dimanche 5 avril 2009

Mot clé et images choc

Le calme est revenu dans les rédactions de la presse sérieuse et consensuelle.

On a fait le plein en images choc, de quoi poster en ligne un portfolio toutes les heures. C'est attractif le portfolio... Mais on a surtout trouvé le mot-clé qui ira avec.

L'idéal était de trouver un mot nouveau, peu connu du grand public, donc assez vide de sens, auquel attacher, selon convenances et arrivages, des connotations dispensant les lecteurs d'aller réfléchir plus loin. A ce mot les spécialistes de la spécialité devaient pouvoir donner, dans des articles d'approfondissement, une épaisseur historique assez floue et inquiétante.

Le mot "casseurs", un temps utilisé, était un peu usé, et chargé de trop de références encore en mémoire: les papys de mon âge se souviennent encore des lois anti-casseurs.

Alors, on a trouvé "black blocks", qui va avoir un franc succès dans les jours à venir.

Impressionnante image choc.
Et en plus, ça fait peur.

J'ignore absolument si le récit, qui domine actuellement, d'une opération pacifique dynamitée de l'intérieur, ou sur les bords, par la présence non contrôlée de black blocks incontrôlables, est vrai. Et je ne suis pas trop pressé de me faire une opinion là-dessus; je supporte bien de vivre en état de suspension de jugement.

Mais je constate que ce récit envahissant a occulté un certain nombre de points d'information.

L'information est derrière.

Je me suis senti encore plus ahuri que d'habitude, hier, en entendant, au début du treize heures de Franc-Inter, le présentateur faire un enchaînement qui laissait croire que la manifestation de l'après-midi, à Strasbourg entendait protester contre le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN... Je me suis dit que ce journaliste n'avait pas à craindre l'arrivée de Philippe Val à la tête de la chaîne: il était assez nul pour rester sans faire trop d'ombre au patron.

Cette désinformation sur l'objectif du contre-sommet semble avoir atteint les milieux politiques. Madame Marie-Georges Buffet a pu ainsi déclarer à l'agence Reuters:

"Une volonté pacifique s'exprimait dans la manifestation contre le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan.(...)"

C'est gentil d'être venue... même si c'est un peu par hasard.

Bloc noir, modèle de salon
(existe aussi en nain de jardin).



Evidemment, la thématique simpliste introduite par ce récit des événements autorise toutes les interventions les plus démagogiques. Après les fortes paroles de son adjoint Robert Hermann, le maire de Strasbourg, monsieur Roland Ries, a accordé aux DNA un entretien où il appelle à des sanctions exemplaires, avec en bruit de fond incongru une révérence obamaniaque qui en rend la lecture assez réjouissante.

Madame Alliot-Marie, on s'en doute, n'aurait pas eu besoin de ce soutien pour justifier son action et se féliciter de son succès. Comme elle est un peu partageuse, elle envisage de féliciter également les responsables du maintien de l'ordre.

Cependant, en admettant que le regroupement pacifique du contre-sommet a été infecté par 2000 membres des black blocks, on peut se demander s'il est bien glorieux d'avoir eu tant de difficultés à les contenir et à empêcher leurs exactions, alors qu'on avoue avoir mobilisé environ 10 000 agents de la force publique. On sait bien, pour les avoir quelquefois vu faire leur "travail", que nos policiers ou gendarmes possèdent une certaine virtuosité pour isoler un individu, ou un petit groupe, et le "neutraliser", et qu'ils n'ont pas vraiment besoin d'être à 5 contre 1.

Mon admiration inconditionnelle pour l'efficacité de notre police et gendarmerie m'égare peut-être, mais il y a quelque chose qui me chagrine dans ce constat arithmétique.

Tentative de quadrature d'un bloc noir.

8 commentaires:

myriam a dit…

Tu es vraiment un super blogueur, Guy M. Contente de te relire après qq déconvenues informatiques. (ah oui, j'ai un nouvel ordi, et j'en suis amoureuse, c'est idiot...)
Black blocks, oui, ça va être à peu près aussi documenté et approfondi que tes illustrations (voire bien pire), les prochaines occurences de ce mot dans la presse, j'en ai bien peur.

Guy M. a dit…

Tu pourras revenir quand tu voudras, super lectrice. Surtout si tu as un super ordinateur.

J'ai eu beaucoup de mal à trouver mes illustrations. Conceptuelles, mais bien parlantes.

Dominique a dit…

"Calme bloc ici-bas ici-bas chu d'un désastre obscur", comme disait l'autre ne se sachant pas prophète.

Guy M. a dit…

Au moins donnait-il "un sens plus pur aux mots de la tribu"...

Tant qu'il y a du noir... a dit…

Pour un très bon bouquin, sérieux et tout, sur les blacks blocs, il y a l'ouvrage de François Dupuis-Déri "Black Blocs" qui est chouette, aux Ateliers de Création Libertaire.

Sa lecture permet de mettre en évidence le jeu journalistique et politique qui consiste à mettre le mot "blackbloc" sur tout ce qui est noir avec une capuche et qui fait des choses.

Guy M. a dit…

Merci de cette référence.

Il faudra que j'aille voir à mon prochain passage chez Publico.

Je note sur mon petit carnet.

Noir c'est noir a dit…

A ce sujet, voici en liens quelques textes écrits par des participant-e-s à divers black blocs depuis une dizaine d'années:

A Seattle en 1999:
http://infokiosques.net/article.php3?id_article=353

A Nice en 2000:
http://infokiosques.net/article.php3?id_article=71

A Gênes en 2001:
http://infokiosques.net/article.php3?id_article=3

A Evian/Lausanne en 2003:
http://infokiosques.net/article.php3?id_article=70

Guy M. a dit…

Merci pour ces liens qui permettent d'avoir une perspective historique sur la question.