-t-on appris auprès de la police.


"Deux personnes ont été victimes de légères violences mais il n'y a pas eu d'interpellation", les forces de l'ordre n'ayant pu rattraper les agresseurs, selon la même source.


Cette dernière remarque confirme une constatation scientifique irréfutable : l'extrêmedroitiste court bien plus vite que le bacqueux, qui court lui-même plus vite que l'ultragauchiste...


PS : On trouve encore moins d'articles pour parler du rassemblement, ce ouiquende, sur le plateau des Glières, de 3500 à 4000 résistants nettement plus authentiques que les casseurs qui ont pu opérer à Lyon. Parmi eux, quelques un(e)s, qui ont aussi résisté au passage du temps, méritent d'être qualifiés d'"historiques", si l'on veut, mais sûrement pas d'"anciens résistants", comme le fait Le Monde pour présenter leur nouvel "appel aux jeunes générations"...

Cet appel, lancé samedi dernier, me semble peu repris dans la presse du jour - les "unes" sont plutôt encombrées, il me semble.

Le voici :

Appel de Thorens-Glières, le 14 mai 2011

Le 8 mars 2004, treize vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France libre lançaient un "Appel aux jeunes générations" dénonçant notamment "la remise en cause du socle des conquêtes sociales de la Libération". Cette tendance régressive s'accélère dramatiquement. Nombre de citoyennes et citoyens s'en indignent.

Partout la prise de conscience que les valeurs, toujours actuelles, incarnées en 1944 dans le programme du Conseil National de la Résistance, ouvrent l'espoir qu'un mieux-vivre ensemble est possible. Il est aujourd'hui concevable de définir un nouveau "programme de la Résistance" pour notre siècle. Au lieu de cela, le débat public qui s'annonce avec les élections de 2012 semble privilégier les manœuvres politiciennes au service d'intérêts particuliers sans traiter :
  • des causes politiques des injustices sociales,
  • des raisons des dérégulations internationales,
  • des origines des déséquilibres écologiques croissants.
Comme en 2004, nous souhaitons que tous les citoyens, tous les partis, tous les syndicats, toutes les associations participent à l'élaboration d'un Projet de Société du 21ème siècle en repartant du programme du CNR "Les jours heureux" adopté le 15 mars 1944.

Ce programme politique constitue toujours un repère essentiel de l'identité républicaine française.

Avec l'association "Citoyens Résistants d'Hier et d'Aujourd'hui" nous appelons tous les partis politiques, toutes les candidates et candidats à un mandat public dans le cadre des élections présidentielle et législatives de 2012 à prendre trois engagements qui mettront réellement en application la devise républicaine "Liberté Égalité Fraternité".

Premièrement, afin de garantir l'égalité :

Lancer immédiatement le travail législatif et réglementaire qui permettra de reconstituer les services publics et institutions créés à la Libération pour aller vers une véritable démocratie économique et sociale. Possible en 1944, cette démarche l'est d'autant plus aujourd'hui, alors que le pays n'a cessé de s'enrichir depuis. Droit à la santé pour tous, droit à une retraite, droit à l'éducation, droit au travail, droit à la culture demeurent les seuls véritables garants de l'égalité républicaine. Une égalité qui n'a de sens que dans le respect du droit des étrangers.

Deuxièmement, afin de garantir la liberté :

  • Approfondir la forme républicaine du gouvernement afin de séparer clairement les pouvoirs et renforcer la démocratie parlementaire au détriment de notre régime présidentiel personnalisé.
  • Développer de nouvelles pratiques de la démocratie dans laquelle l'action de la société civile sera reconnue, et restaurer les conditions du principe d'ailleurs défini à l'article 2 de la constitution actuelle : "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple".
  • Garantir la qualité du débat démocratique et la fiabilité des contre-pouvoirs, en assurant à nouveau la séparation des médias et des puissances d'argent comme en 1944.
Ces 3 axes de débats devront aboutir à une démarche souveraine d'"Assemblée constituante" vers de nouvelles pratiques républicaines.

Troisièmement, afin de garantir la fraternité :

Travailler les coopérations avec les peuples et les pays, en refusant l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie. Favoriser résolument des solutions soutenables pour les équilibres écologiques, dans les limites de développement compatibles avec la survie humaine. Écarter de la marchandisation totale les besoins vitaux de l'être humain comme l'eau, la nourriture et l'énergie. Il est temps de bien vivre ensemble, dans la haute nécessité de l'épanouissement du plus grand nombre et d'offrir une perspective d'avenir prometteur aux jeunes générations.

Plus que jamais, comme le proclamait en 2004 l'Appel des Résistants aux jeunes générations, à ceux et celles qui font ce siècle qui commence, nous voulons dire avec affection : "Créer c'est résister. Résister c'est créer".

Les signataires :
Raymond Aubrac, résistant ;
Stéphane Hessel, résistant, déporté ;
Marie-José Chombart De Lauwe, résistante, déportée, présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation ;
Daniel Cordier, résistant, secrétaire de Jean Moulin ;
Georges Séguy, résistant, déporté ;
Walter Bassan, résistant, déporté ;
Henri Bouvier, résistant, déporté ;
Léon Landini, résistant FTP MOI ;
Pierre Pranchère, résistant ;
François Amoudruz, résistant, déporté, membre de la présidence nationale de la FNDIRP ;
Jean Marinet, résistant, déporté, président de la FNDIRP de l'Ain ;
Noëlla Rouget, résistante, déportée ;
Odette Nilès, résistante, ex-fiancée de Guy Moquet ;
Charles Paperon, résistant, co-président de l'ANACR Finistère ;
Pierre Moriau, résistant.

6 commentaires:

C a dit…

Merci pour cette synthèse :-)

Guy M. a dit…

Pas très complète, je le crains...

schlomo a dit…

erratum: pogrome, pas pro...

Guy M. a dit…

Merci, c'est corrigé.

Anonyme a dit…

Les "antifascistes" ont vraiment des banderoles immondes, je préfère celle des Identitaires et ma sympathie va plutôt sur ses derniers, qui symbolise l'ordre, la propreté, la sagesse et la droiture.
Je ne pourrais pas faire confiance à un élu derrière une banderole aussi dégueulasse imitation peinture racaille du coin.

Guy M. a dit…

Ce point de vue purement esthétique me semble fort intéressant.

Et merci de l'exprimer avec un style et une orthographe pouvant, anéfé, symboliser "l'ordre, la propreté, la sagesse et la droiture"...