vendredi 16 septembre 2011

Prise de testostérone

La science, réjouissons-nous, vient enfin d'apporter une réponse claire et définitive à une question majeure concernant le mystère que constitue la survie de l'espèce humaine – homo sapiens sapiens ma non troppo. On peut résumer les données du problème qui vient d'être résolu de la manière suivante : étant donnée la peu résistible nature des pulsions viriles observées chez le mâle de l'espèce, pourquoi décompte-t-on si peu d'infanticides commis sur les bébés vagissant immanquablement dans leur couffin au moment le plus inapproprié de l’accouplement parental hebdomadaire ?

Le Figaro, dans un article signé de Pauline Fréour, relaie le résultat que viennent de publier quatre chercheurs - Lee T. Gettler, Thomas W. McDade, Alan B. Feranil, et Christopher W. Kuzawa – qui ont "suivi 624 jeunes hommes pendant quatre ans et demi" et constaté :

Les jeunes pères ont moins de testostérone.

Élémentaire !

(C'est les hormones, mon cher Watson !)

Mais il fallait y penser.

Jeune père d'un certain âge s'occupant du beubé.
(Photo : Bogdan Cristel/Reuters.)

Et le prouver.

Le résultat a été publié dans les Annales de l'Académie Nationale américaine des sciences (PNAS), sous le titre très explicite de Longitudinal evidence that fatherhood decreases testosterone in human males.

(Je découvre cette notion de "preuve longitudinale" et ça m'impressionne énormément.)

Sur cette étude, on pourra consulter le traditionnel abstract sur le site des PNAS – on peut aussi télécharger quelques tableaux longitudinaux et probants -, ou lire l'articulet de Tamara Cohen, paru le 13 septembre sur le Daily Mail, un journal où l'on s'intéresse de très près à tout ce qui touche la testostérone, – car c'est tout de même assez vendeur.

Ou se contenter du résumé figaresque :

La testostérone (...) diminue naturellement avec l'âge, mais, chez les volontaires de l'étude - des Philippins célibataires testés une première fois pendant leur 21e année, puis quatre ans et demi plus tard – la baisse hormonale chez ceux devenus pères dans l'intervalle était deux fois plus importante que chez ceux n'ayant pas enfanté.

Pauline Fréour pointe l'importance de cette découverte scientifique de haute volée, mettant fin à un agaçant jeu de cache-cache entre la cause et l'effet :

Le même phénomène était déjà connu chez d'autres espèces animales dans lesquelles les mâles aident à élever les petits, explique Christopher Kuzawa, professeur d'anthropologie à la Northwestern University de Chicago, un des co-auteurs de ces travaux. En revanche, les études conduites jusqu'alors chez l'homme, menées sur des périodes courtes, n'avaient pas permis de dire si c'était la naissance qui entraînait une baisse de testostérone, ou si, à l'inverse, la baisse hormonale des jeunes pères s'expliquait par le fait que les hommes produisant moins de testostérone avaient plus de chance d'avoir une relation stable et de procréer.

Et elle n'hésite pas, avec l'aide des auteurs, à en tirer les "leçons" :

Selon le Pr Kuzawa, l'organisme réduirait la production de testostérone - et donc les pulsions sexuelles - après la naissance pour permettre au père de prendre sa part des responsabilités liées à la paternité, sans être absorbé par son désir pour l'autre sexe.

"Être père et les contraintes liées à l'arrivée d'un nouveau-né demandent un important ajustement émotionnel, psychologique et physique et notre étude indique qu'un homme peut connaître un changement biologique substantiel pour l'aider à faire face à ces exigences", analyse Lee Gettler de la Northwestern University, un autre des co-auteurs de l'étude. En d'autres termes, les pères, et pas seulement les mères, seraient biologiquement programmés pour s'occuper de leur nouveau-né.

A condition, certes, de ne pas trop en faire :

En effet, la baisse hormonale est encore plus marquée chez les pères passant au moins 3 heures par jour à s'occuper de leur enfant, par comparaison avec ceux qui ne participent pas à leur éducation.

Il est, bien sûr, tout à fait illusoire d'attendre d'un résultat obtenu dans le florissant domaine de la psychologie hormonale – ainsi qu'on pourrait le nommer – qu'il déconstruise quelque peu les représentations habituelles sur les pulsions libidinales, parfois libidineuses, des pauvres mâles irrésistiblement poussés à s'accoupler à tous les coins de rues... Cependant, comme celui-ci pourrait déprimer une partie du lectorat masculin du Figaro ayant récemment "enfanté", Pauline Fréour tient à terminer sur une note optimiste :

Que les hommes en revanche se rassurent, les effets de cette baisse hormonale sont subtils, et la libido ne disparaît pas pour autant.

On a eu peur...

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