En bonne déontologie journalistique, il serait souhaitable que les correctifs, voire les démentis, soient publiés à la même place, en même taille de caractères et sous la même signature que l'initiale fausse (bonne ou mauvaise) nouvelle...
On sait que c'est bien loin d'être le cas.
Monsieur Christophe Cornevin, qui est, avec son confrère monsieur Jean-Marc Leclerc, l'un des journalistes du Figaro accrédités auprès du ministère de l'Intérieur, annonçait en fanfare, le 4 avril, une "vaste opération anti-islamiste", avec dix interpellations. Il précisait, comme probablement on lui avait demandé de le faire, que cette "opération (...) n'a[vait] pas de lien direct avec l’affaire Mohamed Merah", mais il tenait à ajouter, comme probablement on lui avait demandé de faire :
Et :
Et puis, il y avait une photo...
La photo, non créditée, datait d'une autre "opération".
Pas grave, c'était juste pour meubler, et rassurer les lecteurs.
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Inutile de chercher sous l'une des deux grandes signatures du Figaro l'information, pourtant essentielle, de la remise en liberté de tous les "suspects", "djihadistes présumés", au "profil" si opportunément "potentiellement similaire" à celui du "tueur au scooter". Une dépêche de l'AFP a dû sembler suffisante à nos deux professionnels...
Et c'est par un simple copicollage de l'AFP dans le FlashActu du quotidien qu'on peut apprendre que maître Thierry Sagardoytho, qui défend deux frères arrêtés mercredi et gardés à vue pendant 37 heures, avait l'intention de demander réparation au civil. Ce qui donne, dans le style inimitable de l'agence :
Le tempétueux avocat est allé jusqu'à dénoncer une "bavure"...
Contrôle d'une voiture au profil potentiellement similaire à celui d'un scooter.
(Photo : Gérard Julien / AFP.) |
Le lendemain, un article d'Evelyne Lahana revenait sur cette information. Il était devenu inutile d'ajouter du floutage : la rue était bien identifiée, située dans "un petit quartier tranquille situé à proximité de la mosquée", où "tout le monde se connaît". Donc, tout le monde aura pu reconnaître Farid et Saad, désignés nommément, et leur père, et leur mère, et leur sœur...
En bonne professionnelle, la journaliste n’omet pas de signaler que Farid, le plus jeune, était "était connu des services de police pour une condamnation, en décembre 2007, par le tribunal de grande instance de Pau pour des faits de recel, dégradation, violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, outrage et port d'arme de 6e catégorie". Mais elle n'omet pas non plus de dire que "depuis, il n'avait plus jamais fait parler de lui" et que "le casier judiciaire de son frère aîné, qui exerce les fonctions de conseiller chez Pôle Emploi, ne porte aucune mention".
Un article ultérieur, mis en ligne à la mi-journée, donne davantage la parole au père des deux frères. Il raconte l'intervention des hommes du GIPN et des policiers de la DCRI. Une photo le montre devant la porte bleue de sa maison, la serrure démantibulée et rafistolée. On le regarde, et l'on sait que, si on lui avait demandé, il aurait ouvert...
Pour lui, "la seule explication à cette interpellation ne peut être que les voyages effectués par ses garçons d’octobre 2011 à janvier 2012 : « Mes gosses sont partis en Inde, Malaisie, Thaïlande, Birmanie, Vietnam et Cambodge. Ils ont travaillé pour payer leur voyage. Mais ils ne sont jamais allés en Afghanistan »".
Dans Sud-Ouest, un article de David Brian, posté le même jour,donne le point de vue des voisins :
Des copains :
On peut penser que, si tout cela est vrai, les deux voyageurs pourront garder la tête haute dans le quartier.
Mais ailleurs ?
L'ainé a repris son travail à Pôle Emploi, mais le cadet, qui avait commencé un boulot d'intérim à Oloron, l'a bien sûr perdu. Il s'est rendu à l'agence où il avait obtenu une mission :
Bientôt peut-être lui dira-t-on qu'il n'a pas le profil...
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