lundi 27 avril 2009

Grenades angevines

La douceur angevine a été suffisamment rimée par le bon Joachim du Bellay qui se morfondait à Rome et chantée par le grand Boby Lapointe qui rêvait de lutiner une "angevine de poitrine", pour que je n'y ajoute pas mon grain de sel.

Forts, sans doute, de cette réputation de douceur, entre autre climatique, les modernes responsables municipaux de la ville ont déposé une requête auprès du tribunal de grande instance, afin de récupérer, donc de faire évacuer, des locaux appartenant à la ville, et occupés depuis quelques mois, par des demandeurs d'asile, des sans logis et des Roms. Une ordonnance d'expulsion a été prononcée le 16 janvier.

Et l'expulsion a eu lieu le jeudi 23 avril, pour les occupants du 48, rue Lionnaise.

En respectant les formes requises:

Armés de béliers, les policiers pénètrent par une ancienne issue de secours et s'engouffrent dans le bâtiment municipal. Les squatteurs, qui n'opposent aucune résistance, sont invités à prendre leurs effets personnels avant de descendre dans la cour. « Ils ont mis les demandeurs d'asile d'un côté, les Roms de l'autre, et puis nous, SDF. » Vérification d'identités. On fait les comptes : 43 demandeurs d'asile, 12 Roms et cinq SDF.

Petit matin à Angers.

La préfecture assure que des solutions de relogement ont été proposées... Il semble que peu de problèmes aient été résolus, cependant, puisque les anciens occupants du 48 se sont repliés dans le nouveau théâtre, le Quai, dont la ville est si fière, pour en être à nouveau délogés.

Le samedi était prévue une manifestation de soutien aux évacués du 48, pour protester contre les solutions de relogement proposées.

Ce sont des choses qui se font, et qui se feront sans doute de plus en plus.

Selon le premier entrefilet paru dans Ouest-France, 200 personnes s'étaient réunies dans le calme devant la mairie...

Jusqu'à ce qu'une poignée tente de pénétrer dans un bâtiment vide, face au château d'Angers. A ce moment-là, les policiers ont chargé. Sans aucune sommation.

Après-midi à Angers.

Un article plus copieux, signé de Vincent coquereau, précise le déclenchement des événements.

Arrivé au château, le cortège s'est arrêté au pied d'une maison aux volets fermés, appartenant à la ville. Sous les yeux des policiers, une poignée s'est élancée vers le bâtiment pour tenter d'y pénétrer. Aux premiers coups de pieds dans les portes, les policiers ont chargé.

Coups de matraque, grenade détonante, et bombe lacrymogène vaporisée dans la foule... La réponse disproportionnée des forces de l'ordre a surpris tout le monde, y compris des touristes de passage. Sonnés, mais déterminés, les manifestants ont appelé à un nouveau rassemblement samedi prochain. «N'oublions pas qu'il y a toujours des gens à dormir dehors !»

Le même article nous donne le bilan de cet accrochage:

Dans l'affrontement, trois hommes ont été blessés. Une plaie sur le crâne pour l'un. Une brûlure au bras causée par une grenade lacrymogène pour un autre. Et, pour le troisième, des écorchures sur le dos, vraisemblablement dues à des coups de matraque. Plusieurs dizaines d'autres ont été victimes du gaz, et ont reçu les premiers soins sur place. D'après la préfecture, deux policiers ont été blessés.

Tout cela pour défendre l'entrée d'une maison aux volets clos, cela semble beaucoup...

La dépêche de l'AFP est, bien sûr, plus prudente que le quotidien de l'ouest. On sait lire des communiqués de la préfecture, à l'AFP. On y parlera donc de «plusieurs personnes (...) légèrement blessées», on usera de la délicate expression «accrochage "un peu sévère"» utilisée par les services de police, et surtout on ne lèvera pas la question des sommations préalables...

Cependant, la dépêche cite le témoignage d'un des participants, monsieur Rodolf Nettier, qui a vraisemblablement exigé d'être pris en compte le plus précisément possible.

Il avait d'abord estimé que la blessure au bras avait été provoquée par un tir de flash-ball... Il corrige en parlant d'une blessure provoquée par l'explosion d'une grenade assourdissante...

Si cela est exact, c'est un moyen assez peu approprié pour défendre une simple porte d'entrée, il me semble...

De plus, il est tout de même curieux d'utiliser, tout de go, une grenade assourdissante dans cette bonne et calme ville d'Angers, dont le maire, monsieur Jean-Claude Antonini, membre du parti socialiste, fut en 2002, président du centre d'information et de documentation sur le bruit.

Il est vrai que le meilleur moyen de ne pas souffrir du bruit est de devenir sourd.

La nuit à Angers.

3 commentaires:

JBB a dit…

Et dire qu'il en est pour oser mettre en doute la crédibilité de la police dans son attitude avec les citoyens, à commencer par les plus jeunes : http://www.liberation.fr/societe/0101564354-police-cinq-histoires-pas-pour-les-enfants

Déontologie ? Rhôôôô… quel vilain mot…

Dorémi a dit…

Hihi. Je sais où tu vas puiser tes sources :-)

Guy M. a dit…

@ Jbb,

Merci pour le lien. J'avais vu l'article après clôture du billet. Et ces temps-ci, j'ai décidé de ne plus me corriger...

Comme Debord!

(Un peu de prétention fait du bien, non ?)

@ Dorémi,

Nous avons tous deux de bonnes lectures, bien sûr. Et je ne veux pas parler de Ouest-France...

(Qui fait du bon boulot sur les infos locales, quand on fouille un peu.)