vendredi 13 novembre 2009

Contributions en direct

Comme on dit dans mon canton à la ruralité affirmée, "ça a dû le prendre comme une envie". Au cours d'un déplacement présidentiel sur "les thèmes du soutien à l'agriculture et de l'avenir des territoires ruraux" dans la Drôme, le président Nicolas Sarkozy a visité une exploitation agricole et rencontré des travailleurs saisonniers... et a prononcé un discours sur...

... devinez quoi...

l'i-den-ti-té na-ti-o-na-le fran-çai-se.

Ça pressait !

C'était, nous dit le fidèle Figaro, après une courte cérémonie devant le mur des fusillés de La-Chapelle-en-Vercors, "dans la salle polyvalente de cette commune martyre" où un millier de personnes attendaient un beau discours programmatique, si possible sans copicollages, sur "l'avenir des territoires ruraux".

Résultat : pendant quarante-trois minutes, Sarkozy a délivré son ode à la France. Un mot «France» qu'il a répété quarante fois. Les mots «fierté», «honneur», «patrie» et «famille» ont également beaucoup résonné.

Je ne sais quel est le plumitif mercenaire qui a commis ce discours, mais il est bien beau et bien ronflant. Si vous avez le temps, et si le cœur vous en dit, vous pourrez en lire l'intégrale ici.

Et il a fini par dégeler un peu l'assemblée:

Mais les premiers applaudissements ont retenti quand Sarkozy a adressé cette mise en garde : «La France est un pays où il n'y a pas de place pour la burqa.» Les applaudissements ont redoublé quand il a rappelé que la «France est un pays de tolérance et de respect. Mais elle demande aussi qu'on la respecte». Succès garanti aussi quand il a défendu les «valeurs du travail» et de la «famille». «J'ai supprimé les droits de succession parce que je crois au travail, je crois à la famille», a-t-il assuré.

N'ironisons pas: parler de "travail", parler de "famille", en prononçant une "ode" à la patrie dans un haut lieu de la mémoire de la Résistance, ce n'est pas de la provocation...

Mais non, je vous assure. Ce syncrétisme de bon aloi est une importante contribution au débat sur l'identité nationale, n'en doutez pas.

Monsieur Sarkozy vibrant au "souvenir du sacre de Reims",
comme tous les matins.

Monsieur Eric Besson doit être très fier de cette contribution du chef de l'état à son grand débat national, même si elle ne renouvelle pas vraiment la question. Mais il aura peut-être droit à un exposé un peu plus construit lorsque monsieur Nicolas Sarkozy interviendra, le 4 décembre, au cours du colloque de l'Institut Montaigne sur l'identité française.

L'Institut Montaigne, fondé par Claude Bébéar et dirigé par François Rachline, se présente comme un "laboratoire d'idées" (ou think tank) indépendant. Le projet "Qu'est-ce qu'être français ?", lancé par l'institut, comporte deux volets: l'édition d'un ouvrage collectif, à paraître chez Hermann le 17 novembre, et l'organisation d'un "événement" de grande ampleur, le 4 décembre, à l'amphithéâtre Foch de l'école militaire.

Pour bien marquer son indépendance, l'Institut Montaigne a invité monsieur Nicolas Sarkozy et monsieur Eric Besson à participer à cet événement.

Il me semble que cette opération a été lancée par l'institut avant que monsieur Besson ne lance lui-même son grand débat: le hasard objectif fait toujours se rencontrer les grands esprits.

Si vous cliquez sur le bandeau, une surprise vous attend:
un texte de Max Gallo !
On dit merci qui ?


En cherchant quelles étaient les réunions prévues par la préfecture à proximité de mon canton à la ruralité affirmée, non pour y participer, mais pour les éviter, le hasard (toujours lui !) m'a mené à la circulaire que monsieur Besson a fait adresser aux préfets et sous-préfets, le 2 novembre.

Elle m'a appris que le ministère de l'Identité Nationale, et des Expulsions qui vont avec, avait prévu d'éclairer le grandissime débat d'indications bibliographiques regroupées dans une "bibliothèque".

Comme j'aime plus que de raison les listes de bouquins, je me suis rendu sur cette page afin d'y butiner quelque peu.

On y trouve, en vrac (le site doit encore être en travaux...), un certain nombre de références plus faites pour orienter le débat que pour l'éclairer.

Parmi les ouvrages les plus récents, on ne trouve évidemment pas les études sérieuses menées par les chercheurs en sciences sociales qui, depuis quelques années, ont orienté leurs travaux dans cette direction, mais on trouve deux livres de Max Gallo, Fier d’être Français, de 2006, et L’âme de la France : une histoire de la nation des origines à nos jours, de 2007.

Il ne faut pas s'en étonner outre mesure: entrez dans n'importe quel café, demandez s'il y a un historien dans la salle et le patron vous indiquera, d'un geste las, ce bon Max Gallo à une table du fond. C'est inévitable.

Plus étonnante est la présence, dans cette liste de prétendues références, du livre de Daniel Lefeuvre et Michel Renard, Faut- il avoir honte de l’identité nationale ?, paru en 2008, dont le titre même n'est pas une garantie d'objectivité scientifique...

Ce livre se voulait, entre autres choses, une réponse à la notion de "xénophobie d'État" qu'un certain nombre d'universitaires, relayés par des réseaux militants, avaient commencé à étudier et combattre, à la suite de la création du ministère de l'Identité Nationale et des Expulsions.

En donnant ce livre comme référence, sans indiquer les travaux auxquels il s'oppose, on fait preuve d'une curieuse conception du débat...

Ne figure pas dans la liste du ministère,
mais dans la mienne.

Dernier paru de ces livres absents de la bibliographie du ministère du Grand Débat, Douce France : rafles, rétentions, expulsions, coédité par le Seuil et le RESF, alterne des contributions de chercheurs et des témoignages de personnes sans-papiers, et développe de manière exemplaire la réalité, et les conséquences, de cette xénophobie d'État qui se ré-installe sur l'ensemble de l'Europe, et singulièrement en France.

Il a été dirigé par Olivier Le Cour Grandmaison* qui sera présent le samedi 14 novembre, à 17h 30, à la librairie Résistances, 4 Villa Compoint, Paris 17ème, en compagnie de Marc Bernardot, professeur de sociologie à l’université du Havre, pour une conférence-débat sur ce livre.

A moins que vous ne préfériez aller à la préfecture voir si on y débat...



* Le hasard veut qu'Olivier Le Cour Grandmaison ait été une des cibles privilégiées d'un précédent livre de Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, en 2006, dont le titre, encore une fois, dit à quel niveau il veut se situer...

(Je vais finir par croire que le hasard, c'est comme l'identité nationale, ça n'existe pas...)

8 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est de ne pas attendre 2012 pour balancer un immense coup de pied au cul au rastaquouère hongrois Sarkoléon 1er

Guy M. a dit…

Oui, c'est loin 2012...

JBB a dit…

Ce que j'ai notamment retenu du discours de Sarko, c'est cette phrase : "Ceux qui ne veulent pas de ce débat, c'est parce qu'ils en ont peur"
Pour une fois, il ne dit pas une connerie. J'ai peur et je ne dois pas être le seul. pas peur du débat, mais de ce qu'il peut faire naitre et susciter.

"entrez dans n'importe quel café, demandez s'il y a un historien dans la salle et le patron vous indiquera, d'un geste las, ce bon Max Gallo à une table du fond. C'est inévitable."

:-)
(J'aurais bien mis plusieurs smileys, histoire de bien montrer que je me suis poilé. Mais je vais rester modéré, finalement)

Guy M. a dit…

Pour compléter le sarko-sophisme:

"Ceux qui ne veulent pas de ce débat, c’est parce qu’ils en ont peur. S’ils ont peur de l’identité nationale française, c’est qu’ils ne la connaissent pas. Raison de plus pour ouvrir un débat qui va leur apprendre au fond ce que c’est que l’identité nationale française."

La "raison de plus" sonne comme une promesse de mise au pas.

(J'aime beaucoup Max Gallo, pas toi ?)

Michel Renard a dit…

J'aimerais savoir quelles sont les "études sérieuses menées par les chercheurs en sciences sociales" auxquelles vous faites allusion ? La plupart sont, en réalité, des interventions militantes à la scientificité nulle.
Vous vous étonnez de la présence de notre livre "Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?" dont vous contestez l'objectivité. Pourquoi pas ? Mais montrez-le. Vous n'en avez pas lu une ligne. À l'image des auteurs que nous critiquons dans notre livre et qui se sont abstenus de répondre. Je ne citerai qu'un exemple.
Dans le livre Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France (2008), Blaise Wilfert-Portal – qui accuse Nicolas Sarkozy "d'escamotage" et de "rapine de symbole" - n'hésite pas, lui, à falsifier la position jaurésienne en lui prêtant le propos suivant : "la nation porte la guerre en son sein comme la nuée porte l'orage"…! Or, Jaurès n'a jamais rien dit de tel. Emporté par sa volonté de vilipender un homme politique évoquant l'identité nationale, cet historien a substitué "nation" à "capitalisme", sans plus de précaution. On fait habituellement dire à Jaurès : "Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage", ce qui est déjà une citation apocryphe. La phrase réelle de Jaurès, prononcée à l'Assemblée nationale le 7 mars 1905, est la suivante : "Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l'état d'apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l'orage".
Michel Renard, professeur d'histoire
co-auteur de "-Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?" (Larousse, 2008)

Guy M. a dit…

Je vous remercie infiniment de l'attention que vous avez bien voulu accorder à mes modestes humeurs de "scientificité nulle".

Je m'étonne, en effet, de la présence de votre livre dans la liste de références établie par le ministère de l'Identité Nationale (etc.). Et je maintiens que beaucoup d'autres ouvrages, parus à la même date, auraient pu s'y trouver afin d'équilibrer la "bibliothèque". Ne me demandez pas lesquels, vous les connaissez mieux que moi puisque vous les jugez de simples "interventions militantes".

Je ne puis vous promettre de lire avec attention votre travail dans les prochains jours. La mauvaise impression donnée par le titre plutôt "rentre-dedans" qui a été choisi, par vous ou votre éditeur, persiste: il ne vous aura pas échappé qu'il place votre étude sur un bord où je navigue assez peu.

Cependant j'avoue que l'érudition dont vous faites preuve en cherchant des poils blancs dans la barbe de Jaurès me redonne quelque appétit...

Alors, peut-être quand le remugle du débat en cours se sera un peu dissipé...

olive a dit…

Douce France est bien en vue chez mes libraires préférées, mais je n'ai pas les moyens de l'acheter.

Je me "console" à la bibliothèque locale, en empruntant Amartya Sen, Identité et violence (Odile Jacob, 2007), qui m'a l'air très bien. Il ne figure pas dans la "bibliothèque" du ministère : c'est bon signe.

On y trouve par contre en très bonne place — et pour cause — G. Kelman, Je suis Noir et je n'aime pas le manioc. Et moi, comme dit Mona Chollet, «je suis blanche et je n'aime pas les couillonnades».

Guy M. a dit…

J'avais bien repéré la couillonnade dans la liste...

Mona Chollet a dit l'essentiel.

Et fort bien.