mercredi 10 février 2010

Qu'il est beau mon comico !

Les heureux habitants du XXème arrondissement de Paris, qui regroupe les anciens villages de Belleville, Ménimontant, Charonne et leurs confins, ne sont pas peu fiers d'avoir, depuis le mois de mars 2009, un nouveau commissariat central, rue des Gâtines, non loin de la place Gambetta.

Après des travaux qui m'ont paru interminables, le nouvel immeuble a été inauguré par madame Michelle Alliot-Marie soi-même.

Tous les touristes font maintenant le détour, en sortant du Père-Lachaise, pour admirer la fière façade en vitrages blindés, mais de différents coloris, très jeunes, très frais, très-très chouettes !

J'ai un jour profité d'une demande de renseignements que je voulais obtenir pour entrer dans ces locaux prestigieux. Je peux donc vous dire que l'intérieur est beaucoup moins coloré que la façade et que, somme toute, ça ressemblait à un commissariat, en plus propre.

Quant à mon renseignement, puisque vous tenez à savoir le fin mot, je ne l'ai pas obtenu: un jeune policier, préposé à l'accueil, m'a dit que je devais téléphoner, de chez moi, aux experts du troisième étage. Et ceux-ci m'ont répondu que je devais aller voir à la mairie...

Commissariat central du XXème arrondissement par temps clair.
(Photo prélevée sur le site de la préfecture de police.)


C'est peut-être dans ce superbe bâtiment qu'Anne, une gamine de 14 ans, a été conduite pour y subir ces huit heures de garde à vue qui, comme on dit dans le journal, font "polémique".

Car les faits scandaleux ne font plus scandale, ils font "polémique" ou, dans certains cas, ils font simplement "débat".

Selon le très impartial article du Figaro.fr, le récit d'Anne "a des accents de sincérité".

Et son récit, le voici:

«À 10 h 30, je dormais encore et j'entends tambouriner à la porte. Donc, je me lève. J'étais en pyjama. J'ouvre la porte. Et donc, il y a une policière qui entre et qui me dit "voilà, c'est la police, il est 10 h 35 et, à partir de maintenant, vous êtes en garde à vue". Je lui demande si je peux m'habiller. Elle me dit non. Je mets mes chaussures. On y va. Ils m'emmènent au commissariat. Ils m'emmènent dans un bureau juste pour me demander mon nom, etc. Ils me mettent dans une cellule. Quand on me sort de la cellule, y a un policier qui me demande : "Pourquoi t'es là ?" Et il me dit : "Tu vas arrêter de te foutre de ma gueule, sinon je te prolonge de 24 heures.

Pour ceux qui s'intéressent aux récits de gardés à vue (qui constituent désormais un imposant corpus), cela a même des accents d'authenticité.

Anne affirme avoir été menottée lors d'un transfert chez un médecin.

C'est mardi, sur France-Info, que sa mère a dévoilé l'aventure d'Anne.

Elle a bénéficié d'un contexte médiatique favorable, et elle a bien eu raison d'en profiter.

Avec une rapidité de réaction tout à fait inhabituelle, monsieur Michel Gaudin, préfet de police de Paris, a réclamé une enquête à l'Inspection générale des services (IGS), tandis que monsieur Alain Gardère, "patron des quelque 40 000 agents de la police d'agglomération parisienne", convoquait dans la journée une conférence de presse, "en urgence".

Il était en effet urgent de réaffirmer l'absolue régularité de la procédure appliquée à la jeune présumée suspecte.

Pour cela, la préfecture chipote, et précise d'importants détails:

La police se rend donc chez elle et l'emmène effectivement dans la tenue de jogging qui lui sert de pyjama. Non sans l'avoir laissée prendre un pull et des chaussures. Elle est emmenée dans une voiture de police banalisée, pour des raisons de discrétion.

Un pull ! des chaussures ! une voiture banalisée !

Et elle ne dirait pas merci ?

Mais l'argument le plus décoiffant est celui-ci:

La préfecture fait remarquer, pour sa part, que l'avocat commis d'office n'a fait état d'aucune observation sur les conditions de la garde à vue d'Anne. «Lorsque la mère est venue chercher sa fille au commissariat de police, elle n'a fait également état d'aucune observation», poursuit-elle.

Là-dessus, il reçoit l'appui de monsieur Mohamed Douhane, du syndicat d'officiers de police Synergie, qui "assure que les droits de la jeune fille «ont été strictement respectés. Elle a bénéficié d'un avocat et d'une visite médicale»".

Et celui de la policière, ayant grade de brigadier de police, "qui a pris la responsabilité du placement en garde à vue" qui affirme que «la mineure ne s'est plainte à aucun moment».

Finalement, tous ces intervenants montrent que l'intolérable infligé à une gamine qui aurait participé à une bagarre de collège est devenu une "procédure régulière" qui ne choque plus personne dans les rangs de la police.

Sur la page du LeMonde.fr, on peut lire le compte-rendu du "chat" auquel a accepté de participé Jean-Pierre Dubois, professeur de droit public à l'université Paris XI et président de la Ligue des droits de l'homme (LDH).

Sur cette affaire, il fait ce constat:

Ce genre de situations, qui malheureusement se multiplient, suffit à faire prendre conscience de la perte de repères qui résulte de huit ans de politique ultra-sécuritaire.

En conclusion, à la question "Pensez-vous qu'il y a réellement un recul des libertés en France ?", il répond:

A l'évidence oui. C'est la raison de notre campagne. Et il est assez facile de démontrer que depuis 2002, une très large partie du programme électoral du candidat Le Pen a été recyclée par les lois Sarkozy, si bien que nous sommes en train de changer de société sans que les citoyens aient été mis en mesure de le décider démocratiquement.



Note:

Je crois que les heureux habitants du XXème arrondissement de Paris auraient préféré, à tout prendre, que l'on maintienne le centre d'IVG (Interruption volontaire de grossesse) de l'hôpital Tenon, qui a été fermé au mois de juillet 2009.

Pour demander sa réouverture, le collectif unitaire du XXème a mis en ligne une pétition, et appelle à un rassemblement, le samedi 13 février à 11h, sur la place Gambetta.

Ce n'est pas loin de notre beau comico nouveau, vous pourrez aller jeter un coup d'œil.

6 commentaires:

Dorémi a dit…

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/lhumeurde/index.php?id=88338
Bise, monsieur Guy

Guy M. a dit…

Je ne connaissais pas cette belle histoire de "poignets trop fins"...

Merci, madame Dorémi.

Dorémi a dit…

Et hop !
http://www.rue89.com/2010/02/12/anne-arretee-en-pyjama-le-prix-du-nouveau-droit-des-mineurs-138158

Guy M. a dit…

Merci de ce complément que je n'avais pas vu. Mais il est vrai qu'il est daté d'hier soir.

Dorémi a dit…

je viens de lire ça :
http://www.rue89.com/2010/02/13/anne-la-collegienne-placee-en-garde-a-vue-se-confie-a-rue89-138273
Bise, monsieur Guy

Guy M. a dit…

Je l'ai lu aussi, en appréciant les commentaires dubitatifs...

Comme le remarque Anne, on est en âge d'être placée en garde à vue, et les gens s'étonnent qu'on écrive correctement !