mercredi 16 septembre 2009

Selon toute apparence

Il ne faut se fier aux apparences, elles sont trompeuses, dit un proverbe de chez nous, qui a toutes les apparences de la vérité.

C'est pourquoi la prudence épistémologique la plus élémentaire nous conduira à passer résolument à côté des apparences, voire à les nier tout aussi résolument.

Si le corps d'une personne décédée présente "de nombreux hématomes, 27 au total, dont certains de grande taille", il est plus prudent de ne pas le signaler dans le rapport d'autopsie de cette personne; ce ne sont là évidemment que des apparences. Et si l'on sait que cette personne présentait un taux d'alcoolémie notable lors de son arrêt cardiaque, on conclut "à un décès provoqué par une hypertrophie cardiaque et une forte consommation d'alcool (2,4 grammes/litre)", car un taux d'alcoolémie, ce n'est pas une apparence, c'est le résultat d'une mesure scientifique. Nuance !

Ainsi notre principe de prudence épistémologique peut-il trouver une illustration dans le premier rapport d'autopsie de monsieur Ali Ziri, mort le 11 juin dernier, après un contrôle policier.

Rappelons qu'il a fallu une seconde autopsie pour que l'on entende officiellement parler de traces de coups sur le corps de monsieur Ziri.

(Puisqu'aucune tentative n'est faite, tant du côté de la police, que du côté de l'hôpital pour expliquer ces hématomes, je suppose, pour sauver les apparences, qu'ils peuvent être des traces de coups.)

Ali Ziri.

L'annonce faite par le collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri (et Arezki Kerfali) d'un rassemblement sur la dalle d'Argenteuil, le 11 septembre, a conduit deux médias "reconnus" à publier deux articles sur cette affaire. Il s'agit du Monde (Itinéraire d'un vieil immigré algérien, mort après une interpellation musclée) et de l'Express (Vie et mort de "Tonton Ali").

A ma connaissance, mais elle est fort restreinte, la dépêche que l'AFP a bien voulu consacrer à ce rassemblement n'a pas été reprise, sauf sur Lakoom-info où vous pourrez la lire. La journaliste de l'AFP, présente sur les lieux, a compté une centaine de personnes et a noté la déclaration d'Olivier Besancenot. Les amis du réseau Résistons Ensemble, qui devaient aussi être présents, ont dénombré plus de 300 personnes...

La contribution la plus substancielle est celle de Bakchich.info avec cette "enquête de la semaine" de Bakchich.tv.


Plusieurs procédures sont en cours, mais la première à aboutir est celle qu'ont engagée les policiers contre monsieur Arezki Kerfali.

Il doit comparaître demain 17 septembre, au tribunal de Pontoise, pour outrages envers les policiers et conduite en état d'ivresse.

Ceux qui veulent le soutenir pourront se retrouver ce jeudi, à 8h45, au tribunal de Grande Instance de Pontoise, 3 rue Victor Hugo.

On n'y jugera pas de son arrêt de travail de 8 jours, de sa fracture au poignet ou des hématomes qu'il avait sur tout le corps en sortant de garde à vue.

Non, on ne s'arrêtera pas aux apparences.

On y parlera des bleus à l'âme de policiers outragés.



PS: La personnalité discrète de monsieur Ali Ziri, bien mise en évidence par Luc Bronner dans son article du Monde, permet aussi de parler des chibanis et de nous interroger sur la vie qui a été faite à ces "invisibles" que nous avons exploités pendant tant d'années pour notre plus grand bien-être.

Ali Ziri ne sortait jamais sans sa cravate et sa veste sombre. Une petite moustache fine, quelques rares cheveux blancs, le vieil homme, 69 ans, était un "chibani", un de ces immigrés venus en France à la fin des années 1950 pour fournir une main-d'œuvre bon marché à une économie en pleine croissance. Un de ces "invisibles" qui peuplent les foyers de travailleurs de la banlieue parisienne et qui, après quarante ans de labeur, choisissent de vivre entre leur pays d'adoption, la France, et leur pays d'origine, l'Algérie.

(...)

Ali faisait partie de ces immigrés qui ont vécu loin de leurs enfants, restés au pays avec leur mère. Depuis son départ en préretraite, il y a dix ans, il avait pu faire vraiment leur connaissance en s'installant en Algérie. Il y construisait sa maison.


A lire, sur le site du collectif Les mots sont importants, cet appel Pour le droit à vivre dignement ici et là‐bas.

4 commentaires:

JBB a dit…

Encore une histoire qui donne envie de vomir, elles se multiplient pis que des feuilles mortes en hiver. A ce niveau, c'est plus des bavures, c'est de l'assassinat en série.

(Juste, il y a eu un autre sujet sur la question, par l'émission Mon Oeil : http://www.dailymotion.com/video/xagnof_mompontet-bavure-ordinaire-en-franc_news )

Guy M. a dit…

Cette vidéo m'avait échappé...

Honte à moi, car elle est évoque très bien la vie de ces "invisibles" des foyers.

JBB a dit…

Oui (enfin : pas oui, honte à toi, hein). Le mec a un ton assez horripilant. Mais j'ai vu quelques-unes de ses émissions sur le net, et le traitement en est toujours plutôt classe.

Guy M. a dit…

Le choix des images est intéressant. On rêve d'un documentaire plus étendu...