Devant un tel titre - Vrouz, qui n'est qu'un condensé du nom de l'auteure Valérie Rouzeau mais sonne comme un départ sur les chapeaux de roues -, je ne me suis senti conforté dans mes mauvaises habitudes de liseur de poésie.
C'est-à-dire que, découvrant un nouveau livre, il me faut le lire une première fois à toute vitesse, et si possible d'une seule traite. Histoire de voir d'abord si cela chante ou pas. Une deuxième lecture, plus nonchalante, me permet d'entendre si en chantant cela me dit quelque chose. Ensuite la (re)lecture picore ici ou là, cherche à retrouver une page mais s'égare en maraudes... cela peut durer longtemps, et le livre finit par se faire à ma main, mon œil et mon oreille...
Je sais que les recueils de Valérie Rouzeau supportent bien ce genre de traitement.
Celui-là aussi bien que les autres.
Vrouz rassemble 151 sonnets qui sont autant de brèches poétiques creusées dans la prose quotidienne du monde.
Comme dans ce sonnet 11, où s'entend l'effet du gynéco, ou l'écho du gynécée :
J'ai rêvé que mentais sur mon tour de poitrine
En disant comme avant mais avant quoi au fait
Bien bien installez-vous sur mon tapis volant
Glousse la gynécologue dans la réalité
Robert et puis Robert ça sonne un peu Dupont
Beaucoup Dupont Dupond mais pas si rigolo
Parce que le cœur battu en a sur lui trop gros
Et je recycle ici l'expression d'un poteau
Belles athlètes aux maillots de couleurs vives battantes
Avec un numéro gagnant à votre buste
Salut à vous toujours lancées toujours partantes
Réveillée merle et zut il faut encore aller
Chercher une ordonnance bonnet blanc blanc bonnet
ABC la culotte pieds dans les étriers.
Ou dans ces "
autoportraits sonnés" :
Bonne qu'à ça ou rien
Je ne sais pas nager pas danser pas conduire
De voiture même petite
Pas coudre pas compter pas me battre pas baiser
Je ne sais pas non plus manger ni cuisiner
(Vais me faire cuire un œuf)
Quant à boire c'est déboires
Mourir impossible présentement
Incapable de jouer ni flûte ni violon dingue
De me coiffer pétard de revendre la mèche
De converser longtemps
De poireauter beaucoup d'attendre un seul enfant
Pas fichue d'interrompre la rumeur qui se prend
Dans mes feuilles de saison.
(Sonnet 1)
Non je ne reviens pas vers vous je viens c'est tout
Je ne vous dirai rien autour d'un verre à pied
Ne suis pas très causante encore moins conviviale
Quand vos paroles sont tellement toujours les mêmes
Interchangeables et creuses formules des tics en toc
Vive les chiens éperdus les chats égratignés
Les âmes errantes les fantômes distingués
Le sourire à l'envers de la lune dans ma tasse
J'ai l'amour spontané de mon prochain sauf quand
Mon prochain s'intéresse de trop près à mon goût
À ma personne gentille et froide et solitaire
Alors là je m'éloigne à grandes enjambées
Du buffet dînatoire où j'étais conviviée
Et je rentre chez moi savourer mon congé.
(Sonnet 146)
Le Matricule des Anges de mars 2012
consacre son dossier à Valérie Rouzeau.
(Et - c'est exceptionnel dans le Matricule -
le photographe n'a pu lui donner un air sinistre...)
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