mercredi 7 septembre 2011

Pas de mauvais souvenirs...

Des trains pour bannir les Roms hors de la Seine Saint Denis

Le 31 août, au petit matin, la police évacué une centaine de Roms du quartier des Cosmonautes à Saint Denis. Ils ont ensuite été acheminés dans une rame de tramway spécialement affrétée pour eux jusqu’à la gare RER de Noisy-le-Sec où ils ont été contraints de monter dans des trains pour quitter le département. Cette évacuation s’est faite avec l’appui des CRS qui veillaient à empêcher les Roms de descendre des trains. Beaucoup d’enfants, de femmes enceintes ou de personnes malades ont dû subir ce traitement indigne et de nombreuses familles sont aujourd’hui disloquées.


Communiqué de la Cimade, 7 septembre 2011.


On attend la prochaine campagne de pub avec impatience.

Puisque monsieur Claude Guéant a dénoncé des "amalgames scandaleux", on essaiera de ne pas évoquer les mauvais souvenirs des "pires heures de notre histoire" et ainsi de tenir "des propos" qui, selon lui, "finalement, encouragent au négationnisme".

(Mais, en faisant cette allusion au "négationnisme", ne serait-ce pas justement là un "amalgame scandaleux" que nous livre notre ministre de l'Intérieur et des Expulsions vers l'extérieur...)

Il est vrai que tous les articulets qui ont relayé dans la presse l'information donnée par France Info, selon laquelle la RATP aurait affrété un tramway pour évacuer des Roms expulsés d'un camp à Saint-Denis, commençaient par la même allusion :

L'affaire rappelle certaines heures sombres de la Seconde Guerre mondiale.

(Même dans le Figaro, ici sous la signature de Valérie Collet.)

Et on peut comprendre que cela ait pu agacer monsieur Guéant, si soucieux de rigueur dans l'énoncé des vérités, non seulement statistiques, mais aussi historiques.

En effet :

"Je rappelle que la Shoah, ce n'était pas partir volontairement après une décision de justice vers un lieu de son choix."

A-t-il dit, particulièrement inspiré...

On ne pinaillera pas en remarquant que ce départ volontaire a été assez lourdement encadré par les forces de police. Et pas pour aider à porter les paquets...

Monsieur Guéant aurait pu signaler l'incomparable confort du T1,
ça aurait fait plaisir à la RATP qui a tant fait pour lui...


Ce qu'on remarquera plutôt, sans pour autant aller dans le sens de notre estimé ministre, c'est que la comparaison avec les sinistres "heures sombres"ne peut effectivement qu'être boiteuse. Car, selon toute apparence, nous vivons dans un pays libre, affranchi de la contrainte que pourrait faire peser sur lui un envahisseur victorieux, et où, personne, à ma connaissance, n'a reçu les pleins pouvoirs pour gouverner en accord avec les occupants. Bien au contraire, il semble que, depuis notre dernier coup d'état - que certains historiens voient comme "un coup d'état démocratique" -, tous nos hommes et femmes de pouvoir se réclament, la bouche en cœur, d'une idéologie respectueuse des valeurs et idéaux démocratiques. Mis à part quelques roulements d'épaules et quelques coups de menton de nos gouvernants, la population n'est pas soumise au feu continu d'une propagande tonitruante présentant, en paroles et en images, le Rom comme un parasite à éradiquer en raison des nuisances qu'il génère. Ajoutons à cela que notre peuple est éduqué dans la vénération des valeurs citoyenno-républicaines universelles qui s'inscrivent, au fronton des plus humbles des temples du pouvoir - nos mairies - , en majuscules romaines : "LIBERTE, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ". Et, officiellement, personne ne regrette la devise à l’universalisme plus restreint qui fut la nôtre en des temps obscurs : "TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE"...

Aussi semble-t-il que, si l'on écarte les insistants mauvais souvenirs historiques, on peut trouver encore plus consternante - et c'est euphémique, bien entendu - l'attitude des petits chefs ératépistes qui ont eu l'idée (géniale) de mettre une rame de tramway à disposition de la police afin qu'elle parachève son sale boulot d'expulsion sans trop gêner les "usagers".

Car, à la Régie, on tient à rester fort technique et l'on parle de "décision prise localement dans une situation d'urgence face à un quasi-blocage de la ligne" :

"Vers 8h30, l'encadrement local de la ligne du tramway T1 s'est rendu sur place et a constaté que l'évacuation des Roms semblait se dérouler avec difficulté et gêner les voyageurs dans les rames."

"Afin de minimiser les troubles et les retards sur la ligne, le personnel de la RATP sur place et les forces de l'ordre sont convenues de l'intérêt d'utiliser un train qui se trouvait disponible pour acheminer les personnes évacuées."

Les serviles ératépistes attendent probablement l'expression distinguée de la gratitude de monsieur Guéant, qui a affirmé, en apprenant cette initiative qu'il a prétendu ignorer, que "ce qui compte c'est de savoir ce que l'on fait à l'égard de ce qui est illégal."

Bientôt, peut-être faudra-t-il considérer la décision des cadres de la RATP comme un bel exemple de collaboration citoyenne face à "ce qui est illégal"...

Une idée pour les "leçons de morale" que monsieur Luc Chatel entend bien réintroduire à l'école ?

2 commentaires:

iGor a dit…

"face à ce qui est illégal"...

selon que vous serez Rom ou ministre, chômeur ou pdg d'une entreprise d'exportation de matériel d'interception de communication, mendiant ou banquier insolv... en manque de liquidité, etc., etc.

merci, M. Guy, de nous aider à différencier les époques qui se ressemblent, afin de mieux voir ce que le présent à de particulier.

Guy M. a dit…

C'est plutôt monsieur Guéant qu'il faut remercier...

Son pointilleux discernement des amalgames m'a beaucoup aidé.