jeudi 25 juin 2009

La CGT lutte dans le seul intérêt des sans-papiers

Hier, j'ai acheté par mégarde Siné Hebdo...

Par chance, j'y ai trouvé un petit article, intitulé Tu seras un métèque, mon fils, signé de Miguel Benasayag*.

On peut y lire cette confidence:

Quand je suis arrivé en France, pour obtenir mes équivalences, j'ai travaillé un an dans la salle d'accouchement d'une maternité. Je peux vous assurer que je n'ai jamais vu un enfant sortir du ventre de sa mère avec des papiers à la main.

Depuis hier, on peut ajouter "ni avec une carte de la CGT".

C'est la seule tentative humoristique dont je me sens capable devant l'évacuation (on va dire comme ça) de la Bourse du Travail, occupée depuis plus d'un an par des travailleurs sans-papiers et leurs familles.

Depuis hier, les infos tombent, embrouillées au début, puis mises en ordre, mais est-ce le bon ? Qu'importe puisqu'on y repère une étroite collaboration, dans l'action, de vigiles de la CGT qui donnent le premier assaut, de policiers en civil qui sont présents habituellement et de CRS qui sont appelés en renfort, le tout avec son lot de gaz lacrymogènes, de coups et de blessures.

Ajoutons la présence indécente de vidéastes (Libé, venu en voisin) et de photographes qui découvrent soudain des "sujets" qu'ils ont quasiment ignorés pendant plus d'un an. (Lire, par exemple, le reportage de Claire Diao sur Afrik.com)

Et cela donne un beau cadrage symétrique,
pour une image oppressante.
(Miguel Medina, AFP)

Pour essayer d'y voir plus clair, on suit la piste cégétiste.

On tombe d'abord sur le quatre pages Un an d'occupation de la Bourse du Travail! Et après ? diffusé le 26 mai 2009 par l'UD CGT 75, qui se termine par ces mots:

Regardons ce qui se passe sur les autres questions de la situation sociale aujourd'hui en France. Partout dans le pays se déroulent des luttes sur tous les fronts. Partout des débats parfois rudes se mènent sur les stratégies à adopter, mais il n'y a qu'une seule organisation en France qui a osé s'en prendre, de cette façon à une structure de la Cgt totalement impliquée dans le mouvement social :

C'est la CSP 75, espérant sans doute que sa grossière provocation lancée dès le début de l'occupation: " Vous n'avez plus qu'à appeler la police ! " finira par marcher !

On commence à sentir comme une odeur...

Qui se précise quand on découvre le tract du 19 juin que l'on peut lire, accompagné de la réaction d'un militant, sur le blogue Où va la CGT ? (Cette réaction, écrite avant l'évacuation, console un peu...)

Pour finir, on lit le dernier communiqué de la CGT, Occupation de la Bourse du Travail: la voie était sans issue, disponible sur le site de Bellaciao.

On sort de là dans un triste état, ou un état triste, c'est selon.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu trois textes cégétistes à la suite, écrits tous les trois en langue de bois (pourri, le bois), avec ces relents de maigre dialectique qui semble venir tout droit de vieux volumes défraîchis des éditions de Moscou de mes jeunes années...

Pourtant elle s'est relouquée, la CGT...
(J'ai volé cette photo sur le blogue de Marianne68,
et je l'ai passée en noir et blanc.
J'espère qu'elle ne m'en voudra pas.)


Autant terminer la lecture de l'article de Benasayag:

Mais pour finir, soyons sérieux. Car il y a des situations où être sans-papiers définit, véritablement, la dignité d'un homme. Des moments au cours desquels un homme sans papiers est, véritablement, moins digne qu'un homme avec papiers. Je fais référence à ce moment fatidique où, dans le bonheur d'avoir fini de chier, on tourne la tête à droite, à gauche, tel un oiseau affolé, et où l'on constate qu'on est "sans papiers". Mon Dieu, si Sarkozy le savait...

Du coup, je reporte un œil sur le bellâtre dodu qui joue "Super Héros en grève".

La CGT peut bien baisser son froc dans les négociations et montrer son cul dans les manifestations, on sait maintenant qu'elle n'a pas les fesses bien propres.



* Comme la chance est avec moi, qui suis partageux, elle est aussi avec vous, puisque cela me permet de vous conseiller de lire, sur Article XI, très beau site gratuit et sans publicité, la transcription de conversations pyrotechniques entre Miguel Benasayag et Margot K. Un bonheur n'arrivant jamais seul, Margot K. annonce une seconde partie...

4 commentaires:

JBB a dit…

Quelque part, c'est étrange de penser que des faits si tristes peuvent t'inspirer des textes si bien troussés. Et même, je me sens un peu coupable de savourer ta plume quand il est question de cette ignoble expulsion. Mais voilà, rien que pour cette phrase, "La CGT peut bien baisser son froc dans les négociations et montrer son cul dans les manifestations, on sait maintenant qu'elle n'a pas les fesses bien propres", je ne peux faire autrement que de te manifester mon admiration. :-)

Maintenant, pour la CGT, je crois qu'on est d'accord : des grands coups de pied au cul, à chaque fois qu'on les croisera. Et plus, même.

Guy M. a dit…

Je t'ai souvent dit que tu étais trop bon (ça t'perdra, disait la grand-mère)...

Les faits sont si affligeants et si révoltants que j'ai failli être ordurier. Siné Hebdo et Miguel Benasayag m'ont sauvé!

Dorémi a dit…

Attention toutefois à ne pas mettre tous les cégétistes dans le même sac : beaucoup de militants sont choqués par ce qui est arrivé.
Bises, monsieur Guy.

Guy M. a dit…

Tout à fait d'accord avec toi.

Le blogue "où va la cgt" en est une preuve.

(Et puis, je songe à tous ces vieux copains qui doivent se retourner dans leurs tombes...)

Bises.